Saisi par le Président de la République, sur le fondement de l’article 54 de la Constitution, du traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a conclu à son inconstitutionnalité partielle et à l’exigence d’une révision de la Constitution. Pour parvenir à cette solution, il a fait usage de ses méthodes, désormais traditionnelles, de contrôle des traités relatifs à la construction européenne, dont la décision d’espèce constitue une synthèse utile.
1°) La décision numéro 2007-560 DC rappelle, tout d’abord, le champ du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur un nouveau traité communautaire. En se fondant sur le principe Pacta sunt servanda, qui fait partie des principes du droit international public auxquels se conforme, en vertu de l’alinéa 14 du préambule de la Constitution de 1946, la République française (CC, 9 avril 1992 Traité sur l’Union européenne, décision numéro 92-308 DC : rec. p. 55), le Conseil se refuse à contrôler les dispositions du traité de Lisbonne se contentant de reprendre les règles contenues dans le traité de Nice. Ainsi, le contrôle d’un nouveau traité modifiant les traités sur l’Union européenne et la Communauté européenne ne saurait être l’occasion d’un réexamen général de l’ensemble des dispositions communautaires, que l’absence de contrôle initial ou les révisions constitutionnelles connues par notre pays auraient pu pourtant justifier. Le Conseil se bornera, au contraire, à l’analyse des dispositions originales contenues dans le traité.
Le champ du contrôle du juge constitutionnel est, en outre, limité en l’espèce par d’autres considérations, propres au contexte particulier dans lequel sa décision est rendue. La signature du traité de Lisbonne fait suite à l’échec de la ratification de la Constitution européenne dans notre pays ainsi qu’aux Pays-Bas, et reprend une large partie de ses dispositions. Or, le Conseil constitutionnel avait déjà eu à examiner, à la fin de l’année 2004, les stipulations de cette Constitution européenne (CC, 19 novembre 2004 Traité instituant une Constitution pour l’Europe, décision numéro 2004-505 DC : rec. p. 173). Dès lors, après avoir visé sa décision du 19 novembre, à laquelle l’article 62 de la Constitution confère une pleine autorité, le Conseil renvoie à la motivation de cette décision pour écarter ou accueillir certains motifs d’inconstitutionnalité déjà examinés trois ans auparavant. Tel est, par exemple, le cas des stipulations relatives aux droits fondamentaux de l’Union contenues dans le traité de Lisbonne, qui ne sont pas déclarées contraires à la Constitution.
2°) Pour le reste, le Conseil constitutionnel suit, lors de son examen au fond des stipulations du traité de Lisbonne, les principes traditionnels posés par sa jurisprudence relative aux limitations de souveraineté. Sont ainsi considérées comme contraires à la Constitution, les clauses d’un traité qui portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale (CC, décision numéro 91-294 DC, 25 juillet 1991, Loi autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 : rec. p. 91). Tel est le cas des dispositions du traité de Lisbonne prévoyant le transfert de nouvelles compétences régaliennes, vers la Communauté, comme dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, du contrôle des frontières, de la lutte contre la traite des êtres humains ou de la coopération judiciaire en matière civile et pénale. De même, les stipulations du traité de Lisbonne étendant le champ de la majorité qualifiée et accordant un pouvoir décisionnel au Parlement européen affectent les conditions d’exercice de la souveraineté nationale, dans la mesure où elles se traduisent par la perte d’un pouvoir d’opposition de la République française aux décisions communautaires, comme l’avait déjà constaté le Conseil constitutionnel dans sa décision numéro 2004-505 DC du 19 novembre 2004 (préc.).
Il en va de même des clauses passerelles permettant potentiellement, par une décision communautaire future, le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée en certains domaines, comme celui de la coopération pénale ou du droit de la famille.
3°) Enfin, renvoyant à sa décision relative au traité instituant une Constitution européenne, le Conseil conclut à la non-conformité à la Constitution des procédures de révision simplifiées concernant les politiques et actions internes de l’Union prévues à l’article 1er 56°) du traité de Lisbonne. Les derniers motifs d’incompatibilité du traité de Lisbonne résident dans l’extension des prérogatives des Parlement nationaux auquel il procède. Reprenant les dispositions de la Constitution européenne et approfondissant celles-ci, le traité de Lisbonne accorde notamment au Parlement français un pouvoir d’intervention dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité, prévu par le protocole numéro 2. La possibilité pour les Parlements nationaux d’émettre un avis motivé sur le respect, par les projets d’actes législatifs communautaire, du principe de subsidiarité, et de saisir, le cas échéant, la Cour de justice exige ainsi une révision constitutionnelle.