79. Des choix explicites de société. – Toute constitution décrit et définit les organes de l’Etat ainsi que l’agencement de leurs rapports. Certaines y ajoutent des indications sur le caractère et les finalités de l’action des pouvoirs publics. La Loi fondamentale appartient sans conteste à ce second groupe ; les choix de société y furent d’emblée particulièrement explicites et se sont progressivement affinés et précisés au fil d’un processus de sédimentation dont il est nécessaire d’avoir conscience pour comprendre certaines particularités ou apparentes lacunes.
La première couche de dispositions exprimant un choix de société reflète l’équilibre des forces lors du processus constituant initial ; il s’agit du plus grand commun dénominateur des deux partis dominants du conseil parlementaire de 1949. En réaction à l’Etat de non-droit du national-socialisme, le nouveau régime a démonstrativement placé la dignité de l’être humain au centre de la communauté sociale et choisi de bâtir une République démocratique et sociale sur un modèle fédéral. Exprimé aux articles 1 et 20, ce noyau essentiel est déclaré par l’article 79 III LF inaccessible à l’action du pouvoir constituant dérivé. Dans sa formulation initiale, le préambule assignait pour sa part des objectifs plus politiques que juridiques à l’action de l’Etat, ceux de la réunification et de l’entrée de l’Allemagne comme membre à part entière dans une Europe unie au service de la paix du monde. Rétrospectivement, deux silences peuvent étonner. Le premier concerne l’absence de choix d’un système économique : l’option de l’Etat « veilleur de nuit » a été délibérément écartée au bénéfice d’un Etat social, Etat providence ne répugnant pas à l’interventionisme et n’excluant pas la mise du sol, des ressources naturelles et des moyens de production sous un régime de propriété collective (art. 15 LF). Autre grand absent de l’article 20, l’Etat de droit : son heure viendra un peu plus tard, par emprunt à l’article 28 I LF, pour devenir la notion centrale du droit allemand contemporain.
La seconde couche de dispositions relatives aux choix de société suit presque immédiatement la première : elle est liée à la guerre froide et à l’affirmation de la spécificité de la République fédérale en face des régimes communistes et en particulier celui qui s’est établi dans l’autre partie de l’Allemagne, celle que l’on désignera longtemps comme la « zone d’occupation soviétique ». Un glissement sémantique révèle cette évolution : le nombre des occurrences de la notion d’ordre constitutionnel libéral et démocratique (freiheitliche demokratische Grundordnung) dans le texte de la Loi fondamentale augmente régulièrement jusqu’à la fin des années soixante. Mais c’est surtout qualitativement que la densité de la notion augmente par la définition qu’en donne la Cour constitutionnelle fédérale dans les deux décisions d’interdiction d’un parti d’extrême droite le 23 octobre 1952 (BVerfGE 2, 1 I, S.R.P.), puis d’extrême gauche le 17 août 1956 (BVerfGE 5, 85 I, K.P.D.) : « L’ordre constitutionnel libéral et démocratique peut être défini comme un ordre qui, excluant toute domination fondée sur la force et l’arbitraire, constitue un ordre de domination conforme à l’Etat de droit, s’appuyant sur la libre détermination du peuple suivant la volonté de chaque majorité, sur la liberté et sur l’égalité. Parmi les principes constitutifs de cet ordre, il faut compter au minimum : le respect des droits de l’être humain concrétisés dans la Loi fondamentale, notamment le droit de la personnalité à la vie et au libre épanouissement, la souveraineté du peuple, la division du pouvoir, la responsabilité du gouvernement, la légalité de l’action administrative, l’indépendance des tribunaux, le pluralisme des partis et l’égalité des chances pour tous les partis politiques, avec le droit de fonder et d’exercer une opposition constitutionnelle » (BVerfGE 2, 1 [12, 13] I). Peu de temps après cette décision, la Cour rattacha, au-delà de la lettre du texte constitutionnel, le principe de l’Etat de droit à un ensemble de dispositions, dont l’article 20 LF, lui conférant ainsi définitivement le rang de principe intangible au regard de l’article 79 III LF : « Le droit constitutionnel ne résulte pas seulement de dispositions isolées de la constitution écrite, mais aussi de certains principes généraux et idées directrices, qui les rassemblent et leur donnent cohérence interne, que le constituant n’a pas concrétisé dans une disposition particulière, car ils formaient l’image globale pré-constitutionnelle dont il s’est inspiré (…). Le principe d’Etat de droit fait partie de ces idées directrices ; ceci ressort de la perspective formée par l’ensemble des dispositions des articles 20 III sur la soumission de chacun des pouvoirs [à l’ordre constitutionnel], 1 III, 19 IV, 28 I 1 LF ainsi que de la conception globale de la Loi fondamentale » (BVerfGE 2, 380 [403] I).
A partir de là, les cinq principes centraux de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique sont définitivement en place. Une troisième couche de dispositions se développera plus tard, sous la forme de nouvelles finalités assignées à l’action de l’Etat : réaffirmation, cette fois dans le corps du texte constitutionnel, de l’objectif d’édification d’une Europe unie engagée dans la perspective ouverte par le traité de Maastricht (art. 23 I 1 LF), affirmation du rôle de l’Etat pour promouvoir la réalisation effective de l’égalité des sexes (art. 3 II 2 LF) ainsi que pour protéger l’environnement perçu comme l’ensemble des fondements naturels de la vie (art. 20a LF).
Section I – Les cinq principes constitutifs
80. Valeur et garantie. – Enoncés directement à l’article 20 I LF (« La République fédérale d’Allemagne est un Etat fédéral démocratique et social »), repris sous une forme peu différente à l’article 28 I comme principes communs de l’ordre constitutionnel des Etats membres, les cinq principes : République, démocratie, fédéralisme, Etat de droit, Etat social, sont considérés comme de véritables normes de droit positif, directement applicables et invocables. Même s’ils expriment un choix de société, ils n’ont pas une valeur simplement programmatique. Leur respect contribue tout autant à la légitimation de l’action de l’Etat et de ses organes qu’ils en fixent les limites.
Ces cinq principes sont soustraits à l’action du pouvoir constituant dérivé, sous le contrôle de la Cour constitutionnelle fédérale. Cette protection n’en fige toutefois pas le contenu ne varietur : l’article 79 III LF interdit de renoncer aux principes qui y sont mentionnés, mais il n’interdit pas au constituant de modifier des principes constitutionnels de base, pourvu que ce soit de manière immanente au système (BVerfGE 30, 1 [24] II, écoutes téléphoniques).
I | La République
81. Un principe profondément intériorisé. – La forme républicaine du gouvernement n’est plus contestée. Il n’est donc plus besoin d’une affirmation constitutionnelle forte, comme à l’époque de la République de Weimar (« Le Reich allemand est une République », art. 1 WRV). Il suffit que le terme apparaisse dans la dénomination même du pays à l’article 20 LF et plus explicitement comme principe commun à l’article 28 I 1 LF.
Au-delà de sa signification évidente de rejet de toute forme de monarchie, le terme ne semble avoir jamais été explicité par la jurisprudence constitutionnelle. A une époque récente, la doctrine a fait remarquer que l’étymologie renvoit à une certaine conception de la chose publique, de l’intérêt général, qui n’est pas sans rapport avec la conception libérale de l’Etat. La richesse et la fougue intellectuelle d’un auteur aussi éminent que J. Isensee ne peuvent masquer que les composantes principales de l’idée républicaine sont traditionnellement rattachées aux principes d’Etat de droit et de démocratie. Le fait qu’un parti populiste se soit emparé du mot pour sa dénomination crée une ambiguïté non propice à la poursuite de ces réflexions.
II | La démocratie
« Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire » (art. 20 II LF).
82. Le peuple source de légitimation. – Il « découle du principe démocratique que la décision issue de la volonté du peuple doit être à la base de toute construction étatique » (BVerfGE 1, 14 [41] II). « Dans une démocratie, la formation de la volonté politique doit aller dans le sens du peuple aux organes de l’Etat, et non dans le sens inverse des organes de l’Etat au peuple » (BVerfGE 20, 56 [99] II). La légitimation démocratique qu’impose la constitution exige qu’il existe une chaîne ininterrompue de légitimation entre le peuple et les organes et personnes chargés d’assumer les fonctions de l’Etat (BVerfGE 47, 253 II).
Le peuple dont il s’agit est le peuple allemand. Conséquence de l’histoire, la Loi fondamentale distingue les nationaux allemands et les Allemands au sens de la Loi fondamentale. Ce dernier groupe est défini par l’article 116 LF ; il intègre potentiellement toute personne possédant la nationalité allemande ou ayant été admise sur le territoire du Reich allemand tel qu’il existait au 31 décembre 1937, en qualité de réfugié ou d’expulsé appartenant au peuple allemand, ainsi que les conjoints et descendants de ce dernier groupe. Le même article 116 LF règle la réintégration dans la nationalité allemande des nationaux allemands déchus de leur nationalité entre 1933 et 1945 ainsi que leurs descendants. Pour le reste, la loi sur la nationalité allemande repose pour l’essentiel sur le principe du jus sanguinis.
Seuls les Allemands au sens de la Loi fondamentale peuvent participer aux élections aux organes d’Etat (BVerfGE 83, 37 et 60 II, vote des étrangers). La question du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales ayant fait l’objet d’une réponse négative de la Cour dans ses deux décisions du 31 octobre 1990 (voir nº 176). La modification constitutionnelle du 21 décembre 1992 a ouvert aux citoyens de l’Union le droit de vote aux élections dans les arrondissements et les communes (art. 28 I 3 LF). L’extension de ce droit aux référendums locaux est prévue dans certains Länder, mais reste controversée.
La décision « Maastricht » de la Cour constitutionnelle fédérale s’est longuement prononcée sur la participation du peuple allemand à la légitimation de l’Union (infra, chap. 6). Sans exclure l’éventualité que la légitimation démocratique des organes de l’Union puisse éventuellement un jour découler directement de l’existence d’un peuple européen, la Cour constate que la nature actuelle de l’Union, association d’Etats (Staatenverbund), impose encore de légitimer celle-ci selon le droit constitutionnel allemand contemporain par la volonté du peuple allemand exprimée par les lois d’approbation des traités et dans les limites du noyau intangible de l’article 79 III LF (BVerfGE 89, 155 II).
