Cette contribution écrite, tout en reprenant les grands axes de la contribution orale, inclut les dernières évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et en particulier la décision de Grande Chambre du 5 mai 2020 dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique, req. n°3599/18, et l’arrêt de Grande Chambre du 13 février 2020 dans l’affaire N.D. et N.T. c. Espagne, req. n°8675/15 et 8697/15. Tandis que l’intervention orale anticipait la résolution de ses affaires par la Cour, il est désormais possible et nécessaire d’en tirer certaines conclusions.
Article préalablement publié par la Société française pour le droit international. Contribution issue de la demi-journée « Extraterritorialité et migrations » du 12 avril 2019 au sein de l’Université d’Angers. Article disponible au lien suivant : https://www.sfdi.org/wp-content/uploads/2021/02/Despaux-Application-extraterritoriale-de-la-CEDH-et-migrations-forcees.pdf
« L’universel, c’est le local moins les murs. »1 A travers cet aphorisme, l’auteur portugais Miguel Torga évoquait, lors d’une conférence prononcée au Brésil en 1954, sa terre natale et la culture portugaise tout en défendant l’importance pour toutes les cultures de partager leurs expériences, d’ouvrir leurs portes et d’abattre les murs. De cette façon, toute culture se doit d’être universelle sans jamais perdre son identité. Les applications extraterritoriales de de la Convention européenne des droits de l’homme2 (ci-après la Convention ou la CEDH) répondent à cette même ambivalence. Quelles limites donner à « l’espace juridique de la Convention »3, cette-dernière étant un instrument régional européen de protection des droits de l’homme, tout en assurant une protection cohérente des droits universels4 qu’elle contient ? Cette application extraterritoriale de la Convention est nécessairement en jeu face à des phénomènes transcendant les frontières, comme c’est le cas des migrations internationales. Dans le cadre de la gestion de l’immigration, l’équilibre entre les obstacles opposés à l’immigration irrégulière et le respect par les États de leurs obligations en matière de droits de l’homme est en question.
La CEDH garantit un certain nombre de droits propres à s’appliquer dans le cadre des migrations internationales, et a fortiori, à l’égard des réfugiés5 et autres migrants forcés6. Peuvent être évoqués ici la protection contre la torture et les traitements inhumains et dégradants (art. 3), interprétée par la Cour comme une protection absolue contre le refoulement7, ou l’interdiction des expulsions collectives (art. 4 Protocole n°4), aussi bien que le droit à la vie (art. 2), le droit de quitter tout pays y compris le sien (art. 2(2) Protocole n°4), le droit à la vie familiale (art. 8), ou encore la protection contre la discrimination (art. 14), le droit à un procès équitable (art. 6) et le droit à un recours effectif (art. 13). Cependant, à l’occasion d’une requête déposée devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après Cour EDH ou Cour), avant d’aborder l’examen au fond sur la responsabilité de l’État pour une éventuelle violation de ses obligations en vertu des articles précités, il s’agit de répondre à une question de recevabilité, celle de l’applicabilité de la Convention. Alors que les États parties à la Convention étendent leurs activités de contrôles migratoires au-delà de leurs frontières8, l’application extraterritoriale de la Convention dans le cadre de la gestion de l’immigration par les États constitue un préalable nécessaire à la garantie des droits des migrants forcés.
Du point de vue des États de destination parties à la Convention, y compris dans le cadre de l’Union européenne (UE), un constat clair se dessine quant à l’extraterritorialisation, voir l’externalisation, à la fois des contrôles migratoires et de la protection9. Ainsi, de manière traditionnelle, l’exigence de visas pour les nationaux de pays producteurs de réfugiés a déplacé les contrôles au-delà des frontières des États10. Associée à la sanction des transporteurs de personnes pour lesquelles l’entrée dans l’État de destination est refusée, cette exigence a aussi conduit à un phénomène de privatisation des contrôles migratoires11. Ces politiques de « non-entrée »12 largement critiquées par la doctrine, connaissent en outre un réel renouvellement à travers le développement de la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit13. En effet, cette dimension externe de la politique migratoire des États repose sur des partenariats censés renforcer la capacité des États tiers en matière de gestion des flux migratoires (afin de maintenir les migrants à distance des États européens), et en matière de protection des réfugiés (bien que l’accent soit placé de façon disproportionnée sur le premier objectif). Cette nouvelle génération de politiques de « non-entrée » basée sur la coopération interroge la portée de la protection des personnes migrantes contre le refoulement14, et la capacité du droit en général à protéger ces personnes15. Ainsi, de nombreux auteurs partent en quête de la manière d’établir la responsabilité des États dans le cadre de la gestion des migrations à travers différents régimes de droit international (droit international public, droit de la mer, droit international des droits de l’homme) dans un souci de respect des droits individuels et de l’État de droit16. Parallèlement, différentes actions ont été entamées à l’échelle supranationale17. A travers la question de l’application extraterritoriale de la CEDH, ce sont non seulement l’existence d’obligations à la charge des États mais aussi la capacité des individus à faire valoir leurs droits qui est en jeu.
Du point de vue des personnes affectées par ces contrôles, et en termes de territoire et d’espace, la recherche d’une protection internationale se manifeste par la recherche de l’accès à un territoire où elles obtiendront une protection. D’une part, selon le dernier rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les 70,8 millions de personnes déplacées de force dans le monde en 2018, seulement 16 % de ceux qui étaient à l’extérieur de leur pays d’origine – donc qualifiés de réfugiés – ont été accueillis par les régions développées18. Cette année-là, près d’un tiers de la population mondiale des réfugiés se trouvait dans les pays les moins avancés19, généralement voisins des pays d’origine des réfugiés. Le nombre disproportionné de personnes accueillies par ces pays20 crée des situations insoutenables dans lesquelles une protection adéquate de ces personnes est rendue impossible. Plus généralement, ce constat révèle la nécessité d’une gestion plus globalisée des personnes dans le besoin d’une protection afin de répondre à un élément manquant du droit international des réfugié, à savoir « un partage prévisible et équitable de la charge et des responsabilités »21. D’autre part, face aux difficultés, voire à l’impossibilité, d’accéder au territoire des États européens parties à la Convention de façon régulière, certains migrants prennent des risques extrêmes tout au long de leur parcours migratoire, font face aux dangers du trafic de migrants clandestins et recourent à divers moyens dégradants et potentiellement mortels pour traverser les frontières. Au cours des cinq dernières années, la mer Méditerranée a invariablement constitué la frontière la plus meurtrière au monde22. Malheureusement, la gestion de l’épidémie de Covid-19 a aggravé cette situation en entravant les opérations de recherche et de sauvetage alors que l’Italie et Malte ont déclaré unilatéralement leurs ports non sûrs pour le débarquement23 et alors que des refoulements sommaires et des actes violents de la part des gardes-frontières ont été rapportés à la frontière entre la Grèce et la Turquie24. Face aux souffrances insoutenables auxquelles sont confrontées ces personnes, les atteintes à leurs droits les plus élémentaires ne font pas débat. Cependant, une autre question est celle d’identifier les droits dont ces personnes bénéficient en vertu de la CEDH, et par conséquent si et quels États sont destinataires d’obligations envers eux en vertu de cette Convention.
