Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée par la commune de Chapelle-des-Bois, représentée par son maire, l’association « Ecole et Territoire », représentée par M. Paillardin, dont le siège est sis Montjay (05150), Mme B, demeurant (…) et M. B., demeurant (…) ; les requérants demandent au Tribunal :
– d’annuler la décision, révélée par différents courriers, de la directrice des services académiques de l’Education nationale du département du Doubs de supprimer un poste d’enseignant du premier degré à l’école de Chapelle des Bois à compter du 1er septembre 2013 ;
– de mettre à la charge de l’Etat la somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
– la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation comme portant gravement préjudice à l’enseignement ainsi qu’au développement général de la commune car elle a pour effet de concentrer les 29 élèves en une seule classe regroupant 9 niveaux scolaires et compromet le développement de la commune qui s’était engagée dans une politique de gestion et de réhabilitation des logements et de l’école communale ;
– la décision est entachée d’erreur de fait car depuis 2011 les effectifs d’élèves de la commune sont en augmentation constante, le classement de la commune en zone de revitalisation rurale aurait dû conduire la directrice des services académiques de l’Education nationale à prendre en compte la scolarisation des enfants de moins de 2 ans, le classement de l’école en école de montagne aurait aussi dû la conduire à prévoir l’accueil des enfants de moins de 3 ans ;
– la décision a été prise en méconnaissance de la circulaire n° 2011-237 du 30 décembre 2011 qui impose de faire un examen des prévisions d’effectifs sur une durée de trois ans et invite les services à appliquer les seuils d’ouverture et de fermeture de classe avec lucidité ;
– la décision de suppression d’un poste d’enseignant n’a pas fait l’objet, en méconnaissance des articles D. 221-9 et L. 345-10 et L. 345-11 du code de l’éducation, d’un avis du conseil technique spécial départemental (CTSD), du conseil départemental de l’Education nationale (CDEN) mais également du conseil général du Doubs qui aurait dû être consulté compte tenu de la nécessité de transporter les enfants dans des écoles situées dans d’autres communes, l’ensemble de ces consultations présentant le caractère d’une garantie ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2013, présenté pour le recteur de l’académie de Besançon, par Me Néraud, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire de la commune de Chapelle-des-Bois, de l’Association « Ecole et Territoire », de Mme B. et de M. S B. à verser à l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le recteur de l’académie de Besançon fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable car :
– elle n’est pas dirigée contre une décision alors que la directrice des services académiques n’a pas pris de nouvelle décision de suppression d’un poste d’enseignant à l’Ecole de Chapelle-des-bois mais s’est bornée à appliquer, à compter du 1er septembre 2013, la décision de suppression de poste du 6 mai 2011 dont la légalité a été reconnue par le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 16 février 2012 confirmé par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 29 novembre 2012 et dont l’exécution n’avait pas été mise en œuvre afin d’assurer la continuité du service public ; les lettres des 12 et 17 avril 2013 adressées respectivement au maire de Chapelle des Bois et au président de la communauté de communes du Haut-Doubs ne contiennent aucune décision de suppression d’un poste d’enseignant alors qu’aucune création de poste budgétaire d’enseignant n’est intervenue depuis le 6 mai 2011 ; si ces lettres sont interprétées comme révélant une décision confirmative de la décision du 6 mai 2011, les décisions confirmatives ne peuvent faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir ;
– en application de l’article R. 411-5 alinéa 1 code de justice administrative, faute d’être signée par le maire de Chapelle-des-Bois celui-ci ne peut, en l’absence de sa signature, être regardé comme le représentant unique des autres requérants ;
– le maire de Chapelle des bois ne justifie pas d’une habilitation pour représenter la commune ;
– l’association Ecole et Territoire ne justifie pas, en l’absence de production de ses statuts, de l’habilitation de son président M. Paillardin pour la représenter ni de son intérêt à agir ;
– Mme C B. et M. B. ne produisent aucune pièce attestant qu’ils sont bien parents d’élèves ;
Subsidiairement, le recteur fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par la Commune de Chapelle-des-Bois, l’association « Ecole et Territoire », Mme B. et M. B. qui persistent dans leurs conclusions ;