83. La démocratie représentative. – La jurisprudence de la Cour utilise l’expression de souveraineté du peuple (Volkssouveränität, BVerfGE 83, 60 [71] II) pour signifier que le peuple est source de toute légitimation. L’expression ne peut être reprise sans précaution en langue française, puisque le peuple dont il s’agit n’a certainement rien à voir avec celui de Jean-Jacques Rousseau. S’il fallait transcrire l’expression en français, il faudrait plutôt parler de souveraineté nationale, car la démocratie allemande d’aujourd’hui, ici encore en réaction à la République weimarienne, est délibérément représentative. Accessoirement, cette traduction linguistiquement insoutenable aurait le mérite de souligner qu’en cette fin de siècle, c’est bien le concept français de « nation », et non celui de « peuple » qui est le meilleur équivalent fonctionnel du « Volk ».
Le caractère strictement représentatif de la démocratie allemande n’apparaît pas à l’article 20 II 2 LF : « Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations ». Au niveau fédéral, la participation directe du peuple n’est envisagée qu’aux articles 29, 118, 118a et 146 LF. L’article 29 règle minutieusement la restructuration du territoire fédéral. Il n’a jamais été mis en oeuvre. L’article 118a prévoyait une restructuration de l’espace Berlin-Brandebourg pour mieux intégrer la future capitale dans la région qui l’entoure ; l’échec de la consultation électorale du printemps 1996 risque de renforcer les préventions à l’égard du référendum. Quant à l’article 146 qui prévoit une approbation référendaire pour la constitution de l’Allemagne réunifiée, force est de constater que l’on s’est bien gardé d’en faire usage après la réunification. Au sein de la commission de révision commune au Bundestag et au Bundesrat qui a fonctionné au début des années 90, la majorité (CDU/CSU et FDP) s’est prononcée en faveur du maintien du statu quo et du non élargissement du recours aux formules de démocratie directe.
La situation est plus ouverte au niveau des Länder et de leurs collectivités locales. Certes le principe d’homogénéité de l’article 28 I LF (voir nº 88) conduit à privilégier à ce niveau aussi le principe représentatif. Mais rien n’interdit cependant aux Länder d’introduire des éléments de démocratie directe dans leurs constitutions ou dans leur législation des collectivités locales ; quatorze constitutions de Länder prévoient des référendums.
84. Formation de la volonté politique du peuple ; élections. – « La seule voie correcte de formation de la volonté de l’Etat est la permanente confrontation intellectuelle entre les forces et intérêts sociaux en présence, entre les idées politiques et donc entre les partis politiques qui les représentent » (BVerfGE 5, 85 [135] I, K.P.D.). La libre formation de la volonté politique comporte des exigences multiples, et en particulier que l’Etat n’intervienne pas de manière déterminante dans la formation de cette volonté : la liberté d’expression, la liberté de la presse, l’indépendance de la radio et de la télévision, la liberté des associations, groupements et groupes sont des conditions constitutives d’une société démocratique ; le gouvernement peut informer et expliquer son action, mais il ne peut pas faire de la propagande partisane ou électorale (BVerfGE 44, 125 [147 et s.] II).
Les articles 38 I 1 et 28 I 2 LF fixent de façon semblable les principes fondamentaux du suffrage pour les élections au Bundestag et dans les Länder : le suffrage est universel, direct, libre, secret et égal. L’exigence d’égalité signifie que chaque voix compte de manière égale ; elle signifie aussi que chaque suffrage doit pouvoir être déterminant pour le résultat du scrutin, sauf les différenciations indispensables (BVerfGE 1, 208 [246 et s.] II). La Loi fondamentale ne prescrit pas le choix d’un système électoral particulier (BVerfGE 6, 104 [111] II) ; la Cour constitutionnelle a simplement constaté la constitutionnalité du système proportionnel personnalisé (BVerfGE 21, 355 II, voir nº 19) et laissé au législateur le soin de fixer éventuellement un pourcentage minimum de voix pour participer à la répartition des sièges (BVerfGE 1, 208 [241 et s.] II), sauf à rappeler qu’il faut tenir compte des situations concrètes, par exemple de la spécificité des premières élections au Bundestag après la réunification (BVerfGE 82, 322 II, voir nº 10).
85. Une démocratie fondée sur des partis. – Avec l’article 21 I LF, les partis politiques ont fait leur entrée officielle dans le droit constitutionnel allemand : « Les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur fondation est libre. Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance et de l’emploi de leurs ressources ainsi que de leurs biens ».
La qualification plus précise de l’insertion des partis dans le système constitutionnel a évolué au fil de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. A l’origine, et sous l’influence de G. Leibholz, la tendance a été indéniablement d’y voir, à la différence d’autres organisations sociales, des éléments internes à la vie constitutionnelle (« in dessen innerem Bereich« , BVerfGE 1, 208 [225, 227] II), « au rang d’une institution de droit constitutionnel » (BVerfGE 2, 1 [73] I). L’analyse s’est inversée en 1966, sous l’influence de K. Hesse : « Les partis ne sont pas des organes suprêmes de l’Etat (…) mais des groupes librement constitués et enracinés dans le secteur socio-politique » (BVerfGE 20, 56 [100,101] II). Par suite de cette redéfinition, les partis sont des groupements de droit privé ; ils peuvent donc défendre leurs droits constitutionnels non seulement dans le cadre des litiges interorganes (BVerfGE 4, 375 [378] II), mais aussi, nonobstant les réserves initiales, leurs droits fondamentaux comme tout un chacun (wie jedermann) par la voie du recours constitutionnel (BVerfGE 84, 290 [299] II).
Les principes de pluralisme et de liberté de constitution impliquent logiquement l’égalité des chances des partis, avec les gradations tenant compte de leur importance (BVerfGE 24, 300 [354, 355] II), qu’il s’agisse de l’utilisation de salles publiques ou de l’attribution de temps d’antenne (BVerfGE 14, 121 II). Longtemps rejetée au nom de l’indépendance des partis, ou limitée au remboursement des frais de campagne (BVerfGE 20, 56 [116 et s.] II), l’idée d’une aide publique à leur financement s’est progressivement imposée ; cette aide a d’abord été admise indirectement, au travers de la déductibilité fiscale des dons y compris anonymes (BVerfGE 24, 300 [356] II) ou à travers le financement des grandes fondations liées à chacun des grands partis (BVerfGE 73,1 [38] II) : CDU/ fondation Konrad Adenauer, CSU/ fondation Hanns Seidel, FDP/ fondation Friedrich Naumann, SPD/ fondation Friedrich Ebert) ; dans sa sixième décision sur le financement des partis, le 9 avril 1992, la Cour constitutionnelle fédérale a explicitement renversé sa jurisprudence et admis la constitutionnalité d’un financement public de l’activité générale des partis, aussi longtemps que ce financement ne dépasse pas le montant des fonds collectés par chaque parti auprès de ses membres et des citoyens qui lui sont proches (BVerfGE 85, 264 II).
Le contrôle du caractère démocratique du fonctionnement interne des partis (art. 21 I 3 LF) n’a guère fait l’objet de jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale ; en revanche, il est arrivé que cette disposition débouche sur l’annulation d’élections au niveau des Länder (Tribunal constitutionnel de Hambourg, 4 mai 1993).
III | Le fédéralisme
86. Le choix d’une structure fédérale. – Dans sa dénomination même, la République fédérale d’Allemagne se définit comme un Etat à structure fédérale, ce qui signifie que coexistent sur son territoire dix-sept (16+1) Etats et constitutions. Historiquement, le choix de cette structuration à égale distance de l’Etat unitaire et de la confédération a été effectué en 1871 pour souligner le particularisme des Etats membres du Reich bismarckien ; la pratique est allée dans le sens d’une unitarisation de plus en plus sensible de la monarchie constitutionnelle jusqu’en 1918. Malgré le choix unitaire de l’avant-projet du ministre de l’intérieur Hugo Preuß, la constitution de Weimar entrée en vigueur le 14 août 1919 a conservé une structure fédérale, même si celle-ci n’associait plus des Etats (Staaten) comme en 1871, mais des Länder, dénomination encore inconnue des lexiques du début du siècle et évoquant plus une circonscription régionale qu’un Etat souverain. Ces Länder furent de facto supprimés par les lois du 30 mars et 7 avril 1933 sur la « mise au pas » (Gleichschaltung) des Länder, avant de l’être officiellement par la loi du 30 janvier 1934, un an jour pour jour après la nomination d’Hitler comme chancelier du Reich.
Le retour au fédéralisme en 1949 s’explique par la conjonction de plusieurs raisons : le fait que c’est au niveau des zones d’occupation que se reconstituèrent les premières structures politiques de l’après-guerre, le caractère symbolique du retour à la structure d’avant 1933, la volonté des alliés occidentaux et l’idée que la structure fédérale se prêtait à la réalisation par étapes de la réunification du pays. Au-delà de ces raisons parcellaires, le choix du fédéralisme était aussi le choix d’une structure anti-totalitaire de division du pouvoir, non pas seulement au sens traditionnel de la division horizontale dont la montée en puissance des exécutifs dans la première moitié du siècle avait montré les limites, mais au sens redécouvert d’une division verticale.
Cette organisation fédérale est triplement protégée par l’article 79 III LF : d’abord par l’interdiction de toucher à l’organisation de la Fédération en Länder, ensuite par la garantie de la participation des Länder à la législation fédérale, enfin par la présence du fédéralisme parmi les principes intangibles de l’article 20 LF.