Du point de vue de la Cour, la question du champ d’application de la Convention dans l’espace conditionne l’étendue de sa compétence25. La question de la portée de la Convention dans l’espace trouve sa réponse dans l’interprétation du concept de « juridiction » contenu à l’article 1er de la Convention selon lequel les États parties reconnaissent les droits garantis par la Convention « à toute personne relevant de leur juridiction »26. Il convient ici de clarifier trois points, quant à la notion de juridiction dans le cadre de la Convention, et quant à l’interprétation de cette notion par la Cour.
Premièrement, la juridiction au sens de la Convention est à distinguer de la notion de compétence de l’État à l’échelle internationale. En effet, dans le cadre de l’application extraterritoriale des droits de l’homme, la question de la juridiction correspond moins à la licéité des actions de l’État qu’à la portée extraterritoriale de ses obligations en matière de droits de l’homme lorsque celui-ci agit en-dehors de ses frontières27. Pour la Cour, répondre à la question de savoir si l’État a exercé sa juridiction extraterritoriale dans un cas d’espèce n’implique pas de savoir s’il était compétent pour agir mais bien si l’État était tenu par ses obligations en vertu de la Convention. En conclure autrement aurait pour conséquence absurde de considérer que seul l’État compétent pour agir serait tenu de respecter ses obligations en vertu des droits de l’homme tandis que ce ne serait pas le cas d’un État outrepassant ses compétences.
Deuxièmement, il est tout à fait crucial de différencier les notions de juridiction de celles d’imputabilité et de responsabilité. L’exercice par l’État défendeur de sa juridiction est une condition préalable et indispensable pour que celui-ci soit tenu responsable des actes ou omissions à lui attribuables28. De ce fait, c’est au stade des exceptions préliminaires que la Cour examine, s’il y a lieu, l’exercice par l’État défendeur de sa juridiction. La question de l’exercice par un État de sa juridiction extraterritoriale correspond à celle de la compatibilité ratione loci de la requête. La question de savoir si un État est effectivement responsable des actes ou omission à l’origine des griefs des requérants est quant à elle une question distincte qui relève du fond de l’affaire29 et correspond à la compatibilité ratione materiae de la requête30. Si la question de l’application de la Convention dans l’espace peut se poser à ce stade, c’est en fonction du champ d’application ratione loci des obligations contenues dans la Convention, et non du champ d’application territorial de la Convention elle-même31. Enfin, la question de l’imputabilité des faits à l’État défendeur est examinée sous l’angle de la compatibilité de la requête ratione personae avec les dispositions de la Convention, à savoir s’il s’agit bien d’un État partie à la Convention32. Cette question de l’imputabilité est souvent considérée par la Cour comme allant de pair avec celle de la responsabilité. Cependant, la Cour examine parfois la question de l’imputabilité séparément33, notamment lorsqu’il est question de savoir si un acte ou une omission est imputable à l’État défendeur et/ou à une organisation internationale34. Dans la version orale de cette contribution, il avait été question tout particulièrement de cette distinction entre l’examen de la recevabilité et du fond de l’affaire afin de répondre de façon méthodique à la question de l’application de la CEDH dans l’espace. Si la structure de la contribution écrite diffère de cette dernière, il sera démontré que cette distinction reste fondamentale et n’est pas toujours clairement maintenue par la Cour dans son raisonnement.
Troisièmement, si la juridiction des États est essentiellement territoriale35, et est donc présumée s’exercer sur l’ensemble du territoire des États parties36, la jurisprudence de la Cour sur la notion de juridiction se concentre sur ce qui est présenté comme les exceptions à ce principe. Dans des « circonstances exceptionnelles »37 tenant aux faits particuliers de l’affaire, l’exercice par un État partie de sa juridiction pourra être déduite d’actes accomplis en dehors de son territoire. Par conséquent, la Cour a admis l’exercice par un État de sa « juridiction extraterritoriale » par le biais de ses organes opérant hors de son territoire38 dans différentes affaires pour lesquelles il est parfois difficile de proposer une approche systématique. En effet, si deux approches de la juridiction extraterritoriale semblent se dessiner39 – celle du critère territorial, lorsque l’État exerce un contrôle dit « effectif » sur un territoire autre que le sien40, et celle du critère personnel, lorsque l’État défendeur exerce un contrôle effectif sur une personne située hors de son territoire41 – l’application de ces critères ne semble pas toujours refléter une distinction tout à fait tranchée42. Face à ce constat, certains auteurs mettent en garde contre les dangers d’une expansion continuelle de la juridiction de la Cour, celle-ci ne pouvant pas étendre les obligations des États au-delà de ce qu’ils se sont engagés à respecter43. Cependant, la Cour est confrontée en permanence à des situations nouvelles qui n’auraient pu être anticipées au moment de la signature du traité par les États parties, rendant certainement la seule « intention du législateur » insuffisante à l’interprétation de la notion de juridiction pour des situations contemporaines.
Dans le contexte des migrations internationales, la jurisprudence de la Cour en matière de protection des personnes migrantes s’enrichit continuellement44, mais l’application de cette protection aux frontières des États, et au-delà de ces frontières, est encore embryonnaire. De ce fait, chaque nouvelle affaire est attendue de longue date, que celle-ci concerne une question de visas humanitaires avec M.N. et autres contre Belgique45, d’expulsions sommaires (« devoluciones en caliente ») à la frontière entre l’Espagne et le Maroc avec N.D et N.T. contre Espagne46, ou encore d’opération de sauvetage en mer impliquant des garde-côtes libyens dans le cadre de la coopération entre l’Italie et la Libye avec S.S. contre Italie47. De façon évidente, la charge politique des affaires susmentionnées ne facilite pas le travail de la Cour dans son interprétation de la Convention48. D’une part, les États européens mènent des politiques migratoires à même d’éloigner leur responsabilité en vertu des droits de l’homme tandis que, d’autre part, la Cour EDH constitue un forum rare pour les personnes migrantes espérant faire valoir leurs droits individuels. Pour autant, c’est précisément au juge qu’est confié la protection des droits de l’homme « afin que de telles décisions soient fondées sur des considérations juridiques (et non politiques) »49.
