Par une belle décision du 11 octobre 2012, numéro 357193, le Conseil d’Etat se prononce sur le régime des avis de l’autorité de la concurrence. Ces derniers sont susceptibles de constituer des actes administratifs faisant grief.
Le Conseil d’Etat était saisi d’un recours pour excès de pouvoir de la société Casino Guichard-Perrachon contre l’avis n° 12-A-01 de l’Autorité de la concurrence du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris.
L’Autorité se prononçait en application de l’article L. 462-1 du code de commerce aux termes duquel elle peut être saisie sur toute question de concurrence par une collectivité territoriale. La ville de Paris avait demandé un tel avis sur la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris.
Dans son avis, l’Autorité constatait la position dominante du groupe Casino, et regrettait de ne pas détenir de pouvoir d’injonction visant à la cession de certains magasins.
Le Conseil d’Etat rejette le recours, en considérant que les avis de l’Autorité de la concurrence ne sont pas des décisions faisant grief.
Il note cependant que ces avis constitueraient des actes administratifs faisant griefs si les préconisations qu’ils contiennent « revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l’Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance ».
2. Considérant qu’il est loisible à l’Autorité de la concurrence, lorsqu’elle exerce la faculté d’émettre un avis que lui reconnaît l’article L. 462-4 du code de commerce, de faire toute préconisation relative à la question de concurrence qui est l’objet de son analyse, qu’elle s’adresse au législateur, aux ministres intéressés ou aux opérateurs économiques ; que les prises de position et recommandations qu’elle formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief ; qu’il en irait toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l’Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance ;
Les avis de l’Autorité de la concurrence doivent donc être rangés dans la catégorie des actes qui ne constituent pas en eux-mêmes des décisions faisant grief, mais qui peuvent acquérir ce statut en fonction de leur rédaction.
Le caractère général et impératif des prises de position et recommandations pourra certainement être reconnu lorsque l’autorité de la concurrence, réalisant une analyse de marché, constatera qu’une structure de marché ou le comportement d’une catégorie d’entreprises sont susceptibles de porter atteinte à la concurrence. Il s’agirait là en quelques sorte de « programmes de conformité » préalables à une action.
Les prescriptions individuelles seraient celles qui, adressées à une ou plusieurs entreprises désignées, constateraient des violations potentielles aux règles de concurrence et pourraient aboutir ultérieurement à une sanction pour entente ou abus de position dominante. C’est au demeurant l’objet des avis et recommandation de l’Autorité, que de prévenir de telles atteintes.
En l’espèce, l’Autorité a émis dans son avis un regret sur l’absence d’outils lui permettant de défaire une situation de concentration excessive résultant d’une politique de croissance interne, sans que cette « concentration » ne constitue le résultat d’une opération de concentration économique ou un abus de position dominante.
Le recours de la société Casino est donc irrecevable.