A / Les caractéristiques du fédéralisme allemand
87. La coexistence de deux niveaux constitutionnels. – Divers modèles ont été proposés par la doctrine dans les premières années de la République fédérale pour rendre compte de l’imbrication des systèmes étatiques dans un Etat à structure fédérale. Hans Nawiasky proposa en particulier un modèle tripolaire qui, pour souligner l’égale qualité étatique de la Fédération et des Länder, postulait l’existence d’une entité englobant l’une et les autres, un Etat global (Gesamtstaat), à savoir la République fédérale. Ce modèle complexe a été rejeté par la Cour constitutionnelle fédérale (BVerfGE 13, 54 [77] II) au profit d’une structure duale opposant simplement les Etat membres (Gliedstaat) à un Etat global (Gesamtstaat) qui n’est alors autre que la Fédération : « Ce qui est caractéristique de l’Etat fédéral, c’est que l’Etat global a la qualité d’Etat et que les Etats membres ont la qualité d’Etat (BVerfGE 36, 342 [360] II).
Les Länder ont la qualité d’Etat, à titre originaire ; « Même réduit dans ses objets, il ne s’agit pas d’un pouvoir souverain dérivé de la Fédération, mais d’un pouvoir souverain reconnu par elle » (BVerfGE 1, 14 [34] II). La Fédération et chaque Land disposent de constitutions propres, coexistant les unes à côté des autres (BVerfGE 4, 178 [189] I). Les Länder s’organisent comme ils le désirent, sous réserve du respect de l’homogénéité imposée par l’article 28 I LF (BVerfGE 36, 342 [360 et s.] II) ; ainsi, leur quasi-totalité a pu faire option pour le monocamérisme, et la Bavière adopter une structure bicamérale. Chacun des Länder garantit le contrôle du respect de sa constitution et leurs juridictions constitutionnelles opèrent un contrôle autre que celui de la Cour constitutionnelle fédérale, qui utilise un autre texte constitutionnel de référence (voir nº 63).
La qualité d’Etat des Länder trouve ses limites dans le domaine des relations internationales, du fait de leur insertion dans l’Etat global dont la Fédération a la charge comme le rappelle à deux reprises le nouvel article 23 LF : « La responsabilité de la Fédération pour l’Etat global doit être préservée » (art. 23 V 2, VI 2 LF). Il est admis en droit international que le droit constitutionnel d’un Etat à structure fédérale peut reconnaître le jus contrahendi de ses Etat fédérés, mais qu’en revanche seule la mise en cause de l’Etat fédéral est internationalement possible. Sur premier point, le jus contrahendi des Länder est constitutionnellement reconnu dans les domaines où ils disposent de la compétence législative ; nous verrons (chap. 6) qu’il est soumis à l’approbation du gouvernement fédéral et que l’admission constitutionnelle du treaty making power des Länder par l’article 32 III LF peut très bien se conjuguer avec des pratiques praeter legem d’évacuation de cette compétence. La Loi fondamentale est muette sur les conséquences internes d’un éventuel engagement de la responsabilité internationale de la Fédération pour un dommage causé par un Land et à elle imputé ; l’obligation de bon comportement fédératif pourrait ici trouver à s’appliquer.
88. L’articulation entre la Loi fondamentale et l’ordre constitutionnel des Länder. – La Loi fondamentale s’impose à tous les organes d’Etat. « La Fédération et les Länder ont la commune obligation de préserver et établir l’ordre fondamental dans toutes les parties et à tous les niveaux de l’Etat global. Si la Fédération ne peut s’en charger directement, mais est tributaire du concours du Land, celui-ci est tenu de l’apporter » (BVerfGE 8 122 [138] II).
L’ordre constitutionnel dans les Länder doit être conforme aux principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel fédéral, ceux d’un Etat de droit républicain, démocratique et social au sens de la Loi fondamentale (principe d’homogénéité : art. : 28 I 1 LF). Cette obligation ne fait pas obstacle à la liberté d’aménagement de ces principes par les Länder (BVerfGE 60, 175 [207 et s.] II, piste ouest de l’aéroport de Francfort).
En cas de contrariété, de collision matérielle entre droit fédéral et droit de Land, et dans la mesure où le parallélisme des compétences et l’identité d’objet des deux normes seraient certains, l’article 31 LF pose en trois mots un principe lapidaire : « Droit fédéral brise droit de Land ». La Cour constitutionnelle n’a eu à se prononcer à ce jour que sur des mesures constitutionnelles identiques ; dans ce cas, il n’y a pas lieu d’appliquer le principe de primauté (BVerfGE 36, 342 [365 et s.] II).
Une partie de la doctrine veut voir dans le principe de subsidiarité (Subsidiaritätsprinzip) le principe général d’explication du fédéralisme allemand. Il est vrai que l’idée de subsidiarité rend compte en particulier du contenu de l’article 30 LF relatif à la répartition générale des compétences entre la Fédération et les Länder : l’exercice des prérogatives étatiques et l’accomplissement des missions de l’Etat relèvent des Länder, à moins que la Loi fondamentale n’en dispose autrement ou n’admette un autre règlement. Ceci dit, le principe de subsidiarité issu de la doctrine sociale de l’Eglise a une portée qui ne se limite pas aux rapports entre les deux niveaux de la structure fédérale. Il devrait tout autant caractériser les relations entre la société civile et l’Etat, ou celles de l’ensemble des collectivités publiques, locales ou étatiques. Dans ce sens-là, la Loi fondamentale ignore le principe de subsidiarité : l’ignorance est délibérée, puisque le point a été expressément discuté au convent de Herrenchiemsee. La jurisprudence constitutionnelle ne l’a logiquement jamais utilisé dans un contexte de structuration des pouvoirs publics. Il est vrai que le terme a été introduit le 21 décembre 1992 à l’article 23 I 1 LF pour caractériser le type d’Union européenne à l’édification de laquelle l’Allemagne est appelée à concourir ; il s’agit donc d’un écho du principe appelé à régir les rapports entre l’Union et les Etats membres tel que défini notamment par le Conseil des Ministres à Edimbourg à la même époque ; la formulation un peu contournée de l’article 23 I 1 LF ne permet toutefois pas d’y voir une reconnaissance à titre de principe d’organisation du droit public allemand.
Il n’en va pas de même du principe de bon comportement fédératif (Bundestreue ou bundesfreundliches Verhalten), selon lequel l’ensemble des participants à l’alliance constitutionnelle sont tenus de conjuguer leurs efforts conformément à la nature de cette alliance, de contribuer à son affermissement et à la défense de ses intérêts et des intérêts bien compris de ses membres (BVerfGE 1, 299 [315] II). Même s’il s’agit d’une obligation « accessoire » du fédéralisme (BVerfGE 42, 103 [117] II), elle entraîne des conséquences et surtout des obligations de comportement aussi bien à la charge de la Fédération qu’à la charge des Länder, y compris dans les rapports mutuels de ces derniers (jurisprudence constante, jusqu’à BVerfGE 92, 203 [234] II).
89. Le nombre des Länder. – La Loi fondamentale a toujours énuméré dans son préambule les Länder qui y participent. Elle n’en garantit ni le nombre, ni leurs frontières. L’article 118 LF avait prévu le regroupement des Länder du sud-ouest ; c’est ainsi que le Land de Bade-Wurtemberg a été créé par une loi fédérale du 4 mai 1951. En revanche la restructuration des Länder de Berlin et Brandebourg (art. 5 du traité d’Union et art. 118a LF) n’a pu être réalisée. Mais là ne s’arrêtent pas les possibilités de restructuration du territoire fédéral. L’article 29 LF dans sa version primitive faisait même obligation de restructurer le territoire fédéral pour améliorer l’efficacité de leur action. En dépit des plans de restructuration établis au cours des années soixante, l’idée s’est heurtée d’une part à l’inertie des Länder qui, pour artificiels qu’ils aient été aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est à l’exception notable de la Bavière et des villes hanséatiques de Hambourg et Brême, ont progressivement acquis une forte conscience de leur identité ; d’autre part, l’inévitable incidence de restructurations radicales sur le décompte des voix au Bundesrat rend tout projet politiquement explosif. La trente-troisième modification (23 août 1976) a pris acte de ces obstacles en remplaçant l’obligation de restructuration par une simple possibilité (Kann-Vorschrift). Le niveau contemporain d’endettement de certains Länder (au-delà de 10.000,- DM par tête) fait cependant périodiquement ressurgir l’idée d’une restructuration, du moins chez les Länder contributeurs du système de péréquation financière.
B / La répartition des compétences
90. La répartition des compétences législatives. – Au-delà de la règle générale de l’article 30, l’article 70 LF dispose que les Länder ont le droit de légiférer dans les cas où la Loi fondamentale ne confie pas à la Fédération des pouvoirs de législation. Malgré les apparences, les possibilités de législation des Länder sont néanmoins très limitées ; la Loi fondamentale envisage en effet trois cas de figure qui ont tous pour effet d’ouvrir à des degrés divers la compétence législative de la Fédération, en sorte que les domaines de véritable autonomie des Länder se sont réduits comme une peau de chagrin et ne concernent plus guère que l’enseignement scolaire (et universitaire dans une mesure limitée), le droit des collectivités locales, le développement économique régional, la police et les affaires culturelles.
a/ Dans le secteur dit de la compétence législative exclusive de la Fédération, les Länder n’ont le droit de légiférer que si une loi fédérale les y autorise expressément et dans la mesure prévue par cette loi (art. 71 LF). Les matières ainsi concernées sont énumérées aux articles 73 et 105 I LF. Il s’agit par exemple des affaires étrangères et de la défense, de la monnaie, des postes et télécommunications, des douanes et monopoles fiscaux. Il faut ajouter aux matières cataloguées dans ces deux articles tous les cas où la Loi fondamentale prévoit spécialement l’intervention d’une loi fédérale, avec ou sans l’approbation du Bundesrat (« Les modalités sont réglées par une loi fédérale, … »), ainsi que ceux où la Cour constitutionnelle a admis sans texte une compétence législative fédérale, soit par la nature des choses (par ex. : mise en place des conditions de la réunification : BVerfGE 84, 133 [148] I), soit pour des raisons de connexité (par ex. fixation des redevances pour la délivrance d’actes authentiques par les tribunaux : BVerfGE 11, 192 [199] I).
