Sur cette question, le Tribunal des conflits persévère dans la jurisprudence qu’il avait inaugurée par l’arrêt de Chargère du 27 mai 1876 (S. 1878.2.223; P. chr.), et qu’il avait d’ailleurs affirmée depuis dans l’arrêt Guillaumin, du 30 juillet 1887 (S. 1889.3.45; P. chr.). Cette jurisprudence a été acceptée par le Conseil d’Etat (V. Cons. d’Etat, 14 déc. 1883, Houillères d’Ahun, Recueil des arrêts du Cons. d’Etat, p. 932; 27 nov. 1885, Julliere, Ibid., p. 896; 27 mai 1887, Ville de Bordeaux, Ibid., p. 423). Les tribunaux judiciaires résistent au contraire, et la Cour de cassation a formellement affirmé la compétence judiciaire, dans l’affaire Guillaumin, par un arrêt du 18 janvier 1887 (S. 1887.1.53; P 1887.1.120).
Malgré cette résistance, la jurisprudence du Tribunal des conflits parait bien établie, et le plus sage est de chercher à se rendre compte des raisons pour lesquelles elle s’est établie. On peut ramener aux deux propositions suivantes la doctrine du Tribunal des conflits :
1° Les offres de concours sont des conventions qui, par leur destination, se rattachent intimement à l’opération de travaux publics, et par suite doivent suivre les mêmes règles de compétence.
2° Il n’y a pas lieu de faire d’exception dans le cas où l’offre de concours consiste dans une cession gratuite de propriété : il n’y a pas à se préoccuper de la nature de l’objet offert; peu importe que ce soit une somme d’argent ou l’abandon gratuit d’une propriété.
I. — Il y a longtemps que la question des offres de concours a été soulevée. On peut dire qu’elle date du début de la période de construction des chemins vicinaux. Les ouvertures de chemins sont, en effet, les travaux publics qui sont le plus vivement désirés par les particuliers et qui sont de nature à provoquer le plus de souscriptions et d’offres volontaires. M. Ducrocq (Cours de dr. administr. 6° ed., t. I, p. 297, n. 325), et M. Aucoc (Confér. sur le dr. administr., 3° éd., t. II, n. 720) font remonter l’origine de la jurisprudence actuelle jusqu’à l’année 1839. M. Ducrocq, op. et loc. cit., cite les arrêts suivants : Cons. d’Etat, 20 avril 1839, Préfet du Cher (S. 1840.2.46; P. chr.; 7 déc. 1844, Département de la Dordogne, S. 1845.2.191; P. chr.); 23 mars 1850, Montcharmont, S. 1850.2.428; P. chr.; 2 févr. 1854, Villa de Bayeux, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 72). II s’agissait dans ces premiers arrêts, soit d’offres en argent, soit d’offres à la fois en argent ou en terrains, de sorte que la question de protection de la propriété n’était pas soulevée ou ne pouvait l’être que d’une façon très accessoire; la seule question était de savoir si on rattacherait la convention à l’opération de travaux publics.
Elle y a été rattachée, et il faut bien comprendre que c’est par application d’une théorie très arrêtée sur la façon de concevoir le contentieux des travaux publics; l’autorité administrative estime qu’elle a compétence, en matière de travaux publics, pour tous les éléments de l’opération qui, de près ou de loin, peuvent avoir une influence sur les finances publiques. L’opération des travaux publics est prise dans sa réalité économique. La jurisprudence considère avec raison que, de toutes les opérations administratives, c’est la plus coûteuse, la plus dangereuse pour les finances; elle estime que compétence lui a été donnée en cette matière justement dans une pensée de protection de ces finances, et que ce serait faillir à sa mission que de laisser échapper à son contrôle une seule des sources de dépense.
Le texte de l’art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII attribuait aux conseils de préfecture « les difficultés qui pourraient s’élever entre les entrepreneurs des travaux publics et l’Administration concernant les soins ou l’exécution des clauses de leurs marchés », « les réclamations des particuliers qui se plaindront des torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs et non du fait de l’Administration », « les demandes et contestations concernant les indemnités dues aux particuliers à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des chemins, canaux et autres ouvrages publics ».
