RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 juin 1995, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant le préfet de la région Champagne-Ardenne, préfet de la Marne, et Mme Yildiz X… ;
Vu l’ordonnance du 31 octobre 1994 du président du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne, par laquelle celui-ci, statuant en référé, a dit que le retrait de la carte de résident de Mme X… ne saurait caractériser une voie de fait, et s’est déclaré incompétent ;
Vu le déclinatoire de compétence, ensemble le mémoire complémentaire du 26 janvier 1995, présentée par le préfet de la Marne, tendant à dire que le litige relève exclusivement de la juridiction administrative ;
Vu l’arrêt du 15 mars 1995 par lequel la cour d’appel de Reims a infirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé, rejeté le déclinatoire de compétence du 8 décembre 1994, « dit que dans la mesure où Mme X… évoque à juste titre l’existence d’une voie de fait commise à son encontre, les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour en connaître », et sursis à statuer sur la demande de Mme X… « jusqu’à l’expiration du délai dont bénéficie le préfet de la Marne pour élever éventuellement le conflit » ;
Vu l’arrêté du 3 avril 1995 par lequel le préfet de la Marne a élevé le conflit ;
Vu, enregistrées le 20 avril 1995, les observations transmises au Parquet général de la cour d’appel dans l’intérêt de Mme X…, faisant valoir que le titre de séjour a été retiré sans décision, retenu depuis un an et demi également sans décision, et que cette situation portait atteinte à la liberté fondamentale de Mme X… d’aller et venir ;
Vu, enregistré le 17 juillet 1995, le mémoire présenté par le ministre de l’intérieur, tendant à la confirmation de l’arrêté de conflit du 3 avril 1995 et à l’annulation de la procédure engagée par Mme X… devant la cour d’appel de Reims ;
Vu, enregistré le 7 septembre 1995, le mémoire présenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan pour Mme X…, tendant à annuler l’arrêté de conflit du 3 avril 1995 comme irrecevable, et, à titre subsidiaire, comme mal fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Chartier, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X…,
– les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’antériorité de l’arrêté de conflit du 3 avril 1995 par rapport à la date de la notification de l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 15 mars 1995 au préfet de la Marne, n’affecte pas la régularité de cet arrêté ;
Considérant qu’aux termes de l’article 16, alinéa 2, de l’ordonnance du 2 novembre 1945, « dans un délai de trois ans à compter de sa première délivrance, la carte de résident peut être retirée à l’étranger mentionné au 10° de l’article 15, lorsque la qualité de réfugié lui a été retirée parce qu’il s’est volontairement placé dans une des situations visées aux 1° à 4° de l’article 1er C de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés » ;
Considérant dès lors que, fût-il irrégulier, le retrait, le 13 septembre 1993, de la carte de résident délivrée le 15 avril 1992 à Mme X… en conséquence d’une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de retirer à celle-ci la qualité de réfugié politique au motif qu’elle avait volontairement décidé de se placer sous la protection des autorités turques en contractant mariage au Consulat de Turquie, n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice du pouvoir conféré à l’administration en matière de statut des étrangers ;
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 3 avril 1995 par le préfet de la région Champagne-Ardenne, préfet de la Marne, est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par Mme X… devant le président du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne et devant la cour d’appel de Reims, et l’arrêt du 15 mars 1995.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.