b/ Dans le secteur dit de la compétence législative concurrente, les Länder peuvent légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération n’a pas fait usage de sa compétence législative (art. 72 LF). L’alinéa 2 de la même disposition ouvre depuis 1994 cette possibilité pour la Fédération d’évincer la compétence législative des Länder « lorsque et pour autant que la réalisation de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou la sauvegarde de l’unité juridique ou économique dans l’intérêt de l’Etat global rendent nécessaire une réglementation législative fédérale ». La formulation antérieure était encore plus favorable à la Fédération, et le législateur fédéral a effectivement fait un usage intensif de cette possibilité. La Cour constitutionnelle fédérale n’y fit pas obstacle, estimant que la constatation d’un besoin de réglementation uniforme par le législateur fédéral constituait une décision préliminaire de nature politique que la Cour ne pouvait que respecter (BVerfGE 26, 338 [382 et s.] II) ; la notion de sauvegarde de l’unité juridique ou économique est un concept juridique trop indéterminé pour permettre plus qu’un contrôle de l’interprétation du concept par la Cour (BVerfGE 13, 230 [233 et s.] I). La réforme de 1994 exige désormais une nécessité (Erforderlichkeit) et non plus un besoin (Bedürfnis) : sera-ce suffisant pour inciter la Cour à intensifier son contrôle ? Elle pourra y être incitée par l’article 93 I nº 2a LF (voir nº 72). Dans l’état actuel de la jurisprudence, l’intervention du législateur fédéral bloque (« Sperrwirkung« ) la possibilité pour les Länder de légiférer, au plus tard à partir de l’adoption de la loi fédérale (BVerfGE 77, 308 [330] I). Cet effet de cliquet n’est pas supprimé par la nouvelle formulation de l’article 72 II LF, mais mieux défini ratione temporis et ratione materiae, en sorte qu’il pourrait être atténué par un contrôle plus intense de la Cour et sous la pression des Länder.
Sans examiner en détail les deux catalogues de matières relevant de la compétence législative concurrente, on remarquera qu’en dehors d’un léger coup d’arrêt en 1994, ils n’ont cessé d’être étendus depuis 1959 et contiennent respectivement trente (art. 74 LF) et quatre (art. 74a LF) domaines.
c/ Le secteur dit de la législation-cadre (Rahmengesetzgebung) est en fait un cas particulier de la compétence concurrente, en ce sens qu’il s’agit de domaines dans lesquels la Fédération et les Länder peuvent légiférer, la Fédération pouvant intervenir pour fixer un cadre dans les mêmes conditions que pour la législation concurrente, à savoir lorsque et pour autant que la réalisation de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou la sauvegarde de l’unité juridique ou économique dans l’intérêt de l’Etat global rendent nécessaire une telle activité législative cadre (art. 75 I LF). A partir du moment où la Fédération a adopté une loi-cadre, la compétence législative des Länder doit se déployer dans le cadre établi par la Fédération et dans un délai raisonnable fixé par la loi-cadre (art. 75 III LF). La Cour constitutionnelle a défini la notion de cadre, en insistant sur le fait qu’il doit rester de la place pour une réglementation d’importance substantielle par les Länder (BVerfGE 4, 115 [129] II). Un point particulièrement controversé a été celui de la possibilité d’introduire dans une loi-cadre, à côté de dispositions véritablement cadres, également des dispositions précises et directement applicables sans intervention supplémentaire des Länder. La Cour constitutionnelle fédérale n’y a pas vu d’inconvénient, « lorsque qu’il existe un intérêt particulièrement fort et légitime » et dans la mesure où, au-delà de ces dispositions particulières, l’ensemble du texte laisse encore une marge que les Länder peuvent remplir à leur convenance (par ex. : BVerfGE 43, 291 [343] I, numerus clausus). La révision constitutionnelle du 27 octobre 1994 a en ce domaine également essayé d’inverser la tendance, en prévoyant que des dispositions-cadres ne peuvent qu’exceptionnellement contenir des règles allant dans le détail ou directement applicables (art. 75 II LF). Le resserrement du contrôle sur l’usage par la Fédération de la compétence de législation concurrente devrait rejaillir sur la législation-cadre (application de l’art. 75 I 2 LF).
En dehors du statut général de la presse, la Fédération a utilisé sa compétence de législation-cadre dans l’ensemble des autres domaines prévus par l’article 75 : loi-cadre sur la fonction publique (BRRG), loi-cadre sur l’enseignement supérieur (HRG), loi-cadre sur la chasse (BJagdG), loi-cadre sur la protection de la nature (BNatSchG), loi-cadre sur l’aménagement du territoire (ROG), loi-cadre sur le régime des eaux (WHG), loi-cadre sur les cartes d’identité (PAuswG), loi-cadre sur l’enregistrement des domiciles (MRRG). La loi sur la protection du patrimoine culturel allemand contre son départ à l’étranger est passée en 1994 de la compétence concurrente à celle de la législation-cadre, sans changement de contenu (application de l’art. 125a II 3 LF).
91. La répartition des compétences administratives. – Dans un système fédéral, on peut partir en première approximation de l’hypothèse qu’il existe au moins deux types d’administrations, les unes relevant de la Fédération et les autres de chacun des Länder (réservons pour plus tard l’hypothèse de l’existence d’une administration mixte). La question de la répartition des compétences administratives est donc celle de la ventilation des compétences entre les administrations de la Fédération et celle des Länder. La réponse ne peut être aussi simple que celle de la répartition des compétences législatives, car si l’activité de législation est homogène, celle de l’administration l’est beaucoup moins. Sans envisager à ce stade la question de la définition de l’administration en droit public allemand (la question est traitée au chap. 7), il est possible de distinguer les activités administratives liées à l’exécution d’une loi de celles qui ne le sont pas. On imagine aisément que l’attribution des compétences administratives liées à l’exécution de la loi puisse dépendre plus ou moins du système de répartition des compétences législatives ; un tel repère manque s’agissant des activités non liées à l’exécution de la loi.
Pour abstrait qu’il puisse paraître à première vue, ce cadrage théorique est indispensable car deux dispositions constitutionnelles de base en font usage. L’article 83 LF fait référence à l’exécution des lois, en focalisant d’ailleurs l’attention sur l’exécution des lois fédérales, ce qui est logique s’agissant de la constitution fédérale : sauf exception, l’exécution des lois fédérales y est confiée aux Länder à titre de compétence propre. L’article 30 LF se présente comme une loi générale de répartition des compétences pour l’exercice des pouvoirs étatiques et l’accomplissement des missions de nature étatique : sauf exception, il confie également ces tâches aux Länder. La coexistence des deux dispositions entraîne en matière administrative que le système de l’article 30 LF s’applique aux tâches d’administration non liées à l’exécution des lois (« nicht-gesetzesakzessorische Verwaltung« ) alors que celui de l’article 83 LF s’applique aux tâches d’administration que l’on peut qualifier d’accessoires à la loi (« gesetzesakzessorische Verwaltung« ).
En pratique, les choses ne sont pas tout à fait aussi simples : bien que l’article 83 ouvre une série d’articles consacrés à l’exécution des lois fédérales, la section VIII de la Loi fondamentale contient également à partir de l’article 87 LF des dispositions relatives à des administrations fédérales (activités et institutions) non directement liées à l’exécution de la loi.
Qui est alors compétent pour la prise en charge de tâches d’administration non directement liées à l’exécution des lois ? La manière dont la Cour constitutionnelle aborde cette question est parfaitement illustrée par son jugement du 28 février 1961 sur la compétence de la Fédération pour créer sous forme d’une Sarl lui appartenant un émetteur de télévision (BVerfGE 12, 205 II, première décision sur la télévision) :
1.l’activité d’émission de télévision est (à l’époque !) une mission publique, et l’Etat exerce donc une activité d’administration publique (p. 246) ;
2.cette activité n’est pas une activité d’exécution de la loi ; elle peut en principe aussi bien relever de l’article 30 que du titre VIII et en particulier des articles 87 à 90 LF (p. 246, 247) ;
3.l’article 83 (exécution de la loi) n’exclut pas une compétence des Länder au titre de l’article 30 LF pour une activité qui ne relève pas de l’exécution de la loi (p. 247, 248) ;
4.par ailleurs, aucune autre disposition de la Loi fondamentale ne permet de rattacher la création d’une société de télévision à une compétence administrative de la Fédération, ni explicitement par exemple au titre des compétences en matière de postes, ni implicitement, par exemple en raison de la nature supra-régionale des ondes hertziennes (p. 249, 250) ;
5.la création de la société de télévision doit donc être jugée au regard du seul article 30 : elle est contraire à cet article 30, éclairé par les dispositions des articles 83 et s. LF (p. 253).
S’agissant des tâches d’administration liées à l’exécution d’une loi, le système de répartition des compétences est le suivant :
1. »Pour l’exécution d’une loi de Land, les autorités administratives des Länder sont les seules compétentes (…). L’exécution de lois de Land par des autorités fédérales est absolument exclue » (BVerfGE 21, 312 [325 et s] II).
2.La compétence de principe des administrations des Länder pour mettre en oeuvre des lois fédérales à titre de compétence propre est développée par l’article 84 LF. Elle ne permet pas à la Fédération de s’immiscer dans l’organisation de la procédure administrative des Länder, sauf loi fédérale approuvée par le Bundesrat (art. 84 I LF). Le gouvernement fédéral peut avec l’approbation du Bundesrat édicter des prescriptions administratives générales (Verwaltungsvorschriften, voir nº 149). Le contrôle de l’exécution est un contrôle de légalité.
3.L’article 85 LF prévoit la catégorie de l’exécution de la loi fédérale par délégation de la Fédération dans les cas prévus par la Loi fondamentale (une dizaine environ) ; la Fédération dispose alors d’un véritable pouvoir d’instruction.
4.Enfin, les lois fédérales peuvent être exécutées par des autorités administratives propres à la Fédération (art. 86 LF).
Les articles 87 et suivants définissent les institutions administratives fédérales, indépendamment du critère d’exécution des lois.
La complexité des règles de répartition des compétences, tant législatives qu’administratives, conduit à s’interroger sur la possibilité de formes d’administrations mixtes (voir nº 162). Après avoir absolument banni cette hypothèse, la Cour constitutionnelle fédérale n’exclut plus aujourd’hui une certaine perméabilité, aussi longtemps que le principe est maintenu de « l’accomplissement des tâches sous la responsabilité propre » de l’autorité constitutionnelle compétente (BVerfGE 63, 1 [40 et s.] II).
