Contexte : Cette décision rendue le 6 février 2013 illustre la sévérité avec laquelle la Cour de cassation apprécie les devoirs pesant sur les chirurgiens plasticiens qui réalisent un acte de chirurgie réparatrice.
Litige : Le 19 janvier 2005, une patiente subit un acte de chirurgie réparatrice consistant en une intervention de lipectomie, également appelée abdominoplastie. Une petite nécrose cutanée est apparue à la jonction de la cicatrice verticale et de la cicatrice horizontale. La patiente recherche la responsabilité du chirurgien qui est retenue par les premiers juges. Mais la Cour d’appel de Reims infirme le jugement et la déboute de sa demande en réparation. Elle forme un pourvoi en cassation.
Solution : La Cour de cassation casse l’arrêt attaqué. Après avoir visé les articles L. 1142-1 et L. 1111-2 du Code de la santé publique la première Chambre civile reproche à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale au regard de ces textes précités, en statuant ainsi « sans rechercher, comme il lui était demandé, d’une part, si la nécrose cutanée à la jonction des cicatrices verticale et horizontale, complication connue pour les plasties abdominales dont elle avait constaté la survenance, n’aurait pas pu être évitée par un geste médical adapté, d’autre part, si M. Y… n’avait pas failli à son obligation d’expliciter les risques précis de l’abdominoplastie, notamment par la remise d’une brochure exhaustive, telle que celle qui avait été remise à Mme X… lors de la seconde intervention ».
Analyse : La première Chambre civile censure la motivation de la Cour d’appel qui est insuffisante à un double titre.
♦ D’abord, s’agissant de l’appréciation du geste médical technique, la Cour d’appel a manifestement perdu de vue la jurisprudence particulièrement sévère que la Cour de cassation a développée, à partir de la fin des années 90, en ce domaine. Lorsqu’une complication survient, telle que l’atteinte d’un organe, d’une artère ou d’un nerf ou encore une lésion dentaire, au cours d’une intervention chirurgicale, elle considère que « « toute maladresse d’un praticien engage sa responsabilité et est, par-là même, exclusive de la notion de risque inhérent à un acte médical » Cass. 1re civ., 30 sept. 1997, n° 95-16500 : Bull. I, n° 259, R. p. 276 ; JCP G 1998, I, 144, n° 21, obs. G. Viney ; Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 373 ; Rev. dr. san. soc. 1998, p. 288, obs. L. Dubouis).
Cela signifie que les juges du fond ne peuvent écarter la responsabilité d’un praticien, sans constater la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé, ce qui les contraint concrètement à déterminer la cause de la lésion ainsi constatée (Cass. 1re civ., 1re, 20 janv. 2011, n° 10-17357 : Bull. I, n° 14). En l’espèce, la Cour d’appel aurait donc dû, comme elle y était invitée, si la lésion dommageable « n’aurait pas été évitée ». C’est une façon assez habile d’inviter le chirurgien à faire la démonstration que le dommage est survenu sans sa faute…
♦ Ensuite, s’agissant de l’information médicale, la Cour d’appel s’était contentée de relever qu’une information générale avait été donnée à la patiente. En effet, celle-ci avait signé une autorisation d’opérer rédigée en ces termes : « j’accepte l’opération chirurgicale proposée par le docteur Etienne Marie Y…. Je sais qu’il n’existe pas d’acte chirurgical sans risque et que des complications sont possibles même si l’intervention est conduite normalement ; je reconnais que la nature de l’opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m’ont été expliqués en termes que j’ai compris, le docteur Etienne Marie Y… a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J’ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l’intérêt de mon état de santé actuel et futur« .
Manifestement, une information aussi générale sur les risques encourus ne satisfait pas les exigences de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, qui retient qu’elle porte « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
En l’espèce, les termes de l’autorisation d’opérer étaient trop imprécis sur les risques encourus par la patiente, ce qui aurait dû conduire la Cour d’appel à rechercher si le praticien n’avait pas failli « à son obligation d’expliciter les risques précis de l’abdominoplastie, notamment par la remise d’une brochure exhaustive ». En précisant que la brochure doit être exhaustive, la Cour de cassation invite clairement les juges du fond à vérifier très concrètement si les chirurgiens plasticiens ont exécuté leur devoir d’informer le patient de l’existence et de l’étendue des risques inhérents à l’opération projetée (V. déjà : Cass. 1re civ., 26 janv. 1999, n° 97-13.573).