Dans ce cadre, il apparaît essentiel d’établir la portée de la protection garantie aux migrants forcées dans leur trajet migratoire telle que précisée par la Cour EDH. En particulier, il s’agit ici de comprendre dans quelle mesure la CEDH s’applique aux personnes à la recherche d’une protection internationale qui n’ont pas encore atteint le territoire des États parties, mais qui peuvent être affectées par la politique migratoire de ces derniers. L’enjeu que représente cette question est colossal, et ce pour tous les acteurs concernés. Tout d’abord, pour les États, il s’agit d’évaluer l’étendue de leurs obligations en vertu des droits de l’homme dans le domaine des contrôles migratoires traditionnellement considéré comme réservé à l’État souverain. Ensuite, pour la Cour de Strasbourg, chaque nouvelle affaire est l’occasion de développer sa jurisprudence en la matière, face à des cas d’espèce aux circonstances toujours renouvelées. Enfin et surtout, pour les personnes à la recherche d’une protection internationale, c’est une question de dignité, voire de vie et de mort, de pouvoir traverser une frontière en vue d’obtenir une protection dans l’État de destination.
Face aux périls de la traversée irrégulière de frontières, y compris pour les migrants forcés, la création de voies légales d’accès au territoire d’un État en vue d’y obtenir une protection internationale est certainement la solution la plus à même de préserver leur dignité. Dans ce contexte, la Cour EDH avait l’occasion de se prononcer, dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique, sur la question spécifique de la délivrance de visas humanitaires. Cependant, tout comme la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avant elle, la Cour EDH a conclu à sa propre incompétence du fait que les requérants ne se trouvaient pas, en l’espèce, sous la juridiction de la Belgique, cette question restant donc à la discrétion des États (I). Face à l’insuffisance des voies légales d’accès aux États européens, c’est le recours au franchissement irrégulier des frontières, terrestres autant que maritimes, qui se perpétue. Dans ce cadre, la Cour EDH a développé une jurisprudence affirmant l’application extraterritoriale de la Convention en haute mer appelée à se développer dans le cadre de futures affaires (II).
I.– La portée limitée de la CEDH dans le cadre des migrations forcées régulières : le cas des visas humanitaires
La question de la délivrance de visas humanitaires dans le cadre de l’affaire M.N. et autres c. Belgiqueconcerne la situation d’une famille syrienne tentant d’accéder régulièrement au territoire de l’État belge qui doit être comprise dans un contexte de politique de non-entrée de la part des États de l’Union européenne (A). Par conséquent, la décision d’irrecevabilité de la Cour dans cette affaire, à la fois attendue et décevante, mérite une lecture attentive tant elle laisse transparaître une prise de position de la Cour allant au-delà d’une solution juridique de principe (B).
A/ L’affaire M.N. et autres c. Belgique, entre politique de non-entrée et tentative d’accès légal à une État européen
La question de la délivrance d’un visa humanitaire telle qu’elle s’est présentée devant la Cour EDH dans le cadre de l’affaire M.N. et autres c. Belgique consiste en la situation particulière d’une famille (1) inséparable du contexte migratoire (2).
1. L’histoire particulière de requérants tentant d’accéder légalement à un lieu de refuge
L’affaire M. N. et autres c. Belgique concerne une famille syrienne résidant à Alep qui avaient introduit des demandes de « visas humanitaires » au consulat de Belgique au Liban en vue de demander l’asile à leur arrivée en Belgique, et dont la délivrance fut refusée par les autorités belges. Ce recours devant la Cour EDH fait suite à une longue et complexe bataille judiciaire au niveau national. Le 22 août 2016, cette famille, incluant deux enfants en bas-âge, présenta des demandes de visas pour des raisons humanitaires au consulat belge de Beyrouth en vertu de l’article 25 du Code des visas50, quittèrent « librement (…) les locaux de l’ambassade belge »51, puis retournèrent en Syrie. Des amis belges s’étaient engagés à les soutenir dès leur arrivée en Belgique. Le 13 septembre 2016, l’Office des étrangers (OE), compétent pour examiner les demandes de visa, refusa de leur délivrer les visas. Le 7 octobre 2016, le Conseil du Contentieux des Étrangers (CCE) suspendit d’urgence l’exécution de la décision de l’OE en raison de la situation politique et sécuritaire à Alep et du risque de violation de l’article 3 de la CEDH, tout en imposant à l’État de prendre une nouvelle décision dans un délai de 48 heures. Le CCE ordonna finalement la délivrance de « laissez-passer » à la famille. Toutefois, les autorités belges refusèrent d’exécuter les décisions du CCE et la question fut soumise aux juridictions civiles. Le 25 octobre 2016, le Tribunal de première instance de Bruxelles ordonna à l’État de se conformer à la décision de la CCE sous peine d’astreintes. L’exécution de la décision du Tribunal fut plus tard suspendue par la Cour d’appel suite au recours unilatéral de l’État belge52. Considérant que les recours internes étaient épuisés, les requérants déposèrent une requête devant la Cour EDH le 10 janvier 2018. Les requérants se plaignaient que le refus opposé par les autorités belges d’exécuter les mesures ordonnées par le CCE dans l’arrêt du 7 octobre 2016 les maintenait dans une situation contraire à l’article 3 de la Convention sans possibilité d’y remédier de manière effective (article 13). Ils se plaignaient également d’une violation des articles 6(1) et 13 de la Convention en raison de l’impossibilité, entérinée par la cour d’appel dans son arrêt du 30 juin 2017, dans laquelle ils se trouvaient de poursuivre l’exécution par la voie judiciaire des mesures ordonnées par le CCE.
