Le contentieux de la nationalité occupe désormais un volume relativement important au sein de la jurisprudence du Conseil d’Etat.
Une décision du 26 novembre 2012 (Conseil d’Etat, 26 novembre 2012, Monsieur Sidy B., requête numéro 356105) a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que le régime contentieux d’un décret et du refus de modifier un décret étaient identiques (v. Philippe Cossalter Le recours dirigé contre la décision refusant de modifier un décret est un recours exercé contre le décret, Revue générale du droit on line, 2012, numéro 3919 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=3919)). Il s’agissait alors du refus de modifier un décret de naturalisation qui ne portait pas la mention du nom de l’enfant mineur.
La décision du 12 décembre 2012 (Conseil d’Etat, 12 décembre 2012, M. Bella A, requête numéro 358760), porte elle aussi sur le contentieux généré par l’article 22-1 du code civil.
Aux termes de l’article 22-1 du code civil :
» L’enfant mineur dont l’un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s’il a la même résidence habituelle que ce parent ou s’il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. / Les dispositions du présent article ne sont applicables à l’enfant d’une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l’autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration ».
C’est au moment de l’adoption du décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité du parent que la situation de l’enfant mineur est examinée.
Le Conseil d’Etat précise, concernant le conditions de mise en oeuvre de l’article 22-1 du code civil :
2. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’un enfant mineur ne peut devenir français de plein droit par l’effet du décret qui confère la nationalité française à l’un de ses parents qu’à condition, d’une part, que ce parent ait porté son existence, sauf impossibilité ou force majeure, à la connaissance de l’administration chargée d’instruire la demande préalablement à la signature du décret et, d’autre part, qu’il ait, à la date du décret, résidé avec ce parent de manière stable et durable sous réserve, le cas échéant, d’une résidence en alternance avec l’autre parent en cas de séparation ou de divorce ;
Dans l’affaire Bella A. du 12 décembre 2012, le Conseil constate que la mère de l’enfant, au moment d’être réintégrée dans la nationalité française, avait déclaré que son fils vivait aux Comores.
Peu importe dès lors que la preuve contraire soit apportée postérieurement à l’adoption du décret :
5. Considérant, en second lieu, que si M. A produit un certificat de scolarité délivré par un établissement scolaire de Marseille daté du 7 novembre 2008 et une convention de stage passée par le même établissement pour l’année scolaire 2008-2009 aux fins d’établir qu’il avait sa résidence chez sa mère à la date du décret du 10 décembre 2008, il ressort des pièces du dossier que celle-ci avait indiqué, dans sa déclaration de nationalité adressée à l’administration, qu’il résidait aux Comores et non avec elle ; qu’ainsi le ministre a pu légalement refuser de proposer au Premier ministre de le faire bénéficier de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française de sa mère ; […]
Dans sa décision du 26 novembre 2012 précitée (Conseil d’Etat, 26 novembre 2012, Monsieur Sidy B., requête numéro 356105), le Conseil d’Etat avait porté la même analyse. Le père bénéficiant d’un décret de naturalisation n’avait pas déclaré l’existence de son enfant mineur. Le requérant soutenait qu’ignorant l’exitence de son enfant, il était dans l’impossibilité de le déclarer. Le Conseil d’Etat constate que si le père ne connaissait pas l’existence de son enfant, la seconde condition pour son inscription dans le décret de naturalisation, qui est une résidence stable et durable avec le parent naturalisé, n’était en tout état de cause pas remplie.
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est pas contesté que M. B n’a pas porté à la connaissance de l’administration la naissance de l’enfant Mouhamed, qu’il n’a reconnu que postérieurement à la signature du décret du 10 mai 2006 lui accordant la nationalité française ; que, si M. B soutient qu’il était dans l’impossibilité de déclarer cet enfant avant l’intervention du décret parce qu’il ne connaissait pas alors son existence, cette circonstance, qui implique que l’enfant ne résidait pas habituellement avec lui à la date du décret, n’est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée ; que, par suite, M. B n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 janvier 2012 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a refusé de faire droit à sa demande de modification du décret du 10 mai 2006 et de faire bénéficier l’enfant Mouhamed de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française ;