REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP), dont le siège est 115 rue Emma Lanche à Sallanches (74700) et le MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA), dont le siège est 1565 route du Crêt à Sallanches (74700) ; l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et le MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 12 novembre 2009 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé à la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) l’autorisation préalable requise en vue de l’extension d’un ensemble commercial Carrefour par la création d’un parc d’activités commerciales à l’enseigne Grand Mont-Blanc de 13 290 m² de surface de vente, composé de 14 magasins spécialisés dans les secteurs de l’équipement de la personne et de la maison, du bricolage, de la culture et des loisirs à Sallanches (Haute-Savoie) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Maurice Méda, Conseiller d’Etat,
– les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et autre,
– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et autre,
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant, d’une part, qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire, ni d’aucun principe, que les décisions de la Commission nationale d’aménagement commercial, ni le dossier transmis par la commission nationale au Conseil d’Etat statuant au contentieux, doivent comporter des mentions attestant de la convocation régulière de ses membres ; qu’ainsi le moyen tiré de l’irrégularité de la décision attaquée ne peut qu’être écarté ;
Considérant, d’autre part, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d’aménagement commercial, les décisions qu’elle prend doivent être motivées, cette obligation n’implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d’appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu’en l’espèce, la commission nationale a suffisamment motivé sa décision, notamment en ce qui concerne l’évolution démographique, les conditions d’accès au site du projet, ou le respect du critère de contribution au développement durable ; que dès lors, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant, d’une part, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : (…) Les pouvoirs publics veillent à ce que l’essor du commerce et de l’artisanat permette l’expansion de toutes les formes d’entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l’emploi ; qu’aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie : Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu’elle statue sur l’autorisation d’exploitation commerciale visée à l’article L. 752-1, la commission départementale d’aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d’évaluation sont : / 1° En matière d’aménagement du territoire : / a) L’effet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L’effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 123-11 du code de l’urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles statuent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du code de commerce ;
Considérant qu’en prenant en compte, dans sa décision, l’enjeu du projet pour la commune de Sallanches, sa localisation en entrée de ville, son impact en termes de modernisation et de développement de l’appareil commercial de la zone, sa contribution au renforcement de l’attractivité de la zone commerciale du Grand Mont Blanc et l’animation de la vie urbaine qui en résulterait pour la commune, la commission nationale n’a pas fait une application inexacte des conditions d’autorisation prévues à l’article L. 752-6 du code de commerce précité, en particulier tenant à l’aménagement du territoire, ni appliqué de façon détournée des critères économiques qui seraient désormais abandonnés par le législateur ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les flux de véhicules engendrés par le projet ne seraient pas maîtrisés ; que la circonstance qu’un arrêté préfectoral du 15 mai 2008, qui a été pris sur le fondement des articles L. 214-1 à L. 214-8 du code de l’environnement et concerne des travaux d’aménagement au titre de la gestion des eaux et des ruissellements, aurait fait l’objet d’un recours en annulation devant la juridiction administrative est à cet égard sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale, qui disposait sur ce point d’informations suffisantes, ait inexactement apprécié les mesures d’aménagement prévues dans le cadre du projet litigieux pour assurer la gestion des eaux pluviales et la prévention des risques d’inondation, sur ce site proche de l’Arve et de ses affluents ; que par suite, et dans les circonstances de l’espèce, elle n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation au regard du principe de précaution énoncé à l’article 5 de la Charte de l’environnement ;
Considérant, dès lors, que la Commission nationale d’aménagement commercial a fait une exacte application des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées ; qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et le MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) ne sont pas fondés à demander l’annulation de sa décision ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et le MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) demandent à ce titre ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de chacun des requérants le versement à la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et du MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) est rejetée.
Article 2 : L’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP) et le MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) verseront chacun la somme de 1 000 euros à la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI) au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DU COMMERCE TRADITIONNEL ET DE PROXIMITE DE LA DERNIERE ZONE HUMIDE DU NORD DE SALLANCHES (ADECOTP), au MOUVEMENT ECOLOGIQUE DE LA HAUTE VALLEE DE L’ARVE (MEHVA) et à la société d’expansion régionale financière et immobilière (SERFI).
Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d’aménagement commercial et à la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.