Les règles de responsabilité appliquées aux hôpitaux publics ont longtemps été très restrictives et exclusivement articulées autour de la notion de faute. Le Conseil d’Etat distinguait ainsi entre l’organisation et le fonctionnement des établissements hospitaliers, qui relevaient de la faute simple et les activités médicales et chirurgicales assurées par ces établissements pour lesquelles la démonstration d’une faute lourde était exigée (CE, sect., 8 novembre 1935, Dame Loiseau et Dame Philipponeau (Rec. p.1019 et 1020 ; D. 1936, 3, p. 15, note Heilbronner).
Les règles ont ensuite été progressivement assouplies : le domaine de faute lourde s’est réduit en se concentrant autour des activités liées à la pratique même de l’art médical et la responsabilité pour faute présumée a été admise dans différentes hypothèses. Cette évolution a aboutit à l’abandon de la faute lourde, par le Conseil d’Etat, à l’occasion de son arrêt d’Assemblée Epoux V. du 10 avril 1992 (requête numéro 79027 : Rec. p. 171 : AJDA 1992, p. 355, concl. Legal ; RFDA 1992, p. 571, concl. Legal; JCP G 1992, II, 21881, note J. Moreau ; LPA 3 juillet 1992, p.26, note Haïm ; D. 1993 somm. comm. p. 146, obs. Bon et Terneyre).
Parallèlement, le Conseil d’Etat a développé, à l’occasion de l’arrêt d’Assemblée Bianchi du 9 avril 1993 une hypothèse de responsabilité sans faute des établissements hospitaliers en cas de survenance d’un aléa médical ou chirurgical (requête numéro 69336 : Rec. p.127, concl. Daël ; RFDA 1993, p.573, concl. Daël ; AJDA 1993, p.344, chron. Maugüé et Touvet ; D. 1994, somm. comm. p. 65, ob. Bon et Terneyre ; JCP 1993, II, 22061, note Moreau ; RDP 1993, p.1099, note Paillet ; Rev. Adm. 1993, p.561, note Fraissex). Toutefois, pour éviter une condamnation trop systématique de ces établissements, le Conseil d’Etat a soumis l’engagement de leur responsabilité à des conditions très restrictives. Ainsi, « lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité » (V. dans le même sens, CE 25 juillet 2007, requête numéro 274682, Centre hospitalier d’Avignon ; CE 15 novembre 2006, requête numéro 279273, Assistance publique à Marseille : JCPA 2006, Act. 999; CE 12 juillet 2006, requête numéro 271248, Darfin ; CE 7 juillet 2006, requête numéro 264217, Lagorio ; CE 17 mai 2006, requête numéro 272231, Hospices civils de Lyon).
L’arrêt Hôpital Joseph Imbert d’Arles du 3 novembre 1997 marque une extension du champ d’application de la jurisprudence Bianchi. En l’espèce, la victime était décédée à la suite d’un coma prolongé consécutif à un arrêt cardiaque dont elle avait été victime au cours d’une opération de circoncision subie sous anesthésie générale pratiquée dans les services de l’hôpital. Alors même que cette opération n’avait pas de visée thérapeutique, et que le patient ne pouvait donc être considéré, selon les termes de l’arrêt Bianchi, comme un « malade », le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait engagé la responsabilité sans faute de l’hôpital. Le fait que le risque considéré en l’espèce ne concernait pas directement le diagnostic ou le traitement considéré, mais une anesthésie générale préalable au traitement lui-même n’est pas pris en considération par les juges.
Pour contrer cette jurisprudence très favorable aux victimes, mais lourde de conséquences pour les finances des établissements hospitaliers, la loi numéro 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a interdit aux juges de statuer sur un autre fondement que celui de la responsabilité pour faute. Cette loi s’applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001. Dans les cas où le dommage est lié non pas à une faute, mais à un aléa médical, l’indemnisation est désormais réalisée par des commissions spéciales et financée par un fonds créé par la loi.