AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 5 juin 2014), que M. X… a souscrit auprès de la société Monceau générale assurances (la MGA) une assurance en qualité de « propriétaire non exploitant » d’un immeuble loué à la société CDTA en vertu d’un bail stipulant une clause de non-recours réciproque entre le bailleur et le preneur ainsi que l’engagement de chacun d’obtenir de leur assureur respectif une renonciation à recours ; que l’immeuble donné à bail a été détruit par un incendie le 14 octobre 2007 ; que la MGA, auquel M. X… avait déclaré ce sinistre, a refusé sa garantie au motif que son assuré avait résilié la police d’assurance au 1er mars 2007, et a en outre fait valoir qu’il l’avait privée, du fait de la clause de non-recours réciproque, de son recours subrogatoire à l’encontre de la société CTDA, qu’elle assurait antérieurement au sinistre, en qualité de locataire, et de son nouvel assureur ayant exclu de sa garantie le risque d’incendie ; que M. X… a assigné la MGA en indemnisation de ce sinistre ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de faire droit à l’exception de subrogation opposée par la MGA et de le débouter en conséquence de sa demande d’indemnités, alors, selon le moyen, que l’assureur peut être déchargé en tout ou partie de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation dans les droits de la victime ne peut plus, du fait dudit assuré, s’opérer en faveur de l’assureur ; que ce dernier ne peut toutefois pas se prévaloir d’une exception de subrogation lorsque, le contrat de bail ayant été conclu antérieurement au contrat d’assurance, il était à même de connaître, au jour où il s’engageait, les stipulations excluant le recours ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que M. X…, en qualité de propriétaire non exploitant, et la société CTDA, en qualité de locataire, avaient tous deux souscrit leurs contrats d’assurance auprès de la société MGA postérieurement à la conclusion du contrat de bail, de sorte que l’assureur était à même, au jour où il s’engageait, de connaître les stipulations du bail excluant son recours subrogatoire ; qu’en déchargeant en conséquence la société MGA de toute obligation envers M. X…, la cour d’appel a violé l’article L. 121-12, alinéa 2, du code des assurances ;
Mais attendu que l’arrêt retient exactement que la clause litigieuse de non recours réciproque entre bailleur et preneur n’emporte pas renonciation de l’un à recours contre l’assureur de l’autre, en l’absence d’une stipulation expresse en ce sens opposable aux assureurs, et qu’il ne peut se déduire du seul fait que M. X… et la société CTDA ont souscrit les polices d’assurance postérieurement à la signature de leur bail que leurs assureurs respectifs ont effectivement accepté de renoncer à tout recours entre eux ; qu’il retient encore que M. X… objecte que la MGA avait connaissance de cette stipulation du bail dès lors que son agent général, auquel il s’était adressé avec la société CTDA sur l’incitation de celle-ci, avait exigé une copie du bail pour établir les polices d’assurance, tant du bailleur que du preneur, mais que cette affirmation est contestée par la MGA qui rétorque que rien ne permet d’affirmer que le contrat de bail comportant la clause de renonciation à recours lui aurait été remis, cela n’étant pas l’usage ; qu’il retient enfin que la seule circonstance que la MGA, qui assurait tout à la fois M. X…, propriétaire non exploitant des locaux et la société CTDA, preneur à bail des locaux, avait consenti pour cette seule raison à cette dernière une remise en acceptant de garantir la responsabilité du locataire pour le risque incendie à « demi-prime » ne peut suffire à établir qu’elle en avait connaissance, cette circonstance s’analysant tout au plus comme un geste commercial, M. X… rappelant lui-même qu’il avait à cette occasion changé d’assureur et avait été incité par la société CTDA à souscrire auprès de la MGA ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et dont il résulte qu’il n’était pas établi que la MGA, peu important que le contrat de bail entre M. X… et la société CTDA ait été conclu antérieurement au contrat d’assurance, avait été à même d’en connaître les stipulations excluant son recours subrogatoire, au jour où elle s’engageait, la cour d’appel a pu décider que la MGA était fondée à opposer à M. X… l’exception de subrogation de l’article L. 121-12, alinéa 2, du code des assurances ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X…, le condamne à payer à la société Monceau générale assurances la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze, signé par Mme Flise, président, et par Mme Molle-de-Hédouville, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l’arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. X…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR jugé qu’en application de la clause contractuelle figurant au bail liant Monsieur X… et la SARL CTDA, l’assureur de la SARL CTDA a exclu de sa garantie responsabilité le risque incendie, fait droit à l’exception de subrogation opposée par la SA MONCEAU GENERALE ASSURANCE et débouté Monsieur Paul X… de sa demande d’indemnité au titre du sinistre du 14 octobre 2007 ;