La jurisprudence ne s’est point considérée comme liée par ces dispositions fragmentaires : toutes les fois que l’intérêt des finances publiques était en jeu, elle a étendu la compétence administrative; au contraire, lorsque les finances publiques n’étaient pas intéressées, elle n’a pas cherché a l’étendre.
C’est ainsi qu’elle n’a jamais cherché à connaître des contestations de l’entrepreneur avec ses sous-traitants, ses bailleurs de fonds, ses associés, ses fournisseurs de matériaux, ses architectes, ses ouvriers (V. Cass. 13 juill. 1886, S. 1887.1.177; P. 1887.1.407, et la note. V. aussi, Cass. 10 février 1891, S. 1891.1.260; P. 1891.1.627), parce que le résultat de ces contestations ne saurait en aucun cas rejaillir sur l’Administration ni augmenter la dépense publique.
C’est ainsi, au contraire, que, lorsque la théorie des dommages permanents s’est établie, la jurisprudence a retenu pour l’autorité administrative le droit de statuer sur le dommage, bien que cela ne rentrât pas tout à fait dans les termes de l‘art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, parce que l’indemnité devait être payée par l’Administration. Il y a eu pendant longtemps sur ce point lutte entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Le Tribunal des conflits ayant donné raison au Conseil d’Etat par décision du 29 mars 1850, Thomassin (S. 1850.2.429; P. chr.), la Cour de cassation a fini par céder (arrêt du 29 mars 1852, S. 1852.1.410; P. 1854.1.277. V. Conf. Trib. des conflits, 7 avril 1884, Comp. des mines de Combes, S. 1886.3. 10; P. chr., et les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Gomel).
C’est ainsi encore que les conventions financières accessoires à un marché de travaux publics, telles que les clauses relatives à des partages de bénéfices entre l’Administration et l’entrepreneur, ont été déclarées de la compétence des tribunaux administratifs, bien qu’elles ne fussent pas relatives a l’exécution même du marché, et qu’elles pussent être conçue comme parfaitement séparables (V. Trib. des conflits, 15 déc. 1876, Ville de Lyon, S. 1879.2.27; P. chr.; Cass. 2 mars 1880, S. 1881.1.20; P. 1881.1.29).
Et, si nous voulions faire une histoire complète de la jurisprudence en matière de travaux publics, il faudrait rapporter comment la compétence du conseil de préfecture, conçue d’abord comme s’appliquant uniquement aux travaux de l’Etat, a été successivement étendue à ceux des départements (V. Cons. d’Etat, 7 juin 1826, Diesse; 1er juin 1828, Raynarie; 8 juill. 1829, Barayre; 10 mars 1869, Dupuy, S. 1870.2.136; P. chr.); des communes (V. not. Cass. 27 févr. 1872, S. 1872.1.72; P. 1872.151, et la note; 3 févr. 1886 [motifs], S. 1886. 1.464; P. 1886.1.1146); et des établissements publics (V. Cons. d’Etat, 27 févr. 1843, Tortrat, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 92; 19 déc. 1879, Fabrique de Marans, Ibid., p. 838); comment certains marchés des communes, qui sont au fond des marchés de fournitures, comme ceux passés avec les Compagnies du gaz, ont été interprétés comme marchés de travaux publics, à la faveur des ouvrages de canalisation qu’ils comportent (V. Cass. 2 mars 1891, S. 1891.1.168; P. 1891.1.393. V. aussi. Cons. d’Etat, 12 juill. 1889, Union des Gaz, S. 1891.3.86; P. chr.), tout cela toujours parce qu’il y avait des finances publiques à protéger; comment, toujours pour la même raison, lorsqu’une opération de travaux publics est irrégulièrement engagée, par une commune par exemple, bien qu’il n’y ait pas véritable marché, la juridiction administrative se déclare compétente (V. Cons. d’Etat, 15 janv. 1881, Dasque, S. 1882.3.36; P. chr.; 16 déc. 1881, Commune de Plaisance c. Castagnon, S. 1883.3. 47; P. chr.; 14 avril 1883, Philippon, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 346. V. cep. Cass. 17 déc. 1884 S. 1886.1.205; P. 1886.1.502 et la note).