92. Le balancier de la coopération. – Le fédéralisme allemand a été longtemps caractérisé par des pratiques de coopération désignées par des expressions imagées comme celle du « fédéralisme coopératif » ou celle encore plus troublante de « l’Etat fédéral unitaire » (Konrad Hesse). On peut distinguer deux grands types de coopération :
-Le premier type est celui de la coopération institutionnalisée entre les Länder, par exemple entre les ministres-présidents, les ministres de l’Education ou ceux de l’Intérieur ; l’Office central de répartition des places dans l’enseignement supérieur ou la deuxième chaîne de télévision en fournissent d’autres exemples.
-Le second type est celui de la coopération associant les Länder à la Fédération, coopération dont la nature constitutionnelle est plus ou moins facile à analyser. Ce type de coopération a débouché sur l’introduction le 12 mai 1969 de la catégorie des tâches communes aux articles 91a et 91b LF (voir nº 163).
L’efficacité de ces coopérations ne doit pas inciter l’observateur étranger à considérer qu’en fin de compte, tout se passe comme … dans un pays unitaire, et qu’il suffit pour régler un problème avec les autorités publiques allemandes de s’adresser aujourd’hui encore à Bonn, demain à Berlin ! D’autant plus que les divergences profondes d’intérêts ressurgissent très vite derrière les pratiques de coopération : conflits entre les Länder et la Fédération, conflits aussi entre les Länder, encore aggravés par les différences de potentiel économique et l’expérience inédite de la crise économique sur fond de réunification et d’intégration européenne. Le mouvement de balancier qui a naguère favorisé l’institutionnalisation de la coopération des Länder entre eux et avec la Fédération a perdu de sa puissance. Les mécanismes subsistent, mais l’esprit a changé. L’ambiguïté des rapports triangulaires entre les Länder, la Fédération et l’Union européenne révèle une remontée en puissance des Länder dont on ne peut évaluer les conséquences sur l’avenir du fédéralisme allemand.
IV | Le principe d’Etat de droit
93. Une vision d’ensemble de la vie constitutionnelle. – Bien au-delà de l’image étriquée de la hiérarchie des normes et de l’obéissance à la loi à laquelle on le ramène volontiers en France, l’Etat de droit exprime en Allemagne une vision d’ensemble de la vie constitutionnelle. La doctrine en distingue les éléments formels et les éléments matériels. La distinction n’est pas reprise par la Cour constitutionnelle, mais elle présente d’indéniables vertus didactiques.
L’Etat de droit formel, c’est un « système de techniques juridiques qui permettent d’assurer la garantie de la liberté légale » (Forsthoff). A ce titre, l’Etat de droit implique la séparation des pouvoirs, la légalité et la garantie procédurale de la protection des droits par le juge. Pour Carl Schmitt, le principe d’Etat de droit ainsi entendu a un contenu indifférent et est donc finalement apolitique ; sa mise en oeuvre s’accomode aussi bien d’une forme de gouvernement républicain que monarchique.
C’est cette indifférence au contenu qui paraît inacceptable à la doctrine contemporaine, qui considère que l’Etat de droit implique en outre la soumission de la puissance publique à certains principes et valeurs juridiques supérieurs, donc finalement une compréhension dynamique incluant les droits fondamentaux et une certaine idée de la justice : interdiction de l’excès dans l’action de l’Etat, clarté et prévisibilité des règles de droit, respect de la confiance légitime des individus. Telle est bien aussi la conception de l’Etat de droit par la Cour constitutionnelle, lorsqu’elle insiste non seulement sur la prévisibilité de l’action des organes de l’Etat, mais « également sur la sécurité juridique et la rectitude matérielle ou la justice » (BVerfGE 7, 89 [92] I).
94. La séparation des pouvoirs. – Figure classique de l’Etat de droit, opposée dès les XVIIIº et XIXº siècles aux conceptions de l’Etat féodal et de l’Etat de police, la séparation des pouvoirs est inscrite à l’article 20 II 2 LF qui dispose que le peuple exerce le pouvoir d’Etat au moyen d’élections et de votations, mais aussi « par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ». Cette division des pouvoirs est l’un des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique (BVerfGE 2, 1 [13] I S.R.P.). « La Loi fondamentale veut la répartition du pouvoir, leur imbrication mutuelle et la modération de la puissance d’Etat qui en découle (…). La structure constitutionnelle de la Loi fondamentale ne consiste pas en une séparation absolue, mais en contrôles, freins et modération mutuels (…). Aucun pouvoir ne peut exercer sur un autre une suprématie non prévue par la constitution » (BVerfGE 34, 52 [59] II).
95. « Le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel, les pouvoirs législatif et judiciaire sont liés par la loi et le droit » (art. 20 III LF). – Par la mention des trois pouvoirs, cette disposition exprime la soumission de l’ensemble des organes publics au respect des droits fondamentaux.
a/ La soumission du législateur à l’ordre constitutionnel irrigue toute l’action de la puissance publique. Bien qu’exprimant la volonté du peuple, le législateur est soumis à un ordre constitutionnel dont il ne maîtrise pas l’interprétation : « L’interprétation authentique de la constitution lui est interdite. Si une loi tente de préciser le contenu d’un droit fondamental avec ses mots à elle, elle le fait au risque que cette tentative d’interprétation soit déclarée contraire à la constitution » (BVerfGE 12, 45 [53] I).
b/ La soumission de l’exécutif à la légalité est concrétisée par deux principes : celui de la primauté de la loi et celui de la réserve de la loi.
La primauté de la loi (Vorrang des Gesetzes) signifie que « la volonté de l’Etat exprimée en forme législative l’emporte juridiquement sur toutes les autres expressions de volonté des organes de l’Etat » (BVerfGE 8, 155 [169] II). Les règlements étatiques (Rechtsverordnungen, voir nº 48) et les règlements corporatifs (Satzung, voir nº 147) doivent respecter la loi à peine d’inexistence (Nichtigkeit, voir nº 363) et les actes administratifs irréguliers sont susceptibles d’être annulés (voir nº 324). Malgré cette primauté de la loi, l’exécutif et l’administration ne sont pas réduits au rang d’une pure machinerie de mise en oeuvre, coincée entre le législatif et le judiciaire. Sauf à priver le deuxième pouvoir de toute consistance réelle, l’encadrement de l’action administrative n’exclut pas l’existence de marges de choix et d’autonomie (voir notam. infra, chap. 9).
La réserve de la loi (Vorbehalt des Gesetzes) est d’abord une notion caractéristique du système des droits fondamentaux. Elle signifie qu’il ne peut y avoir d’atteinte à la liberté et à la propriété des administrés/citoyens que dans la mesure où une loi le prévoit et en fixe les conditions et la mesure. A l’origine, le principe de réserve de la loi était limité à celles des activités administratives comportant ingérence dans la sphère individuelle (administration d’ingérence, Eingriffsverwaltung, voir nº 142). S’agissant d’activités de prestations (administration prestatrice, Leistungsverwaltung, voir nº 142), la Cour constitutionnelle fédérale a considéré que le droit constitutionnel fédéral ne contient aucun principe général non écrit de réserve de la loi, applicable aux procédures et compétences des administrations en matière d’administration prestatrice. Ces domaines peuvent donc être réglés par des dispositions administratives internes, sauf disposition contraire des lois et règlements. La considération de la protection des droits n’y fait pas obstacle (BVerfGE 8, 155 [167 et s.] II). La jurisprudence de la Cour fédérale administrative va d’ailleurs dans le même sens, qui estime par exemple qu’en matière d’aides publiques, il n’y a pas lieu à intervention du législateur et que l’inscription préalable de moyens financiers dans un budget public pour un subventionnement à finalité précise peut constituer la seule contrainte préalable à l’activité prestatrice de l’administration (BVerwGE 6, 282 [287] ; 58, 45 [48]).
L’évolution des fonctions de l’Etat dans la démocratie contemporaine a néanmoins conduit à chercher un critère autre que la seule réserve de la loi pour définir la frontière en deçà de laquelle une intervention préalable du législateur est indispensable. Le critère de l’ingérence a été complété par la théorie du caractère substantiel (Wesentlichkeitstheorie). Dans sa forme actuelle, il signifie que dans le rapport Etat/administré, « le législateur doit prendre lui-même toutes les décisions essentielles dans les secteurs normatifs d’importance fondamentale » (BVerfGE 84, 212 [226] I). Avec ce contenu qui interdit au législateur de renoncer à définir les règles essentielles d’une matière et de renvoyer pour ce faire à un règlement de mise en oeuvre de la loi, la réserve de la loi a pris l’allure d’une obligation minimale d’intervention du législateur, en qualité et en intensité, qui n’est pas sans rappeler la catégorie de l’incompétence négative du législateur dans la jurisprudence constitutionnelle française.
c/ Le principe de soumission du pouvoir judiciaire à la légalité soulève la question de l’étendue du pouvoir normatif de la jurisprudence : l’article 20 III LF n’y fait pas obstacle pour combler des lacunes de la loi, concrétiser le contenu d’une loi ou même pour se substituer à la défaillance du législateur dans certains domaines, par exemple en matière de conflits du travail. L’interprétation contra legem reste exclue (BVerfGE 69, 315 [369] I).
96. Les principes de justice, sécurité et de clarté du droit. – « L’idée de justice est incluse dans la notion d’Etat de droit » (BVerfGE 21, 378 [388] II). La réalisation de cette idée passe par une série de principes très concrets, jusque et y compris par l’aménagement des règles de procédure, puisque « le droit processsuel sert à la production de décisions plus conformes à la loi, donc plus correctes et de ce fait plus justes » (BVerfGE 55, 72 [93 et s.] I).
La première exigence est d’abord que les règles de droit soient claires et précises. Ceci n’exclut pas l’emploi par le législateur de concepts juridiques indéterminés, mais cette indétermination doit être réduite au minimum inévitable. Les conditions de mise en oeuvre et leur contenu doivent être formulés de manière telle que l’intéressé puisse connaître le droit applicable et fixer son comportement en conséquence (BVerfGE 21, 73 [79] I).