AUX MOTIFS QU’« invoquant les dispositions de l’article L. 121-12 du Code des assurances, MGA se prétend déchargée de son obligation de garantie à l’égard de Monsieur X… dès lors que, par application d’une clause de renonciation à recours figurant au bail qu’elle n’a jamais acceptée, n’en étant pas informée, les époux X… ont renoncé à tout recours contre leur locataire, la société CTDA et contre l’assureur de cette dernière. Cette clause est libellée ainsi : » Abandon de recours réciproque Le bailleur et le preneur s’engagent réciproquement à renoncer à tous recours qu’ils seraient en droit d’exercer entre eux, le cas de malveillance excepté, pour tous les dommages et leurs conséquences subies par les biens dont ils sont propriétaires, locataires et/ ou gardien à quelque titre que ce soit. Le bailleur et le preneur s’engagent réciproquement à obtenir de leurs assureurs respectifs une renonciation à recours de portée générale de même nature « . Pour écarter cette exception, le jugement retient exactement que la clause litigieuse de non recours réciproque entre bailleur et preneur n’emporte pas renonciation de l’un à recours contre l’assureur de l’autre en l’absence d’une stipulation expresse en ce sens opposable aux assureurs. Elle a en effet pour seule conséquence d’obliger les parties à obtenir de leurs assureurs respectifs une renonciation à recours entre eux. Mais il ne peut s’en déduire, du seul fait que les parties ont souscrit des polices postérieurement à la signature de ce bail, que leurs assureurs respectifs ont effectivement accepté de renoncer à tous recours entre eux. Il n’est pas contesté qu’à la date du sinistre, CTDA n’était plus assurée auprès de MGA et que son nouvel assureur, AREAS dommages, avait sur la base de l’engagement précité pris par Monsieur X… et CTDA dans le bail, exclu de sa garantie celle de la responsabilité du preneur à l’égard du propriétaire. Il s’ensuit que, quand bien même la clause précitée n’emporte aucune renonciation de MGA à son recours à l’encontre de l’assureur responsabilité de CTDA, cette subrogation est dépourvue de tout effet dès lors que l’assureur de CTDA à la date du sinistre a exclu de sa garantie responsabilité le risque incendie. Monsieur X… objecte que MGA avait connaissance de cette stipulation du bail dès lors que son agent général, auquel il s’était adressé avec la société CTDA sur l’incitation de celle-ci, avait exigé une copie du bail pour établir les polices d’assurance, tant du bailleur que du preneur. Mais cette affirmation est contestée par MGA qui rétorque que rien ne permet d’affirmer que le contrat de bail comportant la clause de renonciation à recours lui aurait été remis, cela n’étant pas l’usage. Et la seule circonstance que MGA, qui assurait tout à la fois Monsieur X…, propriétaire non exploitant des locaux et CTDA, preneur à bail des locaux, avait consenti pour cette seule raison à CTDA une remise en acceptant de garantir la responsabilité du locataire pour le risque incendie à » demi-prime » ne peut suffire à établir qu’elle en avait connaissance, cette circonstance s’analysant tout au plus comme un geste commercial, Monsieur X… rappelant lui-même qu’il avait à cette occasion changé d’assureur et avait été incité par CTDA à souscrire auprès de MGA. Le jugement qui a écarté l’exception de subrogation est infirmé » ;
1°/ ALORS QUE l’assureur peut être déchargé en tout ou partie de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation dans les droits de la victime ne peut plus, du fait dudit assuré, s’opérer en faveur de l’assureur ; que ce dernier ne peut toutefois pas se prévaloir d’une exception de subrogation lorsque, le contrat de bail ayant été conclu antérieurement au contrat d’assurance, il était à même de connaître, au jour où il s’engageait, les stipulations excluant le recours ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a expressément constaté que Monsieur X…, en qualité de propriétaire non exploitant, et la société CTDA, en qualité de locataire, avaient tous deux souscrit leurs contrats d’assurance auprès de la société MGA postérieurement à la conclusion du contrat de bail (cf. arrêt attaqué, p. 9, § 4 et 9), de sorte que l’assureur était à même, au jour où il s’engageait, de connaître les stipulations du bail excluant son recours subrogatoire ; qu’en déchargeant en conséquence la société MGA de toute obligation envers Monsieur X…, la Cour d’appel a violé l’article L. 121-12 alinéa 2 du Code des assurances ;
2°/ QU’IL EN VA D’AUTANT PLUS AINSI QU’en l’espèce, Monsieur X… faisait valoir que la société CTDA et lui-même avaient souscrit leurs contrats d’assurance « Multirisques Entreprise » auprès de la société MGA le même jour et au sein de la même agence de BLOIS, le premier en qualité de propriétaire non exploitant, le second en qualité de locataire, le contrat de ce dernier précisant d’ailleurs que « le propriétaire de l’immeuble objet de l’assurance est assuré auprès de notre société (police n° 1. 903. 047 W au nom des consorts X…) contre les risques d’incendie, d’explosions et/ ou dégâts des eaux. La prime correspondant à l’assurance de la responsabilité locative a été réduite pour tenir compte de cette déclaration » (cf. contrat d’assurance de la société CTDA, p. 2, dernier §, prod.), ce dont il résultait que la société MGA avait nécessairement connaissance des liens contractuels unissant Monsieur X… à la société CTDA (cf. conclusions d’appel de l’exposant, p. 19 à 22, et en particulier p. 20, avant-dernier §) ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher s’il ne résultait pas de ces circonstances la preuve de ce que la société MGA avait eu connaissance ou, à tout le moins, était à même de prendre connaissance des stipulations du bail excluant son recours subrogatoire, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-12 alinéa 2 du Code des assurances ;
3°/ ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la décharge de l’assureur est à la mesure du préjudice subi par ce dernier directement causé par le fait fautif de son assuré ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté que la société MGA assurait tant Monsieur X…, propriétaire non exploitant, que la société CTDA, locataire, de sorte qu’elle avait, dès l’origine de ses relations contractuelles avec l’exposant, renoncé à tout recours subrogatoire à l’encontre de la société CTDA et de son assureur ; qu’en déchargeant néanmoins la société MGA de toute obligation envers Monsieur X…, la Cour d’appel a derechef violé l’article L. 121-12 alinéa 2 du Code des assurances.
ECLI:FR:CCASS:2015:C201285