REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 26 août 1991, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ; le préfet des Alpes-Maritimes demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 25 juillet 1991 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 22 juillet 1991 décidant la reconduite à la frontière de M. Moncef X… ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X… devant le président du tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’accord franco-tunisien du 29 janvier 1964 ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989 et la loi du 10 janvier 1990 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu l’arrêté du 10 avril 1984 relatif aux conditions d’entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer français ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Seban, Auditeur,
– les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si M. X…, de nationalité tunisienne, a épousé le 29 juin 1991 une Française, le préfet des Alpes-Maritimes, compte tenu des circonstances de l’espèce et notamment des conditions d’entrée en France de M. X…, de la durée de son séjour sur le territoire et eu égard aux effets d’une mesure de reconduite à la frontière, n’a pas porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris l’arrêté attaqué du 22 juillet 1991 ordonnant la reconduite à la frontière de l’intéressé ni n’a entaché cet arrêté d’une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. X… ; qu’il suit de là que c’est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice s’est fondé sur l’existence d’une telle erreur manifeste d’appréciation pour prononcer l’annulation de l’arrêté attaqué ;
Considérant qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par M. X… devant le président du tribunal administratif de Nice ;
Considérant que M. X… soutient qu’il ne saurait être regardé comme étant entré irrégulièrement sur le territoire français du fait qu’il y est entré le 18 octobre 1986 muni d’un passeport tunisien dépourvu de visa alors qu’à l’époque ce dernier n’était pas exigé en vertu des stipulations de l’article 2 de l’accord franco-tunisien du 29 janvier 1964 relatif à la circulation des personnes ; que toutefois, ces stipulations, dispensant de la formalité du visa les ressortissants tunisiens pour l’entrée sur le territoire de la République française, ont fait l’objet d’une décision de suspension portée à la connaissance du public par un avis du ministre des affaires étrangères publié au Journal officiel du 18 octobre 1986, jour même de l’entrée de M. X… sur le territoire français ; que ladite décision précisait qu’elle prenait effet à la date du 13 octobre 1986 ; que, dès lors, M. X… devait, pour être régulièrement admis sur le territoire français, le 18 octobre 1986, être muni d’un passeport tunisien ou d’un titre de voyage en tenant lieu, en cours de validité et revêtu d’un visa français ; qu’il n’est pas contesté qu’il était démuni d’un tel visa ; qu’ainsi il ne justifie pas être entré régulièrement en France ;
Considérant qu’il suit de là que le préfet des Alpes-Maritimes a pu décider légalement de la reconduite à la frontière de M. X… en se fondant sur les dispositions de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée aux termes desquelles : « Le représentant de l’Etat dans le département … peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins que sa situation n’ait été régularisée postérieurement à son entrée … » ; que le préfet des Alpes-Maritimes est dès lors fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 22 juillet 1991 décidant que M. X… serait reconduit à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice en date du 25 juillet 1991 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au préfet des Alpes-Maritimes, à M. Moncef X… et au ministre de l’intérieur et de la sécurité publique.