RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 1991, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant le préfet d’Ille-et-Vilaine à M. Michel X… devant le tribunal de grande instance de Rennes ;
Vu le déclinatoire présenté le 30 juillet 1991 par le préfet d’Ille-et-Vilaine, tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente par les motifs qu’il appartient à l’autorité administrative, à savoir le préfet et non au président du tribunal de grande instance de prendre à l’égard d’une personne ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office en milieu psychiatrique, la mesure de sortie d’essai prévue à l’article L. 350 du code de la santé publique ;
Vu l’arrêté du 2 septembre 1991 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu les articles L. 350 et L. 351 du code de la santé publique modifié par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Morisot, membre du Tribunal,
– les conclusions de Mme Flipo, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que l’ordonnance litigieuse a été rendue sur simple requête de M. X… au terme d’une procédure non contradictoire ; qu’en un tel cas, le préfet, qui n’a pu avoir connaissance de cette procédure avant la décision du juge, est recevable à présenter un déclinatoire de compétence, même postérieurement à cette décision et, en cas de rejet du déclinatoire, à élever le conflit ; Sur la compétence :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 350 du code de la santé publique : « Afin de favoriser leur guérison, leur réadaptation ou leur réinsertion sociale, les personnes qui ont fait l’objet d’une … hospitalisation d’office peuvent bénéficier d’aménagements de leurs conditions de traitement sous forme de sorties d’essai … La sortie d’essai comporte une surveillance médicale. Sa durée ne peut dépasser trois mois ; elle est renouvelable. Le suivi de la sortie d’essai est assuré par le secteur psychiatrique compétent. La sortie d’essai, son renouvellement éventuel ou sa cessation sont décidés … 2°) Dans le cas d’une hospitalisation d’office, par le préfet, sur proposition écrite et motivée d’un psychiatre de l’établissement d’accueil » ; que l’article L. 351 du même code dispose que : « Toute personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur … peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate … Le président du tribunal de grande instance peut également se saisir d’office, à tout moment, pour ordonner qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement … » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique que s’il appartient au président du tribunal de grande instance de mettre fin à l’hospitalisation d’office dans un établissement psychiatrique, d’une personne dont l’état de santé ne justifie plus son hospitalisation dans un tel établissement, il n’appartient qu’au préfet de prendre, au profit d’une personne ayant fait l’objet d’une mesure d’hospitalisation d’office à laquelle il n’a pas été mis fin, une mesure de sortie d’essai, dans les conditions et selon la procédure définies par l’article L. 350 du code ; qu’en se substituant au préfet pour prendre une telle décision, le président du tribunal de grande instance de Rennes a méconnu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ; que c’est, dès lors, à bon droit que le préfet a élevé le conflit ;
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 2 septembre 1991 par le préfet d’Ille-et-Vilaine est confirmé.
Article 2 : Sont déclarées nulles et non avenues la procédure engagée par M. X… devant le tribunal de grande instance de Rennes et l’ordonnance rendue le 2 septembre 1991 par le président de ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au gade des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d’en assurer l’exécution.