REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Statuant tant sur le pourvoi principal de la coopérative X… Lana et de M. Z… que sur les pourvois incidents du Groupe des assurances nationales et du syndic de la liquidation des biens de la société Ateliers métallurgiques d’Anglet ;
Donne acte à la coopérative X… Lana et à M. Z… de ce qu’ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre le groupement d’intérêt économique Uni Europe, la société Hydromontage et M. Y…, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de celle-ci ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 8 février 1995), que la coopérative X… Lana et M. Z… (les armateurs) ont commandé à la société Ateliers métallurgiques d’Anglet (société AMA) un chalutier dénommé Tzigane II ; que, par l’intermédiaire de son courtier, le cabinet Bouchet, aux droits de qui est venue la société Gras et Savoye (le courtier), la société AMA a souscrit auprès du Groupe des assurances nationales (GAN) une police d’assurance maritime ; que la fourniture et l’installation des équipements hydrauliques du navire a été sous-traitée par la société AMA notamment à la société Hydromontage assurée par la compagnie Abeille paix ; que le bâtiment ayant, au cours d’actions de pêche, subi plusieurs avaries de ses circuits hydrauliques, les armateurs, tout en faisant fixer leur créance de réparation aux passifs de la liquidation des biens de la société AMA et du redressement judiciaire de la société Hydromontage, ont assigné le GAN et la compagnie Abeille paix, afin qu’ils prennent en charge l’indemnisation des désordres, ainsi que le courtier, dont ils ont recherché la responsabilité à leur égard ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident du syndic de la liquidation des biens de la société AMA, qui sont rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que les armateurs et le syndic de la liquidation des biens de la société AMA reprochent à l’arrêt d’avoir dit que le GAN ne devait pas sa garantie, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 172-20 du Code des assurances, dans sa rédaction de l’article 24 de la loi n° 67-522 du 3 juillet 1967, auquel, en vertu de l’article L. 171-2 du même Code, la police d’assurance ne peut déroger en matière d’assurance maritime, la suspension ou la résiliation ne prend effet que 8 jours après l’envoi à l’assuré, à son dernier domicile connu de l’assureur, et par lettre recommandée, d’une mise en demeure d’avoir à payer ; qu’en considérant que la suspension de la garantie du GAN était acquise du seul fait du défaut de paiement des primes aux échéances des avenants de prorogation, sans constater que des mises en demeure avaient été adressées en recommandé à la société AMA, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés ; alors, d’autre part, que, selon l’article L. 113-1 du Code des assurances, les exclusions de garanties doivent être formelles et limitées ; que ne satisfont pas à cette exigence les exclusions qui, par leur nombre et leur étendue, conduisent à vider la garantie de son objet ; qu’en faisant application du § 4 b de la clause C qui exclut de la garantie tous recours résultant d’engagements contractuels de l’assuré quand, par ailleurs, l’alinéa 4 de l’article 1er des conditions générales garantit la responsabilité contractuelle de l’assuré dans la construction du navire, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; et alors, enfin, qu’en considérant que la garantie du GAN était exclue, en vertu de l’alinéa 5 de l’article 1er des conditions générales qui précise qu’en aucun cas le remplacement ou la réparation des pièces affectées d’un vice caché ne sera à la charge des assureurs, sans répondre aux conclusions des armateurs, qui soutenaient que la responsabilité de la société AMA n’était pas engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais à raison des fautes commises dans l’exécution de sa mission de maître d’oeuvre, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l’assurance sur corps d’un navire en construction constitue à la fois une assurance de choses qui couvre les risques maritimes ou terrestres courus par le bâtiment lui-même pendant sa construction et une assurance de responsabilité, mais seulement pour les dommages qu’il peut causer aux tiers, dans les limites fixées par la police ; que, contrairement à l’allégation des deuxième et troisième branches du moyen, cette assurance n’a pas pour objet de garantir la responsabilité professionnelle du chantier naval envers son client, par suite de vices de construction ou pour manquement, le cas échéant, à ses obligations de maître d’oeuvre ; que, dès lors, ayant relevé que la police souscrite par la société AMA auprès du GAN était une » police française d’assurance maritime sur corps de navires en construction » et qu’il résultait d’une de ses clauses que l’assureur ne pouvait, en aucun cas, être recherché à raison des engagements contractuels de l’assuré, clause qui est conforme à l’objet même de ce type d’assurance, la cour d’appel, par ces seuls motifs, abstraction faite de tous autres qui sont surabondants, a légalement justifié sa décision du chef critiqué ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :
Attendu que les armateurs reprochent encore à l’arrêt de les avoir déboutés de leur action en responsabilité à l’encontre du courtier, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la faute commise dans l’exécution d’un contrat peut justifier la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de l’auteur de la faute à l’égard de tiers auxquels son comportement a porté préjudice ; qu’ainsi la cour d’appel, en refusant aux armateurs tout droit à agir, sur le fondement délictuel, à l’encontre du courtier qui, par sa faute, n’avait pu procurer à son client, la société AMA, la garantie prévue au contrat signé avec ceux-ci, au motif que seule cette société serait fondée à rechercher la responsabilité du courtier, a violé par refus d’application l’article 1382 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la convention conclue entre le courtier et la société AMA ne renfermait pas une stipulation au profit des armateurs, envers lesquels la société AMA s’était engagée à obtenir une assurance couvrant sa responsabilité de constructeur et si ceux-ci n’étaient pas fondés à rechercher la responsabilité du courtier à raison d’un manquement à cette obligation, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1121 du Code civil ;
Mais attendu, d’une part, que, si la faute contractuelle d’un mandataire à l’égard de son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l’égard d’un tiers, c’est à la condition qu’elle constitue aussi la violation d’une obligation générale de prudence et diligence ; qu’ayant retenu que la seule faute pouvant être reprochée au courtier était un manquement à son obligation de conseil envers la société AMA, la cour d’appel a pu en déduire que cette faute, dont celle-ci était seule fondée à se plaindre, n’était pas de nature à engager sa responsabilité délictuelle envers les armateurs ;
Attendu, d’autre part, que la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer la recherche visée à la seconde branche qui ne lui était pas demandée ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, formé à titre éventuel, du GAN :
REJETTE tant le pourvoi principal de la coopérative X… Lana et de M. Z… que le pourvoi incident du syndic de la liquidation des biens de la société Ateliers métallurgiques d’Anglet