Il faut donc bien partir de là que l’autorité administrative se considère comme compétente en principe pour tout le contentieux des travaux publics, en prenant l’opération dans sa réalité économique, c’est-à-dire avec toutes les sources et toutes les occasions de dépense qu’elle comporte. C’est ce qu’affirme le Tribunal des conflits dans sa décision du 16 décembre 1876, plus haut citée, dans les termes suivants : « Considérant que la disposition de l’art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII est générale; qu’elle attribue compétence à la juridiction administrative à l’égard de toutes les contestations qui peuvent naître à l’occasion des marchés de travaux publics… » Ce contentieux si compréhensif des travaux publics présente quelque analogie avec celui des élections, qui, dans un autre genre, ne l’est pas moins. De même que l’opération de travaux publics est prise dans sa réalité économique, de même l’opération des élections est prise dans sa réalité politique, et tous les faits qui, de près ou de loin, ont pu influer sur le consentement des électeurs tombent sous l’appréciation du juge.
Si l’on se place à ce point de vue, on comprend tout de suite pourquoi les offres de concours ont été englobées dans le contentieux des travaux publics. C’est parce que l’offre de concours est par elle-même, par son objet, par sa destination, comme dit notre arrêt, de nature à influer sur les dépenses qui seront la conséquence de l’opération. D’abord, presque toujours, l’offre de concours est subordonnée à des conditions qui peuvent être onéreuses. Le particulier offre une subvention, mais à la condition que l’Administration adoptera pour le chemin à construire tel tracé plutôt que tel autre, ou bien à la condition qu’elle fera sur le terrain du donateur des murs de soutènement, ou bien des rampes d’accès… Même lorsque l’offre de concours n’est soumise à aucune condition, elle peut encore avoir une influence fâcheuse, en ce sens qu’elle peut déterminer l’Administration à entreprendre un travail coûteux qui, sans cela, n’eût pas été entrepris immédiatement.
Donc compétence administrative pour les offres de concours. Cette compétence est légitime, étant donnée la façon dont est conçu dans son ensemble le contentieux des travaux publics. Et il faut bien reconnaître que, puisqu’on se place au point de vue de la destination ou du but du contrat, l’objet de la convention parait indifférent, et qu’il importe peu que l’offre de concours consiste dans la promesse d’une somme d’argent ou dans la cession gratuite d’un terrain, à moins que l’on ne puisse invoquer un principe supérieur qui viendrait faire échec aux raisons graves que l’on a d’étendre le contentieux des travaux publics en cette matière.
II. — Voici, en effet, maintenant la question délicate : y a-t-il des raisons décisives pour faire échec a l’extension du contentieux des travaux publics, lorsque l’offre de concours consiste dans la cession gratuite d’un terrain ? Faut-il ici par exception admettre la compétence judiciaire ?
1° Un point qui paraît certain, c’est que, si la cession gratuite intervient après l’acte déclarant l’utilité publique du travail, ce n’est pas une offre de concours, c’est une cession amiable qui entraîne compétence judiciaire. A côté de la législation des travaux publics, en effet, il y a celle de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à qui il faut faire sa place légitime, Or, il paraît impossible de ne pas considérer comme une cession amiable, aux termes de la loi du 3 mai 1841, une cession qui intervient après la déclaration d’utilité publique du travail. C’est à ce moment que les cessions amiables commencent d’ordinaire à se produire; il est vrai que les cessions amiables sont en général à titre onéreux et sans conditions, mais, après tout, rien n’empêche une cession amiable d’être gratuite, rien n’empêche non plus qu’elle ne soit soumise à certaines conditions, comme l’adoption d’un tracé déterminé.
