Les décisions relatives au régime de détention des personnes incarcérées a fait son entrée dans l’Etat de droit lorsque le Conseil d’Etat a décidé de réduire, en ce qui les concerne, l’étendue des mesures dites d’ordre intérieur (CE Ass., 17 février 1995, Hardouin, requête numéro 107766: rec. 82. CE Ass. 14 décembre 2007 Planchenault n°290420, Garde des sceaux ministre de la justice c/ Boussouar n°290730, Payet n°306432; Sébastien Hourson La réduction du domaine des mesures d’ordre intérieur, Revue générale du droit on line, 2008, numéro 1873 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=1873).
Bien que les décisions les plus importantes puissent désormais faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, elle ne sont pas toutes soumises à l’obligation de motivation prévue par l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et aux droit de la défense prévus par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000.
C’est ce que décide le Conseil d’Etat dans une décision du 6 décembre 2012 (Conseil d’Etat, 6 décembre 2012, Ministre de la justice, requête numéro 344995) concernant le « régime différencié » :
3. Considérant que si la décision de placement d’un détenu en régime différencié, qui entraîne une aggravation de ses conditions de détention, ainsi que la décision maintenant un détenu dans ce régime, qui lui impose les mêmes contraintes, sont des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, elles n’entrent toutefois dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des décisions administratives et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public et ne sont pas, par suite, au nombre des décisions mentionnées à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui ne peuvent intervenir qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations ; que, par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est fondé à soutenir qu’en annulant les décisions du directeur du centre de détention affectant et maintenant M. A en régime différencié de détention au motif qu’elles méconnaissaient les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, la cour administrative de Nantes a méconnu le champ d’application de ces dispositions ; qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, que le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;
Le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé dans le même sens dans une décision du 28 mars 2011 (Conseil d’Etat, 28 mars 2011, Ministre de la justice, requête numéro 316977).
Si dans sa décision du 6 décembre 2012 le Conseil d’Etat n’explique pas en quoi consiste le régime « portes fermées », il avait été plus disert dans sa décision du 28 mars 2011 :
« […] les personnes détenues dans cet établissement sont placées, après un court séjour dans un secteur dit arrivants , soit en secteur dit portes ouvertes , soit en secteur dit portes fermées ; que les détenus sont affectés en secteur portes fermées en raison de leur comportement, pour une durée d’un mois renouvelable et y font l’objet d’une surveillance renforcée ; qu’à la différence des autres détenus, ils ne disposent pas des clés de leur cellule, dans laquelle ils doivent prendre leurs repas et où ils sont en principe enfermés seuls ; que les activités culturelles et d’enseignement sont accomplies au sein même de l’unité de vie et qu’ils ne peuvent accéder à la bibliothèque que sur un créneau horaire réservé ; qu’ainsi, par sa nature et par ses effets sur ses conditions de détention, notamment au regard de l’objectif de réinsertion sociale, la décision par laquelle un détenu est placé en régime différencié pour être affecté à un secteur dit portes fermées , alors même qu’elle n’affecte pas ses droits d’accès à une formation professionnelle, à un travail rémunéré, aux activités physiques et sportives et à la promenade, constitue une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir […] »
L’on peut s’étonner, avec Serge Slama, que des décisions faisant grief, et portant une atteinte aussi manifeste aux conditions de détention ne soit pas considérées comme étant des décisions défavorables, soumises à l’obligation de motivation et aux droits de la défense (v. CE, 28 mars 2011, 10ème et 9ème sous-sections réunies, M. A., N° 316977, au recueil Lebon – Actualités Droits-Libertés du 31 mars 2011 par Serge Slama).