L’affaire M.N. et autres c. Belgique devant la Cour EDH ne peut être abordée sans faire référence à l’affaire X. et X. c. Belgique présentée devant la CJUE tant la situation des requérant apparaît similaire. Dans sa décision X. et X. c. Belgique du 7 mars 201753, la CJUE a affirmé que les demandes de visas humanitaires, considérés comme des visas de long séjour, relèvent uniquement du droit national, et non du droit de l’Union européenne, concluant ainsi à sa propre incompétence et à l’inapplicabilité de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CDFUE) en l’espèce. Loin de clore le débat sur la question des visas humanitaires, cette solution a suscité de vives critiques54, mais laissait également une large marge de manœuvre à la Cour EDH dans le cadre de l’affaire M.N. et autres c. Belgique étant donné que la CJUE ne s’était pas prononcé sur le fond de l’affaire. Devant la Cour EDH, une des questions de fond était celle de savoir si : « En présence d’une situation de risque avéré de violation de l’article 3 de la Convention ainsi que l’a reconnu le Conseil du contentieux des étrangers (…) l’État belge avait une obligation positive de délivrer les visas en vue d’empêcher que les requérants soient soumis à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants (…) »55. Cette question paraissant d’autant plus légitime que la Cour EDH dans son arrêt N.D. et N.T. c. Espagne affirmait, à peine trois mois avant sa décision dans l’affaire N.D. et N.T. c. Espagne, que « l’effectivité des droits de la Convention exige [que les États] mettent à disposition un accès réel et effectif aux voies d’entrée régulières »56, ces voies devant « permettre à toute personne persécutée d’introduire une demande de protection, fondée notamment sur l’article 3 de la Convention »57. Finalement, dans une décision de Grande Chambre largement commentée58 du 5 mai 2020, la Cour EDH a conclu à l’irrecevabilité de la requête dans son intégralité, notamment du fait de l’absence de juridiction de l’État belge dans le cas d’espèce. Avant d’examiner en détail la solution apportée par la Cour, il convient de revenir sur le contexte de la politique d’immigration et d’asile des pays membres de l’Union, et de la Belgique en particulier.
2. Le contexte général de la politique des visas comme obstacle « traditionnel » à l’entrée dans l’Union européenne
Le code des visas Schengen réglemente l’admission dans l’UE par un ensemble de règles régissant la délivrance de visas de court séjour et de visas de transit aéroportuaire59. Ici, la « volonté réelle de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé », condition de l’octroi d’un visa Schengen de court séjour60, est intrinsèquement incompatible avec la situation d’une personne à la recherche d’une protection internationale, tandis que la délivrance d’un visa « à titre exceptionnel »61, notamment pour des raisons humanitaires, ne s’applique pas aux demandes de visas déposées en vue de demander l’asile dans l’État de destination selon l’arrêt de la CJUE de 2017. Pourtant, dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique, les représentants des requérants avaient expliqué durant l’audience que les requérants, qui avaient déposé leur demande de visas avant la décision de la CJUE, avaient déposé une demande de visa de court séjour dans le cadre duquel le droit de l’Union oblige les États à donner une réponse dans un délai d’un mois, les délais de réponse pratiqués dans le cadre d’une demande de visa de long séjour en vertu du droit national ne correspondant pas à la situation d’urgence dans laquelle ils se trouvaient62. En outre, il est intéressant de constater que les États qui « génèrent » le plus de demandeurs d’asile, comme la Syrie, l’Afghanistan et l’Irak63, sont tous inclus dans la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa lors du franchissement des frontières extérieures de l’UE64. Lorsque les États membres de l’UE ferment leurs missions diplomatiques et leurs postes consulaires dans ces mêmes pays65, l’exigence de détention d’un visa rend extrêmement difficile, si ce n’est tout à fait impossible, l’entrée légale des ressortissants de ces pays dans un États membre de l’Union. Cette réalité explique le fait que les requérants, dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique se soient dirigés vers le consulat belge à Beyrouth afin de déposer une demande de visa. En toute état de cause, il apparaît clairement que la politique des visas dans le cadre de l’Union européenne permet un contrôle à distance des personnes migrantes, y compris des migrants forcés66.
A l’inverse, alors que la décision de la CJUE dans l’affaire X. et X. renvoyait au législateur européen le soin de décider de l’opportunité de légiférer en matière de visa humanitaire, cette possibilité n’a pas abouti. En effet, dans la dernière initiative en date, et à la suite d’un travail approfondi fourni par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), avec Juan Fernando López Aguilar pour rapporteur, le Parlement européen a adopté le 11 décembre 2018 une recommandation à la Commission pour proposer un règlement européen portant création d’un visa humanitaire européen67. Le 1er avril 2019, soit juste à temps pour l’audition de l’affaire M.N. devant la Cour EDH, la Commission européenne a réagi à cette recommandation en refusant de présenter ladite proposition, déclarant « qu’il n’était pas politiquement possible de créer un droit subjectif de demander l’admission et d’être admis ou une obligation incombant aux États membres d’admettre une personne ayant besoin de la protection internationale »68. Elle renvoie alors à sa proposition de juillet 2016 pour un règlement établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation en indiquant qu’elle veillera « à inclure, dans l’évaluation de la demande [de ce règlement], une étude visant à déterminer s’il est nécessaire de prévoir des mesures supplémentaires pour l’admission, sur le territoire des États membres, de personnes ayant besoin d’une protection internationale »69. Devant la Cour EDH, cependant, au-delà des préoccupations concernant la volonté politique (ou son absence) de « créer » un droit subjectif en la matière au niveau de l’UE, restait à savoir si la CEDH « reconnaît » le droit d’obtenir un visa humanitaire, et l’obligation respective des États de délivrer un tel visa à des personnes à la recherche d’une protection internationale.
