Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 27 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Bertrand A, demeurant …; M. A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 3 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, procédant, sur la demande de la société anonyme de gestion du Morbihan (SAGEMOR), à la liquidation de l’astreinte prévue par l’ordonnance du 7 mars 2007 lui enjoignant de procéder à l’enlèvement de son bateau de l’emplacement du port d’Arzal-Camoël qu’il occupait illégalement, l’a condamné à verser à la société SAGEMOR la somme de 15 750 euros et a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de mettre à la charge de la société SAGEMOR le versement d’une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. A et de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société SAGEMOR,
– les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de M. A et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société SAGEMOR ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une ordonnance du 7 mars 2007, notifiée le 9 mars suivant, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, a enjoint à M. A de procéder à ses frais à l’enlèvement de son bateau de l’emplacement du port d’Arzal-Camoël qu’il occupait illégalement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; que, sur la demande de la société anonyme de gestion du Morbihan (SAGEMOR) et par une nouvelle ordonnance du 3 décembre 2007 contre laquelle M. A se pourvoit en cassation, le juge des référés, faisant usage des dispositions de l’article L. 911-7, a procédé à la liquidation de cette astreinte, après avoir constaté que le requérant s’était conformé à sa précédente ordonnance avec un retard de 210 jours, et, ramenant le taux de l’astreinte à 75 euros par jour, l’a condamné à verser à la société SAGEMOR une somme de 15 750 euros ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ; qu’aux termes de l’article L. 911-7 du même code : En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l’astreinte qu’elle avait prononcée. / Sauf s’il est établi que l’inexécution de la décision provient d’un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l’astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l’astreinte provisoire, même en cas d’inexécution constatée ;
Considérant que la liquidation de l’astreinte à laquelle procède le juge des référés se rattache à la même instance contentieuse, dont elle est le prolongement procédural, que celle sur laquelle il a été statué par un jugement prononçant cette astreinte ; que, dès lors, il appartient au juge des référés qui, par ordonnance prise sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, a assorti d’une astreinte l’injonction faite à l’une des parties, de liquider cette astreinte ; qu’il doit y procéder soit d’office, soit à la demande d’une partie s’il constate que les mesures qu’il a prescrites n’ont pas été exécutées, sans qu’il soit besoin en pareille hypothèse d’ouvrir préalablement une nouvelle procédure juridictionnelle ; qu’il lui appartient, avant de liquider l’astreinte, de prendre en compte tous les mémoires apportant des éléments nouveaux ;
Considérant qu’il résulte des écritures de M. A devant le juge des référés qu’il a soutenu, dans un courrier enregistré au tribunal administratif le 3 octobre 2007, qu’il n’avait pas reçu la notification de l’ordonnance du 7 mars 2007 et n’avait pu faire les diligences nécessaires qu’à compter de la date à laquelle il avait été informé de cette décision par le courrier du tribunal administratif lui demandant s’il l’avait exécutée ; que le juge des référés était tenu de répondre à ce moyen, qui n’était pas inopérant, dès lors qu’il avait été soulevé, comme il a été dit ci-dessus, dans le cadre de la procédure juridictionnelle qui se prolongeait ; qu’en s’abstenant de le faire, le juge des référés a entaché son ordonnance d’irrégularité ; que M. A est, dès lors, fondé à en demander l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au titre de la procédure de référé ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 921-6 du code de justice administrative : (…) Lorsqu’elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d’effet ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque la formation de jugement prononce une astreinte sans en fixer dans sa décision la date d’effet, le juge appelé à se prononcer sur sa liquidation n’est pas en mesure d’y procéder en l’absence de point de départ fixé par la décision juridictionnelle et permettant de déterminer la période sur laquelle l’astreinte doit être liquidée ;
Considérant que, par son ordonnance du 7 mars 2007 devenue définitive, le juge des référés a enjoint à M. A de procéder sans délai à l’enlèvement de son bateau sans préciser la date d’effet de l’astreinte qu’il a prononcée ; que cette astreinte ne peut être liquidée faute que son point de départ puisse être déterminé ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de prescrire le supplément d’instruction demandé par M. A, la demande présentée par la société SAGEMOR devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée par l’ordonnance du 7 mars 2007 doit être rejetée ;
Considérant, enfin, que si M. A demande au juge des référés, d’une part, de mettre à la charge de son épouse les sommes restant impayées au titre de l’indemnité pour occupation d’emplacement et, d’autre part, de condamner la société SAGEMOR à lui verser la somme de 21 000 euros au titre de dommages et intérêts pour tentative d’extorsion de sommes non dues et déclarations mensongères auprès du tribunal administratif, il soulève un litige distinct qui ne se rapporte pas à l’exécution de l’ordonnance du 7 mars 2007 et sur lequel il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer dans le cadre de la présente instance ; qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter ces conclusions ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société SAGEMOR le versement à M. A de la somme de 1 200 euros qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la société SAGEMOR tant devant le Conseil d’Etat que devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes sur le même fondement ne peuvent qu’être rejetées, dès lors que M. A n’est pas la partie perdante en la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2007 est annulée.
Article 2 : La demande de la société SAGEMOR présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes et ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes sont rejetées.
Article 5 : La société SAGEMOR versera à M. A une somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Bertrand A et à la société anonyme de gestion du Morbihan (SAGEMOR).