REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’arrêté en date du 31 janvier 1951 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a élevé le conflit d’attribution dans l’instance pendante devant le tribunal civil d’Issoire entre la dame de X… et l’Etat Français ;
Vu le règlement d’administration publique du 26 octobre 1849 ;
Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ;
Vu l’article 112 du Code d’instruction criminelle modifié par l’article 2 de la loi du 7 février 1933 ;
Considérant que l’action engagée par la dame de X… devant le Tribunal civil d’Issoire en vue d’obtenir réparation du dommage qui a été causé à l’intéressée par son internement administratif était dirigée contre l’Etat ;
Considérant que, si l’article 112 du code d’instruction criminelle, tel qu’il a été modifié par l’article 2 de la loi du 7 février 1933, interdit à l’autorité préfectorale d’élever le conflit d’attribution dans les cas d’atteinte à la liberté individuelle visés par cet article et spécifie que les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents, il résulte de la combinaison des prescriptions dont s’agit et de l’ensemble des règles relatives à la séparation des pouvoirs que lesdites prescriptions ne s’appliquent que dans le cas où l’instance est engagée contre les agents publics qui se sont rendus coupables de telles infractions, sans qu’il y ait lieu d’ailleurs de distinguer, en cette hypothèse, suivant la nature de la faute qu’ont pu commettre lesdits agents ; que, lorsque l’Etat est mis en cause, la compétence pour statuer sur les conclusions présentées contre lui se règle d’après les principes généraux qui gouvernent la responsabilité de la puissance publique ;
Considérant, à la vérité, qu’il appartient à l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, de statuer sur les conséquences de tous ordres des atteintes arbitraires à cette liberté, celles-ci ayant, par elles-mêmes, le caractère d’une voie de fait ; mais que cette règle reçoit exception dans le cas où des circonstances exceptionnelles empêchent de reconnaître ce caractère aux atteintes dont s’agit ;
Considérant qu’il résulte des circonstances diverses où se sont opérés l’arrestation et l’internement de la dame de X… et sans même qu’il soit besoin de faire état de l’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 9 février 1945 et de l’arrêté confirmatif du commissaire régional de la République en date du 22 mars 1945, qui ont prétendu régulariser ledit internement, que celui-ci, non plus que l’arrestation, n’a pas revêtu, en l’espèce, le caractère d’une voie de fait ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le préfet du Puy-de-Dôme a élevé le conflit d’attribution dans l’instance ;
DECIDE :
Article 1er : L’arrêté de conflit susvisé du préfet du Puy-de-Dôme en date du 31 janvier 1951 est confirmé.
Article 2 : Le jugement du tribunal civil d’Issoire en date du 5 janvier 1951 est déclaré nul et non avenu, ensemble l’assignation introductive d’instance.
Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au garde des Sceaux, Ministre de la Justice qui est chargé d’en assurer l’exécution.