Dans le contexte plus particulier de la Belgique, un premier constat est celui de la difficulté d’accéder à des données précises quant à la délivrance de visas humanitaires, et en particulier quant aux conditions président à leur octroi70. Pour cette raison la Cour EDH elle-même, dans son sa décision M.N et autres c. Belgique a eu recours aux documents du Myria, Centre fédéral Migration belge71. Selon cette institution, en 2016, sur 990 visas humanitaires court séjour demandés, 899 ont été accordés – au total, 1.200 visas humanitaires étaient délivrés au cours de l’année 201672. Ainsi, il apparaît que des « opérations de sauvetage » ont effectivement été menées entre 2016 et 2017 pour des chrétiens de Syrie préalablement sélectionnés et auxquels étaient accordés des visas de court séjour afin d’accéder au territoire belge avant d’y déposer une demande de protection internationale73. Des visas humanitaires sont aussi délivrés aux personnes réinstallées en concertation avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) ou encore dans le cadre de regroupements familiaux74. Depuis 2017, cependant, et à la suite de la décision de la CJUE dans l’affaire X. et X., la majorité des visas humanitaires accordées à des personnes de nationalité Syrienne sont des visas de long séjour en vertu du droit national belge et non des visas de court séjour75. En outre, il ne semble pas exister une « pratique courante et encadrée » ((MYRIA, Visas humanitaires : vers une politique encadrée et transparente, op. cit., pp. 12-13.)) de la Belgique pour des demandes de visas humanitaires introduites aux représentations belges à l’étranger dans le but d’introduire une demande d’asile en Belgique. Enfin, il faut rappeler que l’affaire M.N. intervient dans le contexte d’un scandale entourant l’attribution de visas humanitaires par l’administration Belge à des chrétiens de Syrie, ayant entrainé une enquête criminelle76. Dans ce contexte, l’exercice par la Cour d’un examen du cas particulier, sans affecter directement la politique d’immigration de la Belgique, aurait certainement constitué une garantie contre l’arbitraire. Au-delà des regrets entourant la décision de la Cour quant à sa propre incompétence, ou des « espoirs (mal) placés »77 dans cette décision, la justification proposée par la Cour quant à l’absence de juridiction de l’État belge apparaît en elle-même problématique à certains égards.
B/ L’absence d’application extraterritoriale de la CEDH dans le cadre du refus de délivrer des visas humanitaires, entre solution de principe et arguments politiques
Si la solution de la Cour dans sa décision M.N. et autres c. Belgique pouvait être attendue, elle n’en est pas moins discutable (1) et certaines incises dans le raisonnement de la Cour semblent, de façon plus inquiétante, relayer un discours qui s’éloigne d’une solution juridique de principe (2).
1. L’absence de juridiction de la Belgique sur les requérants : une approche de principe attendue mais discutable
Dans sa décision du 5 mai 2020, la Cour a conclu à l’irrecevabilité de la requête dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique dans ses deux branches. D’une part, après avoir considéré que les griefs au titre de l’article 13 se trouvent absorbés par ceux présentés au titre de l’article 6(1)78, la Cour a conclu à l’inapplicabilité de l’article 6(1) quant à la non-exécution de la décision judiciaire de la cour d’appel ordonnant sous astreinte d’exécuter l’arrêt du CCE qui enjoignait aux autorités de délivrer les visas demandés. En effet, la Cour considère que les procédures en cause concernant l’entrée sur le territoire belge qui aurait résulté de l’octroi des visas ne portaient pas sur des « droits et obligations de caractère civil »79 au sens de l’article 6(1) de la Convention, « au même titre que toutes les décisions relatives à l’immigration, l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers »80. Par conséquent, la Cour conclu à l’incompatibilité ratione materiae de la requête dans cette branche sans qu’il n’y ai lieu de statuer sur la juridiction de l’État défendeur81.
D’autre part, la Cour a considéré que les requérants ne relevaient pas de la juridiction de la Belgique à l’égard des griefs tirés de l’article 3, et par conséquent de l’article 13 en conjonction avec l’article 3, dans le cadre du refus des visas sollicités depuis le consulat belge au Liban. Avant tout, il est intéressant de noter que, dans le rappel de sa jurisprudence antérieure sur la notion de juridiction, la Cour mentionne une citation inhabituelle de l’arrêt Bankovic selon laquelle « les éléments ordinairement cités pour fonder [l’exercice extraterritorial de sa juridiction par un Etat] sont en règle générale définis et limités par les droits territoriaux souverains des autres États concernés »82. Comme le relève Thomas Gammeltoft-Hansen, raviver cette « all-or-nothing approach »83 pourrait annoncer un durcissement de la jurisprudence de la Cour en la matière. Cette citation donne en tout cas le ton pour la suite de son raisonnement. D’abord, la Cour écarte rapidement l’exercice par la Belgique de sa juridiction « territoriale » en estimant, en référence à l’arrêt Bankovic, que le seul fait que les décisions portant sur l’entrée des requérants sur le territoire belge aient été prises au niveau national ne suffit pas à établir la juridiction de la Belgique84.
Sur le terrain de l’« approche territoriale » de la juridiction extraterritoriale telle qu’évoquée précédemment85, la Cour affirme que les autorités belges n’exercent aucune forme de contrôle en territoire syrien ou libanais86, bien que cet argument soit discutable dans le cadre des locaux du consulat. La Cour ajoute que le contrôle administratif que l’État belge exerce sur les locaux de ses ambassades au Liban ne suffit pas à faire relever de la juridiction de la Belgique toute personne qui entre dans ces lieux87. Il faut alors se tourner vers la jurisprudence de la Cour quant à la juridiction extraterritoriale établie par l’exercice d’un contrôle effectif sur la personne des requérants.
Concernant l’application par la Cour de sa jurisprudence relative à l’exercice de la juridiction extraterritoriale d’un État en raison d’un contrôle effectif exercé sur une personne par ses agents diplomatiques ou consulaires88, les obstacles à la reconnaissance de cet exercice extraterritorial de la juridiction par l’État belge, identifiés dans le cadre de la contribution orale, ont bien été retenus comme tel par la Cour dans sa décision. En cela, la conclusion de la Cour pouvait être attendue. En premier lieu, les affaires X. c. Allemagne89 ou X. c. Royaume-Uni90 concernait des requérants ressortissants d’un État contractant, certes résidant à l’étranger, mais se plaignant des actions des représentants diplomatiques et consulaires de leur pays d’origine. Dans le cadre de l’affaire M.N., les requérants « n’étaient pas des ressortissants belges demandant à bénéficier de la protection de leur ambassade »91. La Cour ajoute que les requérants ne disposaient pas d’un « lien juridictionnel » extraterritorial avec la Belgique préexistant le dépôt des demandes de visa étant donné qu’ils ne s’étaient jamais trouvés sur le territoire belge et ne revendiquent aucune vie familiale ou privée préexistante avec ce pays92, bien que des amis s’étaient engagés à les accueillir et à les soutenir dès leur arrivée en Belgique. En second lieu, si l’affaire M. c. Danemark93 concernait des personnes qui s’étaient réfugiées dans l’ambassade danoise en République Démocratique d’Allemagne (RDA) sans être de nationalité danoise, l’ambassadeur du Danemark en poste en RDA avait, dans cette affaire, appelé les forces de l’ordre de l’État allemand pour obtenir le départ des requérants de l’ambassade. Les circonstances diffèrent dans l’affaire M.N. puisque, comme précisé précédemment, les requérants ont quitté « librement »94 les locaux de l’ambassade belge après y avoir déposer leur demande de visa. Ainsi, il apparaît que le contrôle de facto de la part des représentant diplomatiques et consulaires à même de constituer un exercice extraterritorial de la juridiction de l’État défendeur se doit d’être un contrôle physique sur les requérants. Une autre différence entre l’affaire M.N.et l’affaire M. c. Danemark, est l’action engagée par l’agent diplomatique dans cette dernière lorsqu’il a contacté les forces de l’ordre allemandes. Dans l’affaire M.N., les agents diplomatiques se sont contentés d’enregistrer leur demande de visa pour en permettre l’examen95. Mais en réalité, l’argument retenu par la Cour est celui de savoir si les procédures visées ont été initiées par les requérants eux-mêmes ou par l’État défendeur. La Cour relève ainsi que l’affaire M.N. diffère de l’affaire Güzelyrutlu et autres96 dans laquelle la procédure établissant la juridiction de la Turquie était une procédure pénale ouverte à l’initiative des autorités turques elles-mêmes. A contrario, faisant référence à l’affaire Abdul Wahab Khan97, mainte fois mentionnée par l’État défendeur, la Cour rappelle que « le simple fait pour un requérant d’initier une procédure dans un État partie avec lequel il n’a aucun lien de rattachement ne pouvait suffire à établir la juridiction de cet État à son égard »98.