La seconde exigence est que l’administré qui a réglé son comportement sur la loi puisse légitimement se fier au maintien de la situation de droit (confiance légitime, Vertrauensschutz). Par conséquence, une norme ne peut agir rétroactivement. Le principe de non rétroactivité est particulièrement strict en matière pénale : un acte n’est passible d’une peine que s’il était punissable selon la loi en vigueur avant qu’il ait été commis (art. 103 II LF). Dans les autres matières, la Cour constitutionnelle est moins stricte et écarte parfois le bénéfice de la confiance légitime. Plus précisément, s’agissant de lois apportant une charge, la rétroactivité véritable (echte Rückwirkung) est normalement inconstitutionnelle (BVerfGE 30, 392 [401] II) ; par rétroactivité véritable, il faut entendre le cas où la loi intervient pour attacher des conséquences juridiques nouvelles à des faits achevés, relevant du passé (BVerfGE 11, 139 [145] II). Une norme n’est pas véritablement rétroactive (unechte Rückwirkung) lorsqu’elle attache des conséquences juridiques comportant une charge à des faits nés dans le passé mais continuant d’exister dans le présent et conditionnant des situations juridiques de l’avenir (par exemple une législation sur les loyers réglant pour l’avenir des baux déjà entrés en vigueur et non encore arrivés à expiration) : cette fausse rétroactivité ne porte normalement pas atteinte à la confiance légitime.
Depuis une décision du 14 mai 1986, la seconde chambre de la Cour constitutionnelle a affiné comme suit la distinction entre vraie et fausse rétroactivité. Il y a véritablement rétroactivité d’une règle de droit lorsque le point de départ de la conséquence juridique attachée aux faits est fixé à une date antérieure à la promulgation de la norme (rétroactivité du point de départ des conséquences juridiques, Rückbewirkung von Rechtsfolgen). Il n’y a pas véritablement rétroactivité lorsque la norme prend en considération des faits antérieurs à sa promulgation pour en tirer des conséquences juridiques à partir d’une date postérieure à la promulgation ; ce rattachement à des faits du passé (tatbestandliche Rückanknüpfung ; M. Fromont parle ici de rétrospectivité) n’est pas normalement inconstitutionnelle, lorsque l’intérêt de la collectivité l’emporte sur celui de la protection de la confiance individuelle (BVerfGE 72, 200 [242 et s.] II).
97. Le principe de proportionnalité. – Bien qu’il présente son principal intérêt en matière d’atteinte aux droits fondamentaux, le principe de proportionnalité doit être évoqué ici car la Cour constitutionnelle y a d’abord vu une composante de l’Etat de droit (BVerfGE 19, 342 [348 et s.] I), avant de le rattacher à l’essence même des droits fondamentaux (BVerfGE 65, I [44] I, recensement). Ce principe s’applique dans les rapports entre la puissance publique et l’individu et non aux obligations de nature civile (BVerfGE 30, 173 [199] I). Il tend à protéger l’individu des ingérences superflues de la puissance publique (BVerfGE 17, 306 [313 et s.] I), lorsque celle-ci intervient dans l’intérêt de la collectivité. S’agissant d’évaluer la régularité d’une atteinte à la liberté individuelle, « le principe de proportionnalité impose que le moyen mis en place par le législateur soit approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Le moyen est approprié, lorsqu’il est de nature à favoriser le résultat désiré ; il est nécessaire lorsque le législateur n’a pas la possibilité de choisir un autre moyen aussi efficace, mais qui ne porterait pas atteinte au droit fondamental ou y porterait une atteinte moindre » (BVerfGE 63, 88 [115] I). « L’atteinte ne doit pas avoir une intensité sans relation avec l’importance de la chose et les inconvénients imposés au citoyen » (BVerfGE 65, 1 [54] I) car, comme l’exprimait une formule éclairante la doctrine traditionnelle, on ne tire pas au canon sur des moineaux !
Le principe de proportionnalité (Grundsatz der Verhältnismäßigkeit) réutilise donc la trilogie développé depuis un siècle en matière de police :
-caractère approprié (Geeignetheit),
-caractère nécessaire (Erforderlichkeit),
-caractère adéquat (Angemessenheit) ou tolérable (Zumutbarkeit).
V | Le principe d’Etat social
98. Principe juridique ou mission de l’Etat? – Les articles 20 I et 28 I LF qualifient de social l’Etat régi par la Loi fondamentale. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle l’évoque dans des contextes divers : Etat-providence, droit économique, droit de la fonction publique, droit de la sécurité sociale, droit processuel, droit fiscal, sans qu’il soit aisé d’en définir précisément les contours : « Le principe d’Etat social fonde l’obligation de l’Etat de pourvoir à un ordre social juste ; le législateur dispose d’une large marge d’appréciation dans l’accomplissement de cette obligation. Le principe d’Etat social confie une mission à l’Etat, mais ne dit rien sur la manière de la réaliser dans le détail – en serait-il autrement, que ce principe entrerait en contradiction avec le principe de démocratie » (BVerfGE 59, 231 [263] I). La doctrine hésite manifestement sur la nature de ce principe : pur qualificatif de l’Etat de droit ? Mission de l’Etat ? Simple objectif assigné à l’action de celui-ci ?
Tout au plus peut-on remarquer que le principe n’a pas la même portée pour chacun des trois pouvoirs : pour le législateur, l’Etat social est une mission à laquelle il lui incombe de donner une forme ; pour l’administration et les juges, il s’agit plus d’un principe à utiliser dans l’interprétation des normes, dans la mise en balance des intérêts ou dans l’exercice de la discrétionnarité. Il ne s’agit en tout cas pas d’un droit subjectif invocable directement et de manière autonome devant les tribunaux.
Section 2 – Les finalités assignées à l’action de l’Etat
99. Des normes de droit objectif. – A côté des droits fondamentaux et des dispositions relatives à l’organisation des pouvoirs publics, la Loi fondamentale contient des finalités assignées à l’action de l’Etat (Staatszielbestimmung). Il s’agit indubitablement de normes constitutionnelles qu’il incombe aux pouvoirs publics de respecter et de mettre en oeuvre. Dans la formulation initiale du préambule, la réunification de l’Allemagne constituait une obligation juridique pour tous les organes politiques de l’Etat ; le caractère objectif de cette obligation permettait par exemple de l’ériger en critère pour juger de la constitutionnalité d’un parti (cf. BVerfGE 5, 85 [128] I) ; mais d’un autre côté, cette obligation ne pouvait « servir de support à un recours constitutionnel, ne serait-ce que parce que cette obligation ne garantit pas de droit fondamental » (BVerfGE 43, 203 [211] I). Les finalités assignées à l’action de l’Etat ont donc un caractère de droit objectif, ce qui les rend impropres à être invoquées pour fonder une prétention de l’administré/citoyen à l’appui d’un recours tendant à constater l’irrégularité ou l’inconstitutionnalité d’un acte de la puissance publique (par ex., art. 93 I nº 4a LF, § 42 VwGO, ou un recours en responsabilité publique : art. 34 LF, ensemble avec § 839 BGB).
100. Unification européenne ; égalité effective des sexes ; environnement. – Est-ce la conséquence de leur inaptitude à conférer des droits subjectifs ? On doit en tous cas constater que la Loi fondamentale a accueilli dans le corps de son texte depuis la réunification au moins trois dispositions qui peuvent être qualifiées de finalité assignée à l’action de l’Etat :
-Art. 23 I 1 LF (1990) : « Pour l’édification d’une Europe unie, la République fédérale d’Allemagne concourt au développement de l’Union européenne (…) ».
-Art. 3 II 2 LF (1994) : « L’Etat promeut la réalisation effective de l’égalité en droit des hommes et des femmes et agit en vue de l’élimination des désavantages existants ».
-Art. 20a LF (1994) : « Assumant ainsi également sa responsabilité devant les générations futures, l’Etat protège les fondements naturels de la vie par l’exercice du pouvoir législatif, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, et des pouvoirs exécutif et judiciaire dans les conditions fixées par la loi et le droit ».
La genèse des dispositions introduites en 1994 sur proposition de la commission de révision commune au Bundestag et au Bundesrat, créée par l’article 5 du traité d’Union, montre bien qu’il s’agit d’un compromis : les finalités énoncées entrent dans le corps de la constitution, mais sans conférer de droits subjectifs.
Section 3 – La démocratie militante, ou la défense de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique
101. La protection contre les menaces de l’intérieur. – La chute de la République de Weimar a montré qu’il ne suffisait pas qu’une constitution opère des choix de société. La République de Bonn est donc allée au-delà en se dotant des moyens de faire échec aux menaces de l’intérieur et de l’extérieur contre l’Etat et son choix de démocratie. Il s’agit donc d’une démocratie munie de moyens de défense, une démocratie militante (streitbare Demokratie) : « L’article 21 II LF (…) est l’expression d’une volonté délibérée (…) de régler un problème limite de l’ordre étatique libéral et démocratique, retombée des expériences d’un constituant qui, dans une situation politique déterminée, n’a pas cru devoir réaliser dans toute sa pureté le principe de neutralité de l’Etat envers les partis politiques, confession de foi dans ce que l’on peut appeller en ce sens « une démocratie militante » (BVerfGE 5, 85 [139] I).
C’est ainsi que la Loi fondamentale contient des dispositions destinées à faciliter la défense de l’ordre constitutionnel contre les menaces de l’intérieur :
-déchéance des droits fondamentaux (art.18 LF) ;
-prohibition des associations, notamment celles dirigées contre l’ordre constitutionnel (art. 9 II LF) ;
-inconstitutionnalité des partis tendant à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne (art. 21 II LF) ;
-obligation des fonctionnaires de s’engager en toutes circonstances en faveur de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique (BVerfGE 39, 334, II, faisant application de l’art. 33 V LF) ;
-mise en place de services de protection de la constitution et de protection contre des menées mettant en danger les intérêts extérieurs de l’Allemagne (art. 73 nº 10 b et c et art. 87 I 2 LF) ;
-restrictions au secret de la correspondance, de la poste et des télécommunications pour la protection de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique (art.10 II 2 LF).
