Dans son arrêt Centre hospitalier de Roanne du 6 mars 2015 (requête numéro 368520), le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’office du juge en cas de dommages causés par une infection nosocomiale.
Mme A… avait subi au centre hospitalier de Roanne une césarienne pratiquée en urgence en raison d’une hémorragie. Au cours de l’intervention, une plaie du colon transverse avait été occasionnée par le médecin accoucheur et prise en charge immédiatement avec la mise en place d’une colostomie. C’est à ce moment que la patiente a été infectée par des germes divers qui ont nécessité une antibiothérapie, ainsi que l’a révélé une reprise chirurgicale pratiquée ultérieurement.
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a fixé le cadre général de la responsabilité du fait des activités médicales et chirurgicales. L’article L. 1142-1 du Code de la santé publique pose le principe d’une responsabilité pour faute des professionnels de santé et des établissements de santé « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé » pour « les conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins ». Toutefois le même article précise que « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».
Devant les juges du fond, Mme A. s’était exclusivement fondée sur l’existence de fautes commises, selon elle, par les médecins. Dans un jugement du 27 mars 2012, le tribunal administratif de Lyon avait rejeté sa demande au motif que les médecins n’avaient pas commis de faute. En revanche, si la Cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé cette appréciation, elle avait estimé que le dommage était imputable à une infection nosocomiale engageant la responsabilité de l’hôpital.
On rappellera ici qu’un moyen tiré de l’existence d’un régime de responsabilité sans faute doit être soulevé d’office par le juge administratif (CE, 28 mars 1919, Régnault-Desroziers : RDP 1919 p. 239, concl. Corneille, note Jèze. – CE, 30 novembre 1923, Couitéas : S. 1923, 3, p. 57, concl. Rivet, note Hauriou. – CE, sect., 29 novembre 1974, Gevrey : Rec. p. 600, concl. M. Bertrand. – CE, 20 décembre 1974, Commune de Barjols : Rec. tables p. 1145 ; RDP 1975, p. 536). En conséquence, le Conseil d’Etat estime qu’il appartient au juge, lorsqu’il ressort des pièces du dossier qui lui est soumis que les conditions en sont remplies, de relever d’office le moyen tiré de la responsabilité de plein droit institué par l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique.
Avant l’entrée en vigueur du décret n° 92-77 du 22 janvier 1992, le juge constatait au vu du dossier l’existence d’un moyen d’ordre public et il le retenait sans même le communiquer aux parties (V. dans ce sens CE Ass., 12 octobre 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France : Rec. p. 370 ; CE 21 octobre 1981, Bienvenot, Rec. p. 383). Mais désormais, comme le précise l’article R. 611-7 du Code de justice administrative « Lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, la sous-section chargée de l’instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu’y fasse obstacle la clôture éventuelle de l’instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ». Il résulte de ces dispositions que le juge ne peut se fonder d’office sur l’existence d’un régime de responsabilité sans faute sans en avoir au préalable informé les parties. Dans l’hypothèse visée par l’article L. 1142-1 cela permettra à l’établissement, le cas échéant de faire valoir l’existence d’une cause étrangère. En conséquence, l’arrêt attaqué est annulé.