La jurisprudence administrative serait d’autant plus mal venue à refuser de reconnaître ici l’application des règles de l’expropriation que, dans une autre matière, elle l’a reconnue très volontiers. Nous voulons parler des cas où une occupation temporaire se transforme en occupation définitive. L’occupation temporaire est du ressort du conseil de préfecture, mais il a bien fallu reconnaître qu’en se prolongeant, elle changeait de caractère, qu’elle aboutissait à une véritable dépossession, et qu’alors on tombait dans ce qui est du domaine logique de l’expropriation et dans la compétence judiciaire (V. Cons. d’Etat, 15 avril 1857, Desbordes, S. 1858.2.143; P. chr.; Paris, 24 juill. 1857, Chem. de fer de Lyon à Geneve, S. 1858.2.495; P. 1858.287; Cons. d’Etat, 11 févr. 1876, Chem. de fer du Nord, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 153; 14 juill. 1876, Chem. de fer de Paris-Lyon-Méditerranée c. Espitalier, Ibid., p. 698).
Il doit en être de même ici. Aussi, après quelques hésitations, la jurisprudence s’est-elle ralliée à cette solution (V. Cons. d’Etat, 17 juill. 1861, Chartier c. Commune de Craon, S. 1862.2.239; P. chr.; 5 mars 1864, Cristofini, P. chr.; 30 août 1871, Marestang, S. 1871.2.188; P. chr.; 1er août 1873, Abadie, S. 1875.2.119; P. chr.; Trib. des conflits, 20 nov. 1880, Thuillier, S. 1882.3.18; P. chr.). On peut dire que la doctrine de son côté l’admet unanimement (V. MM. Aucoc, Ecole des communes, 1864, p. 37, et Confér. sur le dr. admin., t. II, n. 720; Ducrocq, op. cit., 6e éd., t. I, p. 297 et s., n. 325 et s.; Laferrière, Tr. de la jurid. admin., t. I, p. 510; Perriquet, Trav. publics, t. II, n. 868, p. 185; Christophe et Auger, Tr. théor. et prat. des trav. publ., t. II, p. 177 et s., n. 1932).
2° Mais, si la cession gratuite intervient avant l’acte déclaratif d’utilité publique, et si l’on ne peut plus invoquer la législation de la cession amiable, y a-t-il quelque autre principe dont on puisse faire découler la compétence judiciaire ?
C’est là le point précis de la question, celui qui est tranché par l’arrêt de Chargère (27 mai 1876, S. 1878.2.223; P. chr.), par. l’arrêt Guillaumin (30 juill. 1887, S. 1889.3.45; P. chr.), et par notre propre arrêt. Sur ce point, la jurisprudence administrative a été longtemps hésitante. Le Conseil d’Etat reconnaissait encore la compétence judiciaire dans un arrêt du 17 juillet 1861, Chartier (S. 1862. 2239; P. chr.), et le Tribunal des conflits la reconnaissait aussi dans sa décision du 11 janvier 1873, Damours (S. 1874.2.325; P. chr.). C’est l’arrêt de Chargère, du 27 mai 1876, précité, qui a provoqué un revirement dans le sens de la compétence administrative, revirement confirmé par l’arrêt Guillaumin, du 30 juillet 1887 précité. La Cour de cassation a maintenu énergiquement la compétence judiciaire dans l’arrêt du 18 janvier 1887 (S. 1887.1.53; P. 1887.1.120). Quant à la doctrine, elle est partagée. M. Ducrocq tient pour la compétence judiciaire (Cours de dr. administr., 6° edit., t. I, n. 325, p. 297 et s.) et on peut citer dans le même sens, MM. Perriquet (Tr. des travaux publics, t. II, n. 868, p. 184; Reverchon, Bulletin des tribunaux, 2 mars 1864; Chauveau, Journal de droit administratif, 1864, p. 332 et s.; Christophle et Auger, op. et loc. cit, in fine. Au contraire, Serrigny, Tr. de la compét. adm., t. II, n. 699, p. 195), et M. Aucoc (Ecole des communes, 1864, p. 37, et Confér. sur le dr. administr., 3° edit., t. II, n. 720), tiennent pour la compétence administrative. M. Laferrière se rallie aussi à cette opinion, quoique avec un certain regret (Tr. de la juridict. administr., t. I, p. 511).
