Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011 sous le n° 1102811, présentée pour l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR, dont le siège est 25 rue François Marceau à Fontaine (38600) et M. D. demeurant théâtre de la Main d’Or, 15 passage de la Main d’Or à Paris (75011), par Me Verdier ; l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR et M. D. demandent au juge des référés :
– de dire et constater que l’arrêté du maire de Fontaine, en date du 25 mai 2011, interdisant à M. D. de procéder à tout spectacle sur le territoire de la commune de Villefontaine, porte atteinte à la liberté d’expression de M. D. ;
– d’ordonner la suspension de l’arrêté du maire de Fontaine du 25 mai 2011 ;
– de dire que cet arrêté ne saurait interdire à D. de se produire sous quelque forme qu’il entende dans la commune et dans toute circonstance ;
– de mettre à la charge de la commune de Fontaine une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR et M. D. soutiennent qu’ils justifient d’une situation d’urgence dès lors que la salle de spectacle a fait l’objet d’une réservation depuis le 2 mars 2011 et que le maire a prononcé l’interdiction alors que les spectateurs ont déjà réservé et acheté leurs billets qui devront être remboursés en cas d’annulation ; que la décision du maire de Fontaine porte atteinte à la liberté d’expression garantie par la Constitution et par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’elle porte atteinte à la liberté du travail qui est protégée par le préambule de la Constitution ; que cette atteinte est grave et manifestement illégale, dès lors qu’aucune représentation de spectacle de l’artiste n’ayant à ce jour donné lieu à une manifestation hostile, désordonnée ou dangereuse pour la sécurité publique, que les risques de perturbations de la part d’individus impossibles à identifier sont imaginaires ; qu’il n’est pas établi qu’il serait impossible de prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public compte tenu du nombre limité de spectateurs attendus ;
Vu l’arrêté du maire de Fontaine, en date du 25 mai 2011, interdisant à M. D. de procéder à tout spectacle sur le territoire de la commune de Fontaine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2009, par laquelle le président du tribunal a désigné M. Besle, président, pour statuer sur les demandes de référé ;
Après avoir convoqué à une audience publique :
– Me Verdier, représentant l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR et M. D. ;
– la commune de Fontaine ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 25 mai 2011 à 18 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
– le rapport de M. Besle, juge des référés ;
Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience à 18 heures 45, la clôture de l’instruction ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; que l’article L. 522-3 du même code dispose : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1 » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (…) justifier de l’urgence de l’affaire » ;
Considérant que par arrêté du 25 mai 2011, le maire de Fontaine a interdit à M. D. de produire tout spectacle dans la commune ; qu’il résulte des pièces du dossier que M. D. avait réservé, depuis le 2 mars 2011, une salle pour donner un spectacle le 25 mai 2011 à Fontaine ; que ses organisateurs ayant ouvert une campagne de réservation, et l’annulation du spectacle risquant de causer un préjudice financier important, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;
Considérant que pour interdire à M. D. , par son arrêté du 25 mai 2011, de produire le spectacle prévu le jour même dans la soirée, le maire de Fontaine fait valoir qu’eu égard aux propos et comportement réitérés de cet artiste, qui lui ont valu des condamnations pour incitation à la haine raciale, ce spectacle est de nature à générer des troubles à l’ordre public et qu’il y a une incertitude quant au lieu d’installation de son bus « salle de spectacle » qui ne permet pas de prendre les mesures appropriées pour assurer la sécurité publique ;
Considérant toutefois qu’en dehors d’une référence d’ordre général aux polémiques que certaines positions publiques de cet artiste ont pu susciter et aux programmes d’action de lutte contre le racisme et les discriminations conduits dans la commune, la réalité des risques allégués de troubles à l’ordre public de son spectacle ne ressort pas des pièces du dossier ; qu’en particulier, et alors même que M. D. aurait déjà été condamné pour des propos et des comportements portant incitation à la haine raciale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le contenu même du spectacle prévu le 25 mai 2011 serait par lui-même contraire à l’ordre public ou se heurterait à des dispositions pénales ; qu’à supposer même qu’un risque de désordre existerait, il appartient au maire de concilier l’exercice de ses pouvoirs de police avec la préservation de l’exercice des libertés fondamentales, au nombre desquelles figure la liberté d’expression ; qu’à cet égard, l’impossibilité d’y remédier, le cas échéant, par des mesures appropriées n’est pas davantage établie ; que, dans ces conditions, la décision du 25 mai 2011, qui revient à interdire la tenue d’un spectacle, constitue une atteinte grave à la liberté d’expression ; qu’en l’absence de tout motif invoqué par la commune de nature à la justifier, cette atteinte est manifestement illégale ; que, par suite, il y a lieu d’enjoindre au maire de Fontaine de ne pas mettre à exécution son arrêté du 25 mai 2011 et d’autoriser M. D. a produire le spectacle programmé dans la commune le 25 mai 2011;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Fontaine une somme de 800 euros au titre des frais exposés par l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR et M. D. et non compris dans les dépens ;
ORDONNE
Article 1er : Il est enjoint à la commune de Fontaine de ne pas mettre à exécution l’arrêté de son maire en date du 25 mai 2011 et d’autoriser M. D. a produire le spectacle programmé dans la commune le 25 mai 2011.
Article 2 : La commune de Fontaine versera à l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR et à M. D. la somme de 800 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’ASSOCIATION FRERE D’AVENIR, à M. D. et à la commune de Fontaine.