102. La protection contre les menaces extérieures. – Les dispositions relatives à ce que l’on appelle communément la situation de nécessité extérieure (äußerer Notstand) ont été introduites dans la Loi fondamentale en juin 1968. Elles se subdivisent en trois groupes :
a/ L’état de défense (Verteidigungsfall) se définit par l’existence ou l’imminence d’une agression armée. Un titre entier (titre X a, art. 115 a à 115 l) lui est consacré, qui met en place de manière détaillée les modifications de compétences et de procédures permettant de faire face à une telle situation, de sa constatation jusqu’à la conclusion de la paix. MM. Fromont et Rieg caractérisent l’ensemble de cette réglementation comme très minutieux et très flou : contradiction probablement inévitable dès lors que le constituant essaye de prévoir une situation par essence difficilement prévisible.
b/ L’état de tension (Spannungsfall) est celui qui précède logiquement l’état de défense (art. 80 a I 1 LF). Il permet la prise de mesures (notamment celles de l’art. 12 a LF) permettant l’application des lois relatives à la défense, ce que l’on appellait autrefois la « mobilisation ».
c/ Le cas d’alliance (Bündnisfall) (art. 80 a III LF) permet la prise des mesures de l’état de tension dans des conditions procéduralement allégées, c’est-à-dire sans décision directe du Bundestag, sur le fondement et dans les conditions d’une décision prise par un organe international dans le cadre d’un traité d’alliance. (Il s’agit de l’OTAN. L’engagement de forces allemandes dans des missions de l’ONU relève de l’article 24 LF et non de cet article 80 a ; voir : BVerfGE 90, 286 II).
Pour aller plus loin
103. Bibliographie générale. – a/ Sur les principes centraux de l’ordre constitutionnel, on se reportera d’abord dans les classiques du droit allemand en langue française à : Fromont/Rieg : Les principes fondateurs relatifs à l’organisation de l’Etat, p. 13-23 ; : Le fédéralisme, p. 79-93 ; Maurer 1994 : Le principe de légalité de l’administration, p. 107-123. On ne manquera pas de se reporter ensuite à la thèse de C. Grewe, Le fédéralisme coopératif en République fédérale d’Allemagne, Paris, Economica, 1981, 323 p., ainsi qu’au numéro de la revue « Pouvoirs » consacré à l’Allemagne (nº 66/1993) et notamment à l’article de M. Fromont, Le constitutionnalisme allemand, p. 5.
b/ Sur les finalités assignées à l’action de l’Etat, on ne peut mentionner que : M. Bothe, Le droit à la protection de l’environnement en droit constitutionnel allemand, RJE, 1994, p. 313.
c/ Sur la démocratie « militante »: l’expression a perdu une partie de son potentiel politique depuis la fin de la division de l’Europe. Voir néanmoins : M. Fromont, La révision constitutionnelle du 24 juin 1968 sur les pouvoirs de crise, RDP, 1969, p. 197. Trois décisions de la Cour constitutionnelle illustrent la notion : BVerfGE 28, 36 (RDP, 1972, p. 142, M. Fromont) [liberté d’expression des militaires, liberté d’expression et démocratie combattante] ; BVerfGE 39, 334, extrémistes dans la fonction publique (RDP, 1977, p. 351, chron. M. Fromont ; Pouv., 1982, n° 22, p. 137, J.-C. Béguin) [obligation de loyauté politique des fonctionnaires] ; BVerfGE 47, 198 (RDP, 1979, p. 1654, chron. M. Fromont) [accès des petits partis communistes à la télé- radiodiffusion en période électorale].
104. La démocratie. – a/ doctrine : Hartweg, Le système des partis, Pouv., 1982, nº 22, p. 71 ; C. Rotschild, Le statut des partis politiques, Pouv., 1982, nº 22, p. 55 ; O. Beaud, « Représentation » et « Stellvertretung » : sur une distinction de Carl Schmitt, Droits, 1987, nº 6, p. 11 ; P. König, Du statut des partis politiques en France et en Allemagne fédérale, Revue d’Allemagne, 1987, p. 146 ; F. Weill, La crise du financement des partis politiques en RFA, Revue d’Allemagne, 1987, p. 163 ; A. Kimmel, RFA – Modèle de stabilité ou crise persistante ? Le système de partis en RFA, Pouv., 1988, nº 47, p. 183 ; M.-F. Buffet-Tchakaloff, Juges constitutionnels et découpage électoral, RDP, 1989, p. 981 ; M. Fromont, Principe d’égalité et droit de suffrage, AIJC, V-1989, p. 203 ; F. Weill, Structure de la démocratie et financement de la vie politique en France et en RFA, RIDC, 1989, p. 959 ; M. Fromont, La démocratie semi-directe en République fédérale d’Allemagne, Cahiers constitutionnels de Paris I, Le referendum, quel avenir ? Paris, les éditions STH, 1990, p. 53 ; O. Beaud, Le droit de vote des étrangers : l’apport de la jurisprudence constitutionnelle allemande à une théorie du droit de suffrage, RFDA, 1992, p. 409 ; A. Kimmel, De la crise des partis à la crise de la démocratie ?, Pouv., 1993, nº 66, p. 121 ; G. Ress, Constitution et partis politiques, République fédérale d’Allemagne, AIJC, IX-1993, p. 205 ; M. Fromont, Les partis politiques et le droit public. Comparaisons franco-allemandes, Rev. d’Allemagne et des pays de langue allemande, 1994, p. 375 ; Sénat – Division des études de législation comparée, Le referendum, Les documents de travail du Sénat, nº LC 4, juin 1995, p. 7 ; W. Graf Vitzthum, La démocratie des partis politiques en Allemagne, RFDC, 1996, p. 403.
b/ Jurisprudence. Les décisions suivantes ci-après sont plus ou moins longuement analysées dans les sources mentionnées :
. BVerfGE 1, 208 et BVerfGE 6, 84 (RIDC, 1981, p. 470, H.G. Rupp) [principe de l’égalité du suffrage] ;
. BVerfGE 2, 1, SRP (Pouv., 1982, n° 22, p. 135, J.-C. Béguin) ;
. BVerfGE 5, 85 KPD (Documents d’études, n° 1.15-1.16, Ch. Eisenmann, traduction ; Pouv., 1982, n° 22, p. 135, J.-C. Béguin) ;
. BVerfGE 7, 99 (RIDC, 1981, p. 471, H.G. Rupp) [temps d’antenne à la radio et à la télévision] ;
. BVerfGE 20, 56 (Pouv., 1982, n° 22, p. 136, J.-C. Béguin), BVerfGE 24, 300 (RDP, 1969, p. 902, chron. M. Fromont), BVerfGE 41, 399 (RDP, 1978, p. 427, chron. M. Fromont) [financement public des partis politiques] ;
. BVerfGE 44, 125 (RDP, 1978, 1560, chron. M. Fromont ; Pouv., 1982, n° 22, p. 137, J.-C. Béguin) [information gouvernementale et propagande partisane] ;
. BGH 8 juin 1978 (RDP, 1980, p. 137, chron. M. Fromont) [statut des partis politiques, exclusion d’un membre, contrôle des tribunaux de la bonne application du § 10 alinéa 5 de la loi sur les partis politiques qui prime les statuts du parti] ;
. BVerfG 19 mai 1982 (RDP, 1984, p. 1584, chron. M. Fromont) [égalité des chances des candidats à une élection] ;
. BVerfGE 73, 1 (RDP, 1989, p. 121, chron. M. Fromont) [subventions aux fondations des partis] ;
. BVerfGE 73, 40, dons aux partis politiques III (RDP, 1989, p. 121, chron. M. Fromont) [avantages fiscaux pour les dons aux partis politiques] ;
. BVerfGE 78, 350 (RDP, 1992, p. 1056, chron. M. Fromont) [inégalité entre traitement fiscal des dons aux partis et des dons à des associations d’électeurs se présentant aux élections] ;
. BVerfGE 79, 161 [pas de décompte de la 2ème voix des électeurs qui ont donné leur première voix à un candidat sans parti qui a été élu] et BVerfGE 79, 169 [constitutionnalité de la méthode de répartition des restes (méthode de Niemeyer) et des mandats surnuméraires] (AIJC, VI-1988, M. Fromont). Ces questions ressurgissent avec la publication par le Bundestag au printemps 1997 d’un rapport sur ces thèmes établi par le professeur W. Löwer ;
. BVerfGE 82, 322 (RFDC, 1991, p. 669, O. Jouanjan ; RDP, 1993, p. 1560, chron. M. Fromont) [inconstitutionnalité de l’application de la clause de 5% à l’ensemble du territoire allemand pour les premières élections dans l’Allemagne unifiée] ;
. BVerfGE 84, 290 (RDP, 1993, p. 1556, chron. M. Fromont) [liberté des partis et confiscations des biens des partis de l’ex-RDA] ;
. BVerfGE 85, 264, financement des partis politiques III (RFDC, 1993, p. 663, Y.-M. Doublet ; RDP, 1995, p. 344, chron. M. Fromont) ;
. BVerfGE 89, 243 et Cour constitutionnelle de Hambourg, 4 mai 1993 (RDP, 1995, p. 342, chron. M. Fromont) [caractère démocratique de la procédure de désignation des candidats au sein des partis] ;
. BVerfGE 89, 266 ; 89, 291 (RDP, 1995, p. 341, chron. M. Fromont). [reconnaissance de la qualité de parti politique] ;
. BVerfGE 91, 262 ; 91, 276 (AIJC, X-1994, p. 732, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [distinction régime juridique des associations et des partis politiques, qualité de parti politique].