On pourrait encore ici compliquer le problème en faisant remarquer que la même offre de concours peut contenir à la fois promesse de subvention en argent et cession gratuite de terrain, que, dans ces conditions, il serait bien difficile de diviser les compétences, et que c’est pour couper court a ces difficultés qu’il convient d’admettre dans tous les cas la compétence administrative.
Nous préférons nous placer en face d’une offre de concours qui ne contienne rien autre chose qu’une cession gratuite de terrain. Si nous ne trouvons pas de bonnes raisons pour écarter la compétence administrative dans ce cas-là, nous l’aurons justifiée du même coup pour les cas d’offres mixtes.
Le motif que l’on songe tout de suite à invoquer pour attribuer compétence aux tribunaux judiciaires, c’est que ces tribunaux sont gardiens de la propriété, et qu’il s’agit dans l’opération qui nous préoccupe d’une cession gratuite, c’est-à-dire d’un transfert de propriété.
Seulement, il faut faire attention et nous craignons bien qu’en y regardant de près, le motif ne s’évanouisse. Ce dont les tribunaux judiciaires sont gardiens, c’est du droit de propriété en lui-même; c’est-à-dire que toute contestation sur la propriété, sur la question de savoir qui est propriétaire d’un objet est de leur ressort. C’est ainsi que, si une question de propriété s’élevait, même entre l’Administration et un entrepreneur de travaux publics, le litige serait du ressort des tribunaux judiciaires (V. Cons. d’Etat, 7 août 1873, Chérel, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 851; 11 déc. 1880, Grandin, Ibid., p. 1005; et M. Laferriere, op. cit., t. II, p. 124).
Mais ici, il ne se pose pas une question de propriété, ou du moins on suppose qu’il ne s’en pose pas. Le sort de la propriété est réglé, puisqu’elle est transférée a l’Administration.
Il s’agit donc, non pas d’une question de propriété, mais des difficultés que peut soulever un acte translatif de propriété, ce qui n’est pas la même chose. On ne peut plus invoquer ici le principe que les tribunaux judiciaires sont gardiens de la propriété individuelle, puisque cette propriété est aliénée, et que le propriétaire ne peut plus réclamer que les droits qu’il a acquis en échange, c’est-à-dire que la compétence doit être déterminée, non pas par la nature du droit à sauvegarder, mais par l’opération même qui a été faite.
Et, ce qui est grave, c’est que cette opération, ce transfert de propriété, étant donné la voie dans laquelle on est entré pour les offres de concours, ce n’est pas sa nature qu’il faut considérer, mais uniquement sa destination.
Sans doute, si l’on s’en tenait à sa nature, ce serait une opération de personne privée et les tribunaux judiciaires seraient compétents: d’ordinaire, les personnes administratives, soit qu’elles achètent, soit qu’elles vendent, soit même qu’elles reçoivent des dons, font là des contrats privés (V. not. pour les communes, Cons. d’Etat, 17 juin 1887, Ville de Paris, S. 1889.3.30; P. chr.; Cass 14 nov. 1887, S. 1888.1.473;. P. 1888.1.1161, et la note). Mais le malheur est qu’il faut se placer au point de vue de la destination de l’opération.
Lorsque la jurisprudence sur les offres de concours s’est établie à l’occasion des promesses de subvention en argent, on se trouvait bien aussi en présence d’un contrat qui de sa nature est judiciaire; cependant, on a admis que cette convention serait de la compétence du conseil de préfecture parce qu’on s’est placé au point de vue de sa destination.
On est maintenant prisonnier de la logique, et le Tribunal des conflits a parfaitement raison, lorsqu’il vient dire que « la nature de l’objet offert n’en change point la destination ». Il vaut mieux reconnaître de bonne grâce que l’on se trouve en présence d’une conséquence extrême, mais déduite très logiquement, de toute une théorie sur le contentieux des travaux publics, qui, prise dans son ensemble, est acceptée de tout le monde.
Si la juridiction administrative a commis un empiétement, c’est le jour où, pour la première fois, elle est sortie de l’interprétation littérale de l’art. 4 de la loi de pluviôse an VIII, pour s’attacher a la conception rationnelle de l’opération de travaux publics, mais il y a longtemps que cela lui a été pardonné.