Ce qui est ici révélé est la résistance de la Cour à établir des obligations à la charge des États en vertu de la Convention sur la base d’une décision unilatérale d’un individu. D’une part, étant donné qu’une demande de visa humanitaire est, par essence, déposée à l’initiative de la personne concernée, il apparaît que, en l’absence d’un lien juridictionnel préexistant entre le demandeur et l’État sollicité, une conclusion différente quant à l’exercice par l’État de sa juridiction ne pourrait se présenter que dans l’hypothèse où la personne en question chercherait à se maintenir dans les locaux de l’ambassade et en serait expulsée de force. Quant à l’examen au fond, il serait alors question de savoir si le Liban peut être considéré comme un pays sûr, c’est-à-dire un pays où des migrants forcés ne courraient pas de risque sérieux au titre de l’article 3 de la Convention. Reste à savoir, cependant, si l’absence de violation pourrait être justifiée par le comportement de la personne en question, qui serait réduite à « forcer le système »99. En tout état de cause, comme précisé plus haut, une telle éventualité ne pourrait se présenter sur le territoire syrien ou les ambassades des pays membres de l’Union ont été fermées. D’autre part, la solution de la Cour quant à l’exercice par l’État de sa juridiction serait certainement différente si la procédure en cause était à l’initiative de l’État. A titre d’exemple, les États parties à la Convention ne pourraient en aucun cas se prévaloir de l’arrêt M.N. s’ils venaient à créer, au-delà de leur territoire, des centres affectés au traitement extraterritorial de demandes d’asile par des officiers de protection détachés.
Dans le même temps, une solution différente aurait pu être imaginée de la part de la Cour à la lecture de l’arrêt Hirsi Jamaa dans lequel la Cour avait considéré une mesure qui a « pour effet d’empêcher les migrants de rejoindre les frontières de l’Etat [en les interceptant dans l’affaire Hirsi, mais pourquoi pas en leur refusant un visa dans l’affaire M.N.] constituent un exercice de la juridiction de l’Etat au sens de l’article 1 de la Convention, [susceptible d’engager] sa responsabilité »100. Certains auteurs ont pu regretter que la Cour ne s’appuie pas utilement sur sa jurisprudence Al Skeini et sur le critère de l’exercice de l’autorité et du contrôle afin d’établir la juridiction extraterritoriale de la Belgique101. Ce regret est compréhensible dans la mesure où la Cour « convient qu’en statuant sur les demandes de visas, les autorités belges ont (…) exercé une prérogative de puissance publique »102, mais elle ne considère toutefois pas cet exercice comme suffisant pour établir la juridiction de la Belgique. De façon plus problématique à nos yeux, alors que la Cour aurait pu se contenter des arguments susmentionnés, certainement discutables mais pas incompatibles avec sa jurisprudence antérieure, le raisonnement de la Cour énonce, au détour de son raisonnement, des arguments plus politiques que juridiques.
2. L’insertion inquiétante d’arguments politiques
Dans le cadre de son argumentation, la Cour EDH relève deux points en particuliers qui méritent d’être relativisés.
Premièrement, la Cour souligne la différence entre le cas d’espèce et la situation à l’œuvre dans l’arrêt Soering103. L’affaire Soering marquait le point de départ de la protection, en vertu de l’article 3, contre l’éloignement d’un individu vers un État dans lequel il serait exposé à des risques réels d’être soumis à un traitement contraire à cet article104, et interprétée par la suite comme englobant le principe de non-refoulement au sens de la Convention de Genève105. C’est ici l’affirmation de la Cour selon laquelle « dans les cas de refoulement du territoire, les intéressés se trouvent par hypothèse sur le territoire de l’État concerné – ou à la frontière de celui-ci – et relèvent dès lors manifestement de sa juridiction »106 qui pose problème à deux titres. En premier lieu, cet argument est invoqué dans le cadre de l’examen de la recevabilité de la requête concernant l’exercice par l’État belge de sa juridiction extraterritoriale, alors qu’elle touche au champ d’application ratione loci de l’obligation contenue dans la Convention au titre de l’article 3, et donc à une question de fond. En second lieu, cette affirmation circonscrit l’étendue du champ d’application des obligations contenues à l’article 3 CEDH en référence à deux affaires récentes concernant des interceptions aux frontières107, alors même que l’une d’elle ne concernait pas l’obligation de non-refoulement108, et en omettant de mentionner l’arrêt Hirsi Jamaa dans laquelle la Cour avait conclu à l’application de l’article 3 au-delà du territoire de l’État partie (en l’occurrence en haute mer)109. C’est donc une incise qui ne paraît pas particulièrement pertinente à l’argumentation de la Cour et qui, de façon plus préoccupante, semble limiter la portée de l’obligation de non-refoulement contenu dans la Convention, y compris en contradiction avec sa jurisprudence précédente.
