REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 9 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’OFFICE PUBLIC D’AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE (OPAC DU RHONE), dont le siège est 194 rue Duguesclin à Lyon (69003) ; l’OPAC DU RHONE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 7 janvier 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur la demande de la société Sitex, a annulé la procédure de passation du marché de fournitures et les décisions de l’OPAC relatives à la dévolution du marché, invité l’OPAC à reprendre la procédure engagée pour le compte de la SA d’HLM Gabriel Rosset, au stade de l’examen des offres et rejeté le surplus des conclusions ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de la société Sitex ;
3°) de mettre à la charge de la société Sitex la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l’OPAC DU RHONE,
– les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de l’OPAC DU RHONE ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation (…) des conventions de délégation de service public./Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement …/ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours… ;
Considérant que l’OFFICE PUBLIC D’AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE (OPAC du Rhône) se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 7 janvier 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Sitex, d’une part, annulé la procédure de passation du marché de fournitures ayant pour objet la location de matériels destinés à la sécurisation d’appartements inoccupés ou d’immeubles d’habitation avant réhabilitation ou démolition sur l’ensemble du patrimoine de la société anonyme d’habitations à loyer modéré (SA d’HLM) Gabriel Rosset et les décisions de l’OPAC DU RHONE relatives à la dévolution de ce marché et, d’autre part, enjoint à l’OPAC de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l’OPAC DU RHONE, agissant non pour son propre compte mais pour le compte de la SA d’HLM Gabriel Rosset, personne morale de droit privé, a lancé une procédure d’appel d’offres ayant pour objet l’attribution d’un marché à bons de commande portant sur la location de matériels destinés à la sécurisation d’appartements inoccupés ou d’immeubles d’habitation avant réhabilitation ou démolition ; qu’un tel contrat de fourniture conclu par une personne publique agissant sur mandat et pour le compte d’une personne privée au titre des besoins propres de cette dernière est un contrat de droit privé ; que la circonstance que l’office ait choisi d’appliquer des règles de passation posées par le code des marchés publics est sans incidence sur la nature de ce contrat, seuls les marchés passés en exécution du code des marchés publics, c’est-à-dire entrant dans son champ d’application dont sont exclues les personnes morales de droit privé, pouvant être qualifiés de marchés publics en vertu de l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001 ; que de même, la circonstance qu’aux termes de l’article L. 433-1 du code de la construction et de l’habitation : Les marchés conclus par les organismes privés d’habitation à loyer modéré sont soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés publics passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics , est sans incidence sur la nature du contrat et la compétence juridictionnelle pour connaître de manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence qu’elle institue ; qu’en effet, l’article 24 de cette ordonnance ne confie la compétence au juge administratif des référés pour connaître de tels manquements que pour les seuls contrats administratifs ; qu’en conséquence, le marché de fourniture litigieux conclu par l’OPAC DU RHÔNE mandataire de la SA d’HLM Gabriel Rosset est un contrat de droit privé et les litiges relatifs à la passation de ce contrat, tels ceux liés à la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence posées par les dispositions de l’ordonnance précitée du 6 juin 2005, relèvent de la seule compétence du juge judicaire ; que, par suite, en annulant la procédure de passation du marché susvisé et les décisions de l’OPAC DU RHONE relatives à sa dévolution et en enjoignant à l’OPAC de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon s’est prononcé sur des conclusions qui échappent à la compétence de la juridiction administrative ; que son ordonnance du 7 janvier 2009 doit, par suite, être annulée ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le litige introduit par la société Sitex devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est relatif à un contrat de droit privé ; que, dès lors, la demande de cette société doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Sitex la somme que l’OPAC demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 7 janvier 2009 est annulée.
Article 2 : La requête de la société Sitex devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l’OPAC DU RHONE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’OFFICE PUBLIC D’AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE et à la société Sitex.