Ils font valoir en outre qu’ils ont fourni au cours de la procédure en référé les pièces justificatives de leur qualité et de leur intérêt pour agir ; en application de l’article D. 211-9 du code de l’éducation, les emplois par école sont définis annuellement par l’inspecteur d’académie si bien que la directrice des services académiques ne pouvait confirmer une décision de suppression de poste du 16 mai 2011 intervenue pour la seule année 2011/2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2013, pour le recteur de l’académie de Besançon, qui persiste dans ses conclusions ;
Le recteur fait valoir que :
– les requérants ne justifient pas dans la présente instance leur aptitude pour ester en justice ni leur intérêt à agir ;
– il ne peut être déduit du caractère annuel des mesures de cartes scolaires énoncé à l’article D. 211-9 du code de l’éducation qu’une décision est nécessairement intervenue pour l’école de Chapelle-des-Bois au titre de l’année scolaire 2013-2014 ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu le code de l’éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 novembre 2013 :
– le rapport de Mme Marion, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Charret, rapporteur public ;
– et les observations de M. Bourgeois, maire de la commune de Chapelle-des-Bois, de M. Paillardin, pour l’association Ecole et Territoire, de Mme B., de Me Neraud, avocat, pour le recteur de l’académie de Besançon et de Mme Trujillo pour le ministre de l’Education nationale ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le recteur de l’académie de Besançon :
En ce qui concerne la désignation d’un mandataire unique :
1. Considérant que l’absence d’un représentant unique désigné en application du premier alinéa de l’article R. 411-5 du code de justice administrative ne constitue pas une cause d’irrecevabilité de la requête ; que, par ailleurs, une éventuelle irrégularité dans la désignation de ce mandataire est sans incidence sur la recevabilité de la requête en tant qu’elle émane des autres signataires de la requête ; que si le mémoire introductif d’instance, dont la commune de Chapelle-des-Bois était la première requérante, n’était pas signé par son maire, le mémoire en réplique enregistré le 5 novembre 2013 a régularisé cette carence ;
En ce qui concerne la qualité et l’intérêt pour agir des requérants :
2. Considérant que la commune de Chapelle-des-Bois et l’association « Ecole et territoire » n’ont pas produit, dans la présente instance, la délibération du conseil municipal autorisant le maire de Chapelle-des-Bois à agir en justice ni les statuts de l’association « Ecole et Territoire » ni le pouvoir donné à M. Paillardin pour représenter l’association en justice ; que, toutefois, par un mémoire du 5 novembre 2013, les requérants ont fait référence au dossier de leur précédente requête en référé enregistrée sous le numéro 1300701 ; que ce dossier comporte une délibération du 8 avril 2013 du conseil municipal de Chapelle-des-bois autorisant le maire à introduire un « nouveau recours devant le tribunal administratif afin de demander l’application des mesures destinées aux zones d’environnement social défavorisées…relative aux écoles situées en zone de montagne et ZRR », les statuts de l’association « Ecole et Territoire » dont l’objet social est d’obtenir sur l’ensemble du territoire un service éducatif de proximité et de qualité qui lui confèrent intérêt dans la présente instance ainsi qu’une attestation de son secrétaire général certifiant que l’assemblée générale a désigné le président M. Lionel Paillardin, pour agir en justice dans les recours engagés pour la défense de l’école publique sur l’ensemble du territoire national ; qu’ainsi, les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt pour agir de l’association « Ecole et territoire » et du défaut de qualité pour agir du maire de Chapelle-des-Bois et du président de ladite association doivent être écartées ;
3. Considérant qu’il ressort d’une liste des élèves de l’école de Chapelle-des-Bois de l’année scolaire 2012-2013 produite par la commune que les enfants L. B., M. B. et J. B. y étaient scolarisés ; que les extraits de livrets de famille produits dans l’instance de référé attestent que L. et M. B. sont bien les enfants de Mme B. et que J. B. est bien le fils de M. B. ; que, dans ces conditions, Mme B. et M. B. justifient bien de leur qualité de parents d’élèves de l’école de Chapelle des Bois et, par suite, de leur intérêt pour agir ;
En ce qui concerne l’existence d’une décision administrative :