Deuxièmement, après avoir affirmé, conformément à sa décision dans l’affaire Abdul Wahab Khan, que le simple fait pour un requérant d’initier une procédure dans un État partie avec lequel il n’a aucun lien de rattachement ne peut suffire à établir la juridiction de cet État à son égard, la Cour insiste « qu’en décider autrement aboutirait à consacrer une application quasi-universelle de la Convention sur la base du choix unilatéral de tout individu, où qu’il se trouve dans le monde, et donc à créer une obligation illimitée pour les États parties d’autoriser l’entrée sur leur territoire de toute personne qui risquerait de subir un traitement contraire à la Convention en dehors de leur juridiction »110. Cette incise apparait alors problématique a plusieurs titres. Premièrement, et une fois de plus, elle participe de la confusion entre l’examen de la recevabilité et du fond de l’affaire. En effet, affirmer que l’État belge exerçait bien sa juridiction sur les requérants ne signifie pas qu’en découlerait une obligation positive de permettre l’admission sur son territoire, et encore moins de façon automatique. La question de savoir si l’article 3 contient une obligation positive à la charge des États d’admettre certaines personnes sur son territoire est précisément une question de fond que la Cour aurait pu connaître si elle s’était déclarée compétente en l’espèce. Jusqu’ici, même lorsque la Cour a affirmé que le renvoi de personnes migrantes, interceptées en haute mer, vers un État tiers à la Convention constituait une violation de l’article 3 de la Convention du fait des risques auxquelles elles y étaient exposées, la Cour s’est gardée d’en déduire une obligation d’admettre ces personnes sur son territoire111. En réalité, c’est ici que réside le véritable nœud du problème de la protection des droits de l’homme dans le cadre des contrôles migratoires : s’il existe un droit de quitter tout territoire y compris le sien – et l’on pourrait ajouter, de ne pas être refoulé – il n’existe pas de droit à être admis sur le territoire d’un État. Ce « pas suspendu de la cigogne »112, est tout à fait ignoré par la Cour dans son assertion. Deuxièmement, si l’on accepte que la Cour puisse prendre en compte les conséquences de son arrêt en compte afin d’évaluer son opportunité, il est permis de douter que toute personne dans le besoin d’une protection internationale pourrait effectivement se présenter aux représentations diplomatiques belges113. Troisièmement, l’idée véhiculée par cette affirmation du risque de voir la CEDH obliger les États parties à admettre « automatiquement » sur leur territoire toute personne craignant d’être exposée à des traitements contraires à l’article 3 apparaît comme le relai d’inquiétudes basées sur un discours politique114. Cette assertion, éloignée des considérations juridiques auxquelles la Cour est tenue, dessert sans aucun doute le raisonnement de principe qu’elle s’efforce de tenir dans le reste de son arrêt.
Finalement, la timide assertion de la Cour selon laquelle sa conclusion « ne fait pas obstacle aux efforts entrepris par les États parties pour faciliter l’accès aux procédures d’asile par le biais de leurs ambassades et/ou représentations consulaires »115 semble simplement confirmer que la question des visas humanitaires, tout comme celle d’autres voies d’accès à une procédure d’asile depuis les ambassades et consulats des États parties à la Convention, restent à la discrétion du législateur national.
Si l’accès légal à une protection internationale dans les États parties à la Convention est limité, voire rendu impossible par les États eux-mêmes, et n’est en tout cas pas protégé par le droit européen des droits de l’homme dans le cadre de la CEDH, alors le recours au franchissement illégal des frontières par les migrants forcés doit être anticipé. Dans ce cadre, en revanche, la Cour a eu l’occasion de préciser la portée de la protection de la CEDH. Ainsi, lorsque les États mettent en œuvre leur politique migratoire de lutte contre l’immigration irrégulière, à leurs frontières terrestres ou maritimes, mais également au-delà de leurs frontières, la Convention a vocation à s’appliquer et à protéger les personnes concernées. Face au renouvellement des politiques migratoires menées par les États, à travers une coopération renforcée avec des États tiers à la Convention, la portée de la Convention et à nouveau en question.
II. – La portée de la CEDH en question face aux migrations forcées irrégulières : le cas des opérations menées en mer méditerranée
La question de la portée de la CEDH pour des faits se déroulant en mer, et y compris au-delà de la mer territoriale des États parties, a été abordée par la Cour dans de nombreuses affaires. Dans le cadre plus précis du secours et de l’interception de personnes migrantes en haute mer, c’est l’arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie116 qui pose les jalons de la jurisprudence de la Cour en la matière (A). Pourtant, face au renouvellement des politiques migratoires des États parties à la Convention, la question de l’exercice par ces États de leur juridiction lorsqu’ils coopèrent avec des États tiers à la Convention afin que ces derniers préviennent l’arrivée de personnes migrantes sur leur territoire est à nouveau en question (B).
A/ L’application extraterritoriale de la CEDH affirmée pour les personnes secourues et/ou interceptées en haute mer
Les États parties à la Convention sont obligés par la CEDH dans le cadre de leurs opérations de sauvetage et/ou d’interception en haute mer du fait de l’application extraterritoriale de la Convention (1) ainsi que de la portée extraterritoriale des obligations qu’elle contient (2).
1. Une application extraterritoriale de la CEDH à travers l’approche personnelle de la juridiction
C’est en vertu de l’approche personnelle de la juridiction que la Cour a reconnu l’exercice extraterritorial de la juridiction d’un État partie à la Convention pour des faits s’étant produit à bord d’un aéronef immatriculé dans cet État ou d’un navire battant son pavillon117. Dans l’affaire Medvedyev, par exemple, qui concernait l’interception au large des îles du Cap vert du Winner, cargo battant pavillon cambodgien, par un navire militaire français, puis son détournement vers le port de Brest, la Cour a conclu à l’exercice par la France de sa juridiction sur les requérants compte tenu de l’existence d’un « contrôle absolu et exclusif (…) au moins de facto »118 exercé par la France sur le Winner et son équipage « de manière continue et ininterrompue »119.
