Le Conseil d’Etat continue à réduire le champ des mesures d’ordre intérieur dans le domaine pénitentiaire.
Depuis la décision de principe Marie du 17 février 1995 (Conseil d’Etat, Assemblée, 17 février 1995, Marie, requête numéro 97754, rec. p. 84) le Conseil a complété sa jurisprudence en déterminant des catégories de mesures a priori susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (v. pour un déclassement d’emploi : Conseil d’Etat, Assemblée, 14 décembre 2007, Planchenault, requête numéro 290420, publié au recueil; changement d’affectation d’une maison centrale à une maison d’arrêt : Conseil d’Etat, Assemblée, 14 décembre 2007, Garde des sceaux, Ministre de la justice c/ Boussouar, requête numéro 290730, publié au recueil; placement sous le régime des rotations de sécurité : Conseil d’Etat, Assemblée, 14 décembre 2007, Payet, requête numéro 306432, publié au recueil; sur ces décisions v. Sébastien Hourson, ‘ La réduction du domaine des mesures d’ordre intérieur, Commentaire sous les arrêts CE Ass. 14 décembre 2007 Planchenault n°290420, Garde des sceaux ministre de la justice c/ Boussouar n°290730, Payet n°306432. ‘ : Revue générale du droit on line, 2008, numéro 1873 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=1873))
Les mesures concernées ne constituent pas toutes des sanctions au sens strict du terme, mais des mesures dont les effets sont appréciés concrètement par le Conseil d’Etat et font grief eu égard à la nature et à l’importance de leurs effets sur la situation des détenus.
Le Conseil d’Etat, pour déterminer la catégorie des mesures susceptibles d’être déférées au juge adinistratif, appréciera les effets de la mesure en eux-même, mais également leurs conséquences sur la situation du détenu.
En l’espèce un détenu avait fait l’objet de la sanction disciplinaire la plus légère prévue par les articles R57-7-33 et suivants du code de procédure pénale : l’avertissement.
Le Conseil d’Etat examine attentivement les conséquences de cette sanction disciplinaire la plus légère, et en déduit qu’elle peut avoir un impact sur les remises de peines attribuées au détenu puisque toute sanction contre un détenu majeur fait l’objet d’un signalement au juge de l’application des peines (article R. 57-7-28 cpp.) et est inscrite sur un registre (art. R. 57-7-30 cpp.); ces éléments peuvent être pris en compte par le juge de l’application des peines, en application de l’article 721 cpp. pour refuser une réduction de peine « ou, plus généralement, refuser une réduction de peine supplémentaire, une permission de sortir ou un aménagement de peine ».
Par ailleurs la sanction, inscrite au dossier disciplinaire du détenu, peut être une circonstance aggravante lors d’une procédure ultérieure.
Le Conseil d’Etat déduit de ces éléments
« qu’eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des personnes détenues, les décisions par lesquelles le président de la commission de discipline prononce une sanction d’avertissement sont au nombre des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».
Il semble que le raisonnement doive être étendu à toutes les sanctions disciplinaires, puisqu’il est valable pour la plus légère d’entre elles et eu égard aux conséquences, communes, qui suivent le prononcé de toute sanction.
Ce sont ainsi toutes les sanctions disciplinaires qui sortent en une fois de la catégorie des mesures d’ordre intérieur (article R. 57-7-33) :
1° L’avertissement ;
2° L’interdiction de recevoir des subsides de l’extérieur pendant une période maximum de deux mois ;
3° La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d’effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d’hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac ;
4° La privation pendant une durée maximum d’un mois de tout appareil acheté ou loué par l’intermédiaire de l’administration ;
5° La privation d’une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d’un mois;
6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l’intermédiaire de l’administration pendant la durée de l’exécution de la sanction ;
7° La mise en cellule disciplinaire (v. déjà : Conseil d’Etat, SSR., 30 juillet 2003, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ Remli, requête numéro 252712, rec. 366)
Ainsi que les peines suivantes (Articl R. 57-7-34):
1° La suspension de la décision de classement dans un emploi ou une formation pour une durée maximum de huit jours lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l’occasion de l’activité considérée ;
2° Le déclassement d’un emploi ou d’une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l’occasion de l’activité considérée ; (v. déjà : Conseil d’Etat, Assemblée, 14 décembre 2007, Planchenault, requête numéro 290420, publié au recueil);
3° La suppression de l’accès au parloir sans dispositif de séparation pour une période maximum de quatre mois lorsque la faute a été commise au cours ou à l’occasion d’une visite ; (comparer : Conseil d’État, SSR., 26 novembre 2010, Ministre de la Justice c. Bompard, requête numéro 329564, publié au recueil);
4° L’exécution d’un travail de nettoyage des locaux pour une durée globale n’excédant pas quarante heures lorsque la faute disciplinaire est en relation avec un manquement aux règles de l’hygiène.