105. Le fédéralisme. – a/ La doctrine : J. de Solages, Les institutions fédérales de l’Allemagne occidentale, Reims, Editions Matot-Braine, 1959 ; J. F. Aubert, Essai sur le fédéralisme, RDP, 1963, p. 401 ; M. Fromont, L’évolution du fédéralisme allemand depuis 1949, Mélanges offerts à Georges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977, p. 661 ; M. Fromont, H. Siedentopf, Les problèmes posés par le fédéralisme en matière d’enseignement, AEAP, I-1978, p. 530 ; H.A. Schwarz-Liebermann von Wahlendorf, Une notion capitale de droit constitutionnel allemand : la Bundestreue (fidélité fédérale), RDP, 1979, p. 769 ; C. Grewe-Leymarie, Bilan et perspectives du fédéralisme, , 1982, nº 22, p. 29 ; P.-B. Spahn, Le fédéralisme financier en République fédérale d’Allemagne, RFFP, 1987, nº 20, p. 37 ; Dans König et a. (1983) : W. Schreckenberger, Les relations intergouvernementales au sein de la Fédération, p. 91 ; W. Graf Vitzthum, Le fédéralisme allemand. Histoire, doctrine et fonctionnement, RRJ, 1988, p. 615 ; S. Gosselin, Le fédéralisme allemand : évolution et tendances depuis 1949, Revue d’Allemagne, 1989, p. 426 ; D. Grimm, Le fédéralisme allemand : développement historique et problèmes actuels, Le fédéralisme en Europe, Barcelone, Institut de sciences politiques et sociales, 1991, p. 35 ; Th. de Champris, Le fédéralisme allemand à l’épreuve, Documents, 1992 nº 1, p. 14 ; V. Hoffmann-Martinot, H. Uterwedde, Le fédéralisme à l’épreuve, Pouv., 1993, nº 66, p. 51 ; W. Münch, Anatomie d’un Land, tâches et problèmes des Länder allemands et situation du système fédéral, Pouv., 1993, nº 66, p. 67 ; J. Schwarze, Le principe de subsidiarité dans la perspective du droit constitutionnel allemand, RMCUE, 1993, p. 615 ; M. Croisat, Le fédéralisme d’aujourd’hui : tendances et controverses, RFDC, 1994, p. 451 ; M. Croisat, Le fédéralisme dans les démocraties contemporaines, Paris, Montchrestien, 2e éd., 1995 ; G. Marcou, L’évolution récente du fédéralisme allemand sous l’influence de l’intégration européenne et de l’unification, RDP, 1995, p. 883.
b/ Jurisprudence. Les décisions suivantes ci-après sont plus ou moins longuement analysées dans les sources mentionnées :
. BVerfGE 12, 205, 1ère décision sur l’audiovisuel (Documents d’études, n° 1.15-1.16, Ch. Eisenmann, traduction ; Pouv., 1982, n° 22, p. 138, J.-C. Béguin) ;
. BVerfGE 26, 246 (RDP, 1970, p. 1367, chron. M. Fromont) [compétence du législateur fédéral pour la protection du titre d’ingénieur] ;
. BVerfGE 32, 199 (RDP, 1972, p. 1460, chron. M. Fromont) [rémunération des magistrats sans tenir compte de la loi-cadre fédérale sur la rémunération des fonctionnaires] ;
. BVerfGE 36, 342 (RDP, 1976, p. 200, chron. M. Fromont) [rapports entre des dispositions identiques de la Loi fondamentale et d’une constitution de Land] ;
. BVerfGE 39, 96 (RDP, 1977, p. 360, chron. M. Fromont ; Pouv., 1982, n° 22, p. 139, J.-C. Béguin) [participation financière de la Fédération aux opérations d’urbanisme des Länder, interprétation compatible avec la constitution] ;
. BVerfGE 41, 291 (RDP, 1978, p. 429, chron. M. Fromont) [subventions directes de la Fédération aux communes] ;
. BVerfGE 60, 175, piste ouest de l’aéroport de Francfort (RDP, 1984, p. 1586, chron. M. Fromont) [démocratie semi-directe dans les Länder, relations constitution fédérale/constitutions fédérées] ;
. BVerfGE 61, 149, responsabilité de l’Etat (RDP, 1984, p. 1589, chron. M. Fromont) [pas de compétence législative de la Fédération pour réformer le droit de la responsabilité administrative, jurisprudence dépassée depuis la modification constitutionnelle du 27 octobre 1994] ;
. BVerfGE 67, 256 (RDP, 1987, p. 1227, chron. M. Fromont) [loi sur l’emprunt forcé, incompétence de la Fédération] ;
. BVerfGE 72, 330, péréquation financière entre les Länder (RDP, 1989, p. 127, chron. M. Fromont) [notion de capacité financière – répartition inéquitable des dotations complémentaires] ;
. BVerfGE 86, 148, péréquation financière III (AIJC, VIII-1992, p. 318, chron. M. Fromont et O. Jouanjan ; RDP, 1995, p. 346, chron. M. Fromont).
106. L’Etat de droit. – a/ Doctrine : A. Bleckmann, L’Etat de droit dans la constitution de la RFA, , 1982, nº 22, p. 5 ; D. Waelbroeck, Le principe de non rétroactivité en droit communautaire à la lumière des arrêts « Isoglucose », RTDE, 1983, p. 370 [avec des développements sur la décision BVerfGE 13, 261, rétroactivité] ; G. Grasmann, La constitutionnalité des règles de droit rétroactives et rétrospectives dans la jurisprudence allemande. Règlement du conflit entre la confiance digne de protection des sujets de droit (nationaux et étrangers) et l’intérêt public, RIDC, 1989, p. 1017 ; M. Fromont, Le principe de non rétroactivité des lois, AIJC, VI-1990, p. 321 ; E. Schmidt-Assmann, L’administration et le principe de légalité, RFAP, 1996, p. 279. Dans une perspective comparative, on lira les développements consacrés au principe de légalité en RFA (p. 225-232) et au principe de proportionnalité en droit allemand (p. 729-736) dans J. Schwarze, Droit administratif européen, Bruxelles, E. Bruylant, 1994, ainsi que l’ouvrage de G. Xynopoulos, Le contrôle de proportionnalité dans le contentieux de la constitutionnalité et de la légalité en France, Allemagne et Angleterre, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 1995, Tome 179.
b/ Jurisprudence. Les décisions suivantes ci après sont plus ou moins longuement analysées dans les sources mentionnées :
. BVerfGE 16, 194 (RDP, 1988, p. 1270, Chr. Starck) [ponction de liquide céphalo-rachidien, principe de proportionnalité] ;
. BVerfGE 17, 108 (RIDC, 1981, p. 460, H.G. Rupp) [pneumo-encéphalographie, principe de proportionnalité] ;
. BVerfGE 25, 352 (RDP, 1970, p. 1368, chron. M. Fromont) [droit de grâce] ;
. BVerfGE 30, 250 (RDP, 1972, p. 1463, chron. M. Fromont) [régime fiscal des exportations, mauvais prognostic du législateur] ;
. BVerfGE 30, 367 (RDP, 1984, p. 1594, chron. M. Fromont) [limitation rétroactive du cercle des personnes ayant droit à une indemnisation] ;
. BVerfGE 34, 269, Soraya (RDP, 1975, p. 139, chron. M. Fromont ; Revue de droit international et de droit comparé, 1983, p. 193, X. Dijon) [interprétation constructive de l’art. 2 LF, réparation d’un préjudice moral (violation des droits de la personnalité) par attribution de dommages et intérêts, mission générale du juge de développer le droit et nécessité de combler une lacune du droit dans un domaine particulièrement protégé par la LF] ;
. BVerfGE 35, 382 et BVerfGE 69, 220 (RDP, 1987, p. 1215, chron. M. Fromont) [Etat de droit et expulsion des étrangers, effet suspensif de l’intervention du juge] ;
. BVerfGE 40, 276 (RDP, 1978, p. 407 et 1555, chron. M. Fromont ; Pouv., 1982, n° 22, p. 141, J.-C. Béguin) [réintégration sociale des détenus, retard du législateur dans l’adoption d’une loi sur l’application des peines) ;
. BVerfGE 41, 251 (RDP, 1978, p. 425, chron. M. Fromont) [toutes les mesures essentielles prises en matière d’enseignement doivent être prévues par la loi ou un de ses règlements d’application] ;
. BVerfGE 49, 89, Kalkar (RDP, 1979, p. 1650, chron. M. Fromont) [équilibre des pouvoirs législatif et exécutif, exigences de précision (Bestimmtheit) dans le domaine des techniques de sécurité nucléaire] ;
. BVerfGE 49, 168 (RDP, 1979, p. 1652, chron. M. Fromont) [notions juridiques indéterminées et pouvoir discrétionnaire en matière de police des étrangers, protection de la confiance des administrés] ; . BVerwGE 56, 155 (RDP, 1980, p. 129, chron. M. Fromont) [passage d’un élève dans une classe supérieure et réserve de la loi] ;
. BVerfGE 58, 257, passage en classe supérieure (RDP, 1982, p. 1061, chron. M. Fromont) [domaine des circulaires en matière scolaire] ;
. BVerfGE 65, 76 (RDP, 1984, p. 1582, chron M. Fromont) [demande d’asile manifestement infondée] ;
. BVerfGE 65, 182, plans sociaux (RDP, 1984, p. 1583, chron. M. Fromont) [limites du pouvoir du juge de développer de nouvelles règles de droit dans le silence de la loi sur la faillite] ;
. BVerfGE 72, 200, rétroactivité de la convention germano-suisse sur la double imposition (RDP, 1989, p. 115, chron. M. Fromont) ;
. BVerfGE 76, 171 et BVerfGE 76, 196 (RDP, 1989, p. 112, chron. M. Fromont) [réglementation de la profession d’avocat et domaine réservé à la loi] ;
. BVerfGE 89, 69 (AIJC, IX-1993, p. 653, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [proportionnalité d’une mesure individuelle de police] ;
. Cour constitutionnelle de Berlin, 6 déc. 1994 (AIJC, X-1994, p. 735, chron. M. Fromont et O. Jouanjan) [La décision de fermer un théâtre public ne relève pas du domaine réservé à la loi].
107. L’Etat social. – P. Tettinger, L’économie sociale de marché comme ordre économique de l’Allemagne unie, RFDC, 1992, p. 43 ; A. Weber, L’Etat social et les droits sociaux en RFA, RFDC, 1995, p. 677.
Table des matières