4. Considérant qu’aux termes de l’article D. 211-9 du code de l’éducation : « Le nombre moyen d’élèves accueillis par classe et le nombre des emplois par école sont définis annuellement par le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, compte tenu des orientations générales fixées par le ministre chargé de l’éducation, en fonction des caractéristiques des classes, des effectifs et des postes budgétaires qui lui sont délégués, et après avis du comité technique départemental » ;
5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que c’est au regard de l’enveloppe de postes budgétaires qui lui est attribuée pour son département et pour chaque année scolaire, qu’un directeur académique des services de l’éducation nationale doit se prononcer pour procéder à la répartition des postes d’enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques de la carte scolaire du premier degré ; que, par suite, les décisions de création ou de suppression des postes d’enseignant dans chaque école du département –autrement appelées mesures de carte scolaire- sont prises au regard d’une comparaison annuelle de l’évolution des effectifs des classes de chaque école du département et à l’issue de chaque année scolaire ; qu’il résulte de ces modalités d’examen de l’évolution des effectifs que les mesures de carte scolaire ne produisent des effets que pour une année scolaire donnée et ont un effet limité à cette année scolaire ;
6. Considérant que, par différents courriers adressés notamment à la commune de Chapelle-des-Bois, la directrice des services académiques de l’Education nationale du département du Doubs a indiqué qu’un poste d’enseignant du premier degré était supprimé à l’école de la Chapelle des Bois à compter du 1er septembre 2013 en application de la mesure de carte scolaire du 6 mai 2011 ; qu’il résulte du point 5 ci-dessus que la décision du 6 mai 2011 de supprimer un poste à l’école de Chapelle-des-Bois n’a pu produire d’effet que pour la seule année scolaire 2011/2012 ; que, par voie de conséquence, la directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Doubs ne pouvait ni « exécuter » ni « confirmer » la mesure de carte scolaire du 6 mai 2011 pour lui faire produire effet sur l’année scolaire 2013/2014 dès lors qu’à cette date la décision du 6 mai 2011, valable pour la seule année scolaire 2011/2012, était devenue caduque ; que, par ailleurs, alors que, par jugement du 16 février 2012, immédiatement exécutoire même frappé d’appel, le Tribunal avait rejeté la requête dirigée contre la décision du 6 mai 2011, elle a maintenu pour l’année 2012/2013 deux postes d’enseignants à l’école à la rentrée de septembre 2012, ce qui témoigne qu’elle avait renoncé à cette suppression de poste ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que la directrice des services de l’éducation nationale a pris une décision de suppression d’un poste d’enseignant à l’école de Chapelle-des-Bois pour l’année scolaire 2013/2014, laquelle ne peut s’analyser en une décision confirmative de la décision du 6 mai 2011 ;
Sur le fond :
7. Considérant qu’en vertu de l’article R. 235-11 du code de l’éducation, le conseil départemental de l’éducation nationale est consulté sur la répartition des emplois d’enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques ; que la consultation de cette instance constitue une garantie pour les usagers du service public de l’éducation nationale ; qu’en l’absence de consultation du conseil départemental de l’éducation nationale, la décision de la directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Doubs est entachée d’un vice de procédure substantiel ; que ce vice de procédure justifie, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’annulation de la décision de suppression d’un poste d’enseignant à l’école de Chapelle-des-Bois pour l’année scolaire 2013/2014 ;
Sur les frais de procès :
8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du Recteur de l’académie de Besançon la somme de 300 euros que les requérants demandent au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions présentées par le Recteur de l’académie de Besançon sur le fondement du même article ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision de supprimer un poste d’enseignant à l’école de Chapelle-des-Bois à la rentrée 2013/2014 est annulée.
Article 2 : Le recteur de l’académie de Besançon versera la somme globale de 300 euros (trois cents euros) à la commune de Chapelle-des-Bois, l’association « Ecole et Territoire », Mme B. et M. B.
Article 3 : Les conclusions présentées par le recteur de l’académie de Besançon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Chapelle-des-Bois, à l’association « Ecole et Territoire », à Mme B., à M. B. et au ministre de l’éducation nationale.
Copie en sera transmise, pour information, au recteur de l’académie de Besançon, à la directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Doubs et à Me Néraud, avocat.