Dans le cadre d’opérations d’interception ou de secours de migrants en mer, la Cour a conclu à l’exercice par l’Italie de sa juridiction extraterritoriale dans son fameux arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie qui concernait des ressortissants somaliens et érythréens interceptés en haute mer par un bateau militaire italien puis sommairement renvoyés en Lybie. La Cour a ainsi considéré que, de leur montée à bord jusqu’à leur remise aux autorités libyennes, les requérants se trouvaient « sous le contrôle continu et exclusif, tant de jure que de facto, des autorités italiennes »120, et par conséquent sous la juridiction de l’Italie. Afin d’établir le contrôle de jure exercé par l’Italie dans cette affaire, le Cour fait référence aux dispositions pertinentes du droit de la mer, établissant un principe de droit international selon lequel un bateau naviguant en haute mer est soumis à la juridiction exclusive de l’État dont il bat pavillon121. En outre, le renvoi des requérants vers la Libye avaient été réalisé dans le cadre de la coopération entre l’Italie et la Libye122 et la Cour a considéré que la caractérisation par l’Italie de cette opération en « opération de sauvetage » ne saurait soustraire les requérants de sa juridiction au sens de la CEDH123.
2. Le champ d’application ratione loci des obligations ne pas refouler et de ne pas expulser collectivement
La détermination du champ d’application ratione loci des obligations contenues dans la CEDH intervient à l’étape de l’examen au fond de la demande, et lorsqu’il a été établi que l’État défendeur exerçait bien sa juridiction dans le cas d’espèce. Il sera ici question, en particulier, de l’obligation de non-refoulement au titre de l’article 3 de la CEDH et de l’interdiction des expulsions collectives au titre de l’article 4 du Protocole n°4124.
En premier lieu, et comme il a été exposé plus haut, toute mesure d’éloignement d’un étranger par un État contractant peut engager la responsabilité de l’État en cause au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, s’il est éloigné vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3125. Plus récemment, la Cour a confirmé que l’article 3 « englobe l’interdiction du refoulement au sens de la Convention de Genève »126. Avant tout, il est important de souligner ici que, si cette protection dite « par ricochet »127 produit en quelque sorte des « effets extraterritoriaux », elle ne correspond pas en elle-même à une « application extraterritoriale » de la Convention. En effet, si elle consiste à anticiper les risques auxquels une personne peut être confrontée à l’étranger, elle permet la protection de personnes, y compris lorsque celles-ci sont présentes sur le territoire d’un État-partie. Par ailleurs, l’article 3 de la CEDH interdit aux États d’éloigner une personne vers un État où elle encourrait un risque réel. Pour établir le champ d’application ratione loci de l’obligation de non-refoulement, la question n’est pas de savoir où la personne a été interceptée (sur le territoire ou à l’extérieur du territoire de l’État de destination) mais bien vers où elle a été ou risque d’être renvoyée (vers un État où elle serait exposée à des risques sérieux). Cette interprétation est d’ailleurs conforme à celle du principe de non-refoulement en vertu de de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés128 telle que précisée par le Haut-Commissariat aux Réfugiés129. Par conséquent, l’article 3 s’applique aisément à l’interception de personnes s’étant produite en dehors de l’État partie, dans la mesure où celles-ci sont renvoyées ou risquent de l’être vers un État où elles risquent de subir des traitements inhumains et dégradants. Ici, la délimitation du champ territorial de l’obligation de non-refoulement dépend, en réalité, de son champ d’application ratione materiae et ratione personae130. Cette interprétation a été consacrée par la Cour EDH dans l’affaire Hirsi Jamaa dans laquelle le navire italien avait intercepté les personnes migrantes en haute mer avant de les renvoyer en Libye où les personnes entrée dans le pays par des moyens irréguliers étaient « systématiquement arrêtées et détenues dans des conditions inhumaines, [faisant face à la] torture, à de mauvaises conditions d’hygiène et à l’absence de soins médicaux, [et risquant] à tout moment d’être refoulés vers leur pays d’origine »131.
En second lieu, l’article 4 du Protocole n°4 à la CEDH a pour objet d’interdire aux États l’éloignement d’étrangers en l’absence d’un examen préalable de leur situation individuelle. Conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, une expulsion collective vise « toute mesure prise par les autorités compétentes contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays […] »132. Le terme « quitter » semble alors bien signifier que la personne est déjà entrée dans le pays qui entend l’éloigner. A priori, cet article ne devrait donc pas s’appliquer pour les personnes se trouvant aux frontières, et a fortiori au-delà des frontières, d’un État partie. En droit international, le rapport de la Commission du droit international sur l’expulsion des étrangers de 2014 précise bien que le terme d’expulsion n’inclut pas le cas de figure de la non-admission d’un étranger aux frontières d’un État, cette situation correspondant au refoulement133. Pourtant, dans le cadre d’une « interprétation évolutive » de la CEDH134, et afin de rendre les garanties y contenues « concrètes et effectives et non pas théoriques et illusoires »135, la Cour a appliqué l’article 4 du Protocole n°4 dans l’affaire Hirsi. En effet, la Cour précise que « l’interception de migrants en haute mer et leur renvoi vers les pays de transit ou d’origine font désormais partie du phénomène migratoire, dans la mesure où ils constituent pour les États des moyens de lutte contre l’immigration irrégulière »136.
Par conséquent, si l’article 4 du Protocole n°4 « devait s’appliquer seulement aux expulsions collectives effectuées à partir du territoire national des États parties à la Convention, c’est une partie importante des phénomènes migratoires contemporains qui se trouverait soustraite à l’empire de cette disposition (…). L’article 4 se verrait ainsi privé d’effet utile à l’égard de ces phénomènes, qui tendent pourtant à se multiplier. Cela aurait pour conséquence que des migrants ayant emprunté la voie maritime, souvent au péril leur vie, et qui ne sont pas parvenus à atteindre les frontières d’un État, n’auraient pas droit à un examen de leur situation personnelle avant d’être expulsés, contrairement à ceux qui ont emprunté la voie terrestre »137.
Ainsi, si la Cour réaffirme que la notion d’« expulsion », tout comme la notion de « juridiction », est principalement territoriale, accorder à la notion d’expulsion une portée strictement territoriale lorsqu’est établi qu’un État a exercé sa juridiction en dehors du territoire national « entraînerait une distorsion entre le champ d’application de la Convention en tant que telle et celui de l’article 4 du Protocole n°4, ce qui contredirait le principe selon lequel la Convention doit s’interpréter comme un tout »138. Le champ d’application ratione loci de l’obligation de ne pas expulser collectivement est ici calqué sur le champ d’application extraterritorial de la Convention dans son ensemble. La Cour EDH a alors conclu à la violation par l’Italie de ses obligations en vertu de l’article 4 du Protocole n°4 dans l’affaire Hirsi étant donné que le transfert des personnes vers la Libye avait été effectué sans examen de leur situation individuelle, que le personnel à bord du navire militaire italien n’était pas formé pour mