Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 1992 et 5 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES », dont le siège est … ; l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES » demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-478 du 29 mai 1992 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et modifiant le code de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme modifiée ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d’Etat,
– les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES »,
– les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES » allègue que le décret attaqué serait entaché d’un vice d’incompétence en raison d’une absence de conformité entre ses dispositions et celles du projet soumis au Conseil d’Etat ou du projet adopté par lui, il ressort de la comparaison du décret du 29 mai 1992 tant avec le projet dont le Conseil d’Etat a été saisi qu’avec celui qu’il a adopté que le moyen manque en fait ;
Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme dans la rédaction issue de la loi du 10 janvier 1991 : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de l’alinéa précédent » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 29 mai 1992 « l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif … s’applique dans tous les lieux fermés et couverts … qui constituent des lieux de travail … » ;
Considérant que si l’association requérante soutient que l’interdiction de fumer prévue par les dispositions précitées de l’article 16 de la loi du 9 juillet 1976 n’est pas applicable aux lieux de travail et notamment à ceux qui sont à usage privatif comme les bureaux individuels, ces moyens doivent être écartés dès lors, d’une part, que les lieux de travail et les bureaux où sont réunis deux ou plusieurs personnes sont au nombre des »lieux affectés à un usage collectif » dans lesquels il est interdit de fumer en vertu des dispositions précitées de cette loi et, d’autre part, que l’interdiction de fumer formulée par le décret attaqué ne s’applique pas àdes bureaux de caractère individuel, qui ne sont pas affectés à un usage collectif ;
Considérant qu’aux termes de l’article 11 du décret attaqué : « Dans les aéronefs commerciaux français ou exploités conformément à la réglementation française, à l’exception des vols intérieurs d’une durée inférieure à deux heures, des places peuvent être réservées aux fumeurs à condition que la disposition des places permette d’assurer la protection des non-fumeurs » ; que les dispositions précitées de l’article 16 de la loi du 9 juillet 1976 posent le principe de l’interdiction de fumer dans les moyens de transport collectif ; qu’ainsi en ne prévoyant pas d’emplacements réservés aux fumeurs dans les vols intérieurs d’une durée inférieure à deux heures, l’article 11 du décret attaqué n’a, contrairement à ce que soutient l’association requérante, méconnu aucun « droit de fumer » reconnu par la loi ; que les usagers des vols de moins de deux heures ne se trouvant pas, au regard des objectifs poursuivis par la loi, dans la même situation que les usagers de vols d’une durée supérieure, les dispositions susrappelées ont pu, sans discrimination illégale, prévoir desdispositions différentes à l’égard de ces deux catégories d’usagers des vols aériens ; que la circonstance que le décret attaqué n’ait pas édicté une interdiction absolue de fumer sur les vols internationaux de moins de deux heures est sans incidence sur la légalité de la disposition attaquée de l’article 11 dudit décret ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret attaqué : « L’interdiction de fumer ne s’applique pas dans les emplacements qui, sauf impossibilité, sont mis à la disposition des fumeurs, au sein des lieux visés à l’article 1er du présent décret. Ces emplacements sont déterminés par la personne ou l’organisme, privé ou public, sous l’autorité duquel sont placés ces lieux, en tenant compte de leur volume, disposition, condition d’utilisation, d’aération et de ventilation et de la nécessité d’assurer la protection des non-fumeurs » ; qu’aux termes des deux premiers alinéas de son article 3 : « Sans préjudice des dispositions particulières du titre II du présent décret, les emplacements mis à disposition des fumeurs sont soit des locaux spécifiques, soit des espaces délimités. Ces locaux ou espaces doivent respecter les normes suivantes : a) débit minimal de ventilation de 7 litres par seconde et par occupant, pour les locaux dont la ventilation est assurée de façon mécanique ou naturelle par conduits ; b) volume minimal de 7 mètres cubes par occupant, pour les locaux dont la ventilation est assurée par des ouvrants extérieurs » ;
Considérant que les dispositions susreproduites de l’article 2 et de l’article 3 trouvent leur fondement dans l’article 16 précité de la loi du 9 juillet 1976 ; que, par suite, l’association requérante ne saurait utilement invoquer l’atteinte que porteraient les dispositions attaquées au respect de la liberté individuelle et à la liberté d’entreprendre ;
Considérant que si le dernier alinéa de l’article 3 du décret attaqué prévoit que « pour certains locaux un arrêté pris par le ministre de la santé conjointement, s’il y a lieu, avec le ministre compétent, peut établir desnormes plus élevées » que celles résultant des deux premiers alinéas du même article, il a, eu égard au caractère technique de la matière, suffisamment fixé les limites de l’habilitation ainsi consentie en précisant que ces normes devraient être édictées « en fonction des conditions d’utilisation » ; qu’ainsi, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que les auteurs du décret auraient procédé à une subdélégation illégale despouvoirs qu’ils tenaient de la loi ;
Considérant enfin, qu’en fixant par son article 18, au premier jour du sixième mois suivant la publication au Journal officiel, la date d’entrée en vigueur des dispositions du décret attaqué, ses auteurs n’ont commis aucune erreur manifeste dans leur appréciation des délais indispensables pour mettre en oeuvre les dispositions contestées ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES » n’est pas fondée à demander l’annulation du décret du 29 mai 1992 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et modifiant le code de la santé publique ;
Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES » est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION « COLLECTIF POUR LA DEFENSE DU DROIT ET DES LIBERTES », au ministre d’Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville et au Premier ministre.