REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 octobre et 12 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 21 septembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement du 16 mars 2006 du tribunal administratif de Paris ayant annulé, à la demande de M. René A, de l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et de l’association syndicale du Front de Seine, la délibération du 27 septembre 2004 du conseil de Paris approuvant la modification du plan local d’urbanisme dans le secteur « Beaugrenelle-Citroën » ;
2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 16 mars 2006 du tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre solidairement à la charge de M. A, de l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et de l’association syndicale du Front de Seine une somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le code justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et autres,
– les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 811-15 du code de justice administrative : « Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement » ;
Considérant que, par un jugement en date du 16 mars 2006, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 27 septembre 2004 du conseil de Paris approuvant la modification du plan local d’urbanisme relative au secteur « Beaugrenelle-Citroën » ; que, pour rejeter la demande de la VILLE DE PARIS tendant à ce que soit ordonné, sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement, la cour administrative d’appel de Paris a relevé, dans l’arrêt attaqué, qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués par la ville à l’appui de sa demande d’annulation du jugement déféré ne paraissait de nature à justifier non seulement l’annulation de ce jugement, mais aussi le rejet des conclusions qu’il avait accueillies ;
Considérant, toutefois, que, pour rejeter une demande tendant au sursis à exécution d’un jugement d’un tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, le juge d’appel, afin de mettre le juge de cassation à même d’exercer son contrôle, doit faire apparaître le raisonnement qu’il a suivi ; qu’à cet effet, il peut se borner à relever qu’aucun des moyens de l’appelant mettant en cause la régularité du jugement attaqué ou le bien-fondé du ou des moyens d’annulation retenus par les premiers juges ne paraît, en l’état de l’instruction, sérieux, dès lors qu’il a procédé à l’analyse, dans les visas ou les motifs de sa décision, des moyens invoqués par l’appelant ; qu’en revanche, si l’un des moyens invoqués en appel apparaît sérieux mais que la demande de sursis doit en définitive être rejetée au motif qu’un des moyens soulevés par le demandeur de première instance ou qu’un moyen d’ordre public semble de nature à confirmer, en l’état de l’instruction, l’annulation de la décision administrative en litige, il incombe au juge d’appel de désigner avec précision tant le moyen d’appel regardé comme sérieux que celui qu’il estime, en l’état du dossier, de nature à confirmer l’annulation prononcée par les premiers juges ;
Considérant qu’en l’espèce, en se bornant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, à énoncer, dans l’arrêt attaqué, qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués par la ville à l’appui de sa demande d’annulation du jugement déféré ne paraissait de nature à justifier non seulement l’annulation de ce jugement, mais aussi le rejet des conclusions qu’il avait accueillies et en ne faisant pas ainsi apparaître si ce rejet était fondé sur l’absence de moyens sérieux présentés à l’encontre de la régularité du jugement attaqué ou relatif au bien-fondé du motif retenu par les premiers juges ou, en présence d’un moyen sérieux, sur l’existence d’un moyen soulevé par les demandeurs de première instance de nature à confirmer l’annulation prononcée par le tribunal administratif, la cour n’a pas mis le juge de cassation à même d’exercer son contrôle ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la VILLE DE PARIS est fondée à demander l’annulation de cette décision ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au titre de la procédure de sursis engagée par la VILLE DE PARIS ;
Considérant, d’une part, que le moyen tiré de ce qu’en jugeant que les dispositions des articles L. 2511-15 du code général des collectivités territoriales et R. 141-6 du code de l’urbanisme imposeraient, en cas de modification du plan d’occupation des sols, de consulter le conseil d’arrondissement préalablement à l’enquête publique et donc de verser dans le dossier soumis à enquête publique l’avis émis par le conseil ou, à défaut, le document justifiant qu’il a été saisi dans les délais nécessaires, le tribunal administratif de Paris aurait inexactement appliqué ces dispositions doit être regardé, en l’état de l’instruction, comme sérieux ;
Considérant, d’autre part, que si M. A, l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et l’association syndicale du Front de Seine ont invoqué au soutien de leurs demandes d’annulation de la délibération du 27 septembre 2004 du conseil de Paris des moyens tirés de l’irrégularité de la notification du projet de modification aux personnes mentionnées au sixième alinéa de l’article L. 123-13 du code de l’urbanisme, de l’absence des avis émis par ces personnes au dossier d’enquête publique, de l’impossibilité pour le commissaire enquêteur d’avoir une connaissance complète du projet en méconnaissance des dispositions de l’article L. 123-9 du code de l’environnement, de l’absence au dossier d’enquête publique de la convention de rénovation signée entre le préfet de Paris et la SEMEA XV, du cahier des charges général et du cahier des charges de réalisation des bâtiments, ainsi que de la lettre de la SEMEA XV du 2 décembre 2006, de l’absence d’une information précise et fiable sur les objectifs poursuivis et sur le régime de propriété des terrains d’assiette du centre commercial, des insuffisances du rapport de présentation et du plan de masse, du caractère trompeur du dossier d’enquête publique quant à l’étendue de cette enquête, quant à son objet et quant à l’état d’avancement du projet relatif au centre commercial, de l’absence d’indépendance du commissaire enquêteur à raison des interventions de la SEMEA XV, de l’organisation de réunions et de communications parallèles par cette société et de l’envoi d’une lettre « d’engagements » quelques jours avant la clôture de l’enquête, de l’insuffisance du débat contradictoire sur cette lettre lors de l’enquête publique, des différences entre le projet soumis à enquête et celui sur lequel s’est prononcé le commissaire enquêteur, d’erreurs de ce dernier à la fois dans son appréciation et quant à l’existence d’un accord des associations, du caractère insuffisamment motivé de son avis, de ce qu’il a émis des réserves illégales, de l’insuffisante prise en compte des avis des habitants, de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, de l’absence d’avis du préfet de Paris, de l’absence de plan de masse coté en trois dimensions dans le projet approuvé, de la nécessité d’une nouvelle enquête publique eu égard aux modifications apportées au projet après la première enquête, de l’impossibilité de recourir à la procédure de modification compte tenu de l’atteinte à l’économie générale du plan, des graves risques de nuisance résultant du projet, de l’absence de couverture du secteur par le plan d’occupation des sols de la ville et de l’engagement parallèle d’une procédure de révision et, enfin, d’un détournement de pouvoir et de procédure, aucun de ces moyens n’apparaît, en l’état de l’instruction, de nature à confirmer l’annulation de cette délibération ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens invoqués par la VILLE DE PARIS à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mars 2006 paraissent, en l’état de l’instruction, de nature à justifier, outre l’annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d’annulation qu’il a accueillies ; que, par suite, il y a lieu d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la VILLE DE PARIS, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A, l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et l’association syndicale du Front de Seine demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. A, de l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et de l’association syndicale du Front de Seine le versement à la VILLE DE PARIS, respectivement, d’une somme de 1 000 euros et de sommes de 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 21 septembre 2006 est annulé.
Article 2 : Il est sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mars 2006 jusqu’à ce que la cour administrative d’appel de Paris ait statué sur la requête d’appel de la VILLE DE PARIS.
Article 3 : M. A, l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et l’association syndicale du Front de Seine verseront, respectivement, une somme de 1 000 euros et des sommes de 500 euros à la VILLE DE PARIS au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat et la cour administrative d’appel de Paris par M. A, l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine et l’association syndicale du Front de Seine au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS, à M. René A, à l’association de défense Beaugrenelle et du Front de Seine, à l’association syndicale du Front de Seine et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.