Attendu que M. Y…, qui souffrait d’une arthrose tricompartimentale du genou gauche, a été opéré le 29 janvier 1988 dans un établissement de santé, la Clinique Ambroise-Paré, par le docteur X…, qui lui a posé une prothèse totale de ce genou ; qu’après cette intervention, M. Y… a souffert d’une infection nosocomiale due à des staphylocoques dorés dont l’éradication a nécessité plusieurs interventions chirurgicales et des changements de prothèse, la consolidation n’intervenant que le 31 décembre 1990 et M. Y… étant atteint d’une IPP lui interdisant la poursuite de son activité professionnelle ; qu’il a engagé une action tant contre l’établissement de santé que contre M. X…, mais que l’arrêt attaqué, estimant que ces derniers n’avaient commis aucune faute à l’occasion de l’apparition de l’infection nosocomiale, les a mis hors de cause de ce chef ; que la cour d’appel a toutefois retenu que M. X… n’avait pas informé son patient du risque d’infection nosocomiale inhérent à la pose de la prothèse et évalué le préjudice en résultant pour M. Y… à la somme de 70 000 francs ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X… : (sans intérêt) ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches du pourvoi principal de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis :
Vu les articles 1147 du Code civil et L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour rejeter le recours de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis tendant au remboursement des prestations qu’elle avait servies à M. Y…, l’arrêt attaqué a énoncé qu’elle ne pouvait exciper utilement de la faute d’information retenue à l’encontre du docteur X… pour prétendre à quelque indemnisation que ce soit, dès lors que cette faute est étrangère à l’affection elle-même ayant entraîné les débours de cette Caisse et qu’en outre, le préjudice qui en a résulté pour M. Y…, de nature morale, lui est personnel ;
Attendu, cependant, que dans le cas où la faute du médecin a fait perdre au patient la chance d’échapper à une atteinte à son intégrité physique, le dommage qui en résulte pour lui est fonction de la gravité de son état réel et de toutes les conséquence en découlant ; que sa réparation ne se limite pas au préjudice moral mais correspond à une fraction des différents chefs de préjudice qu’il a subis, de sorte qu’au titre des prestations qu’ils ont versées en relation directe avec le fait dommageable, les tiers payeurs peuvent exercer leur recours sur la somme allouée à la victime en réparation de la perte de chance d’éviter une atteinte à son intégrité physique, à l’exclusion de la part d’indemnité de caractère personnel ;
D’où il suit qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la troisième branche du même moyen :
Vu l’article 1147 du Code civil ;
Attendu que le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère ;
Attendu que pour débouter M. Y… de sa demande formée contre la Clinique Ambroise-Paré à raison de la survenance de l’infection nosocomiale, la cour d’appel a énoncé quaucune négligence ou défaillance fautive ne pouvait être reprochée à cet établissement de santé pendant la phase pré et postopératoire ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que qu’il a décidé que M. X… était responsable, en raison de l’absence d’information sur le risque d’infection nosocomiale, de la perte de chance subie par M. Y…, l’arrêt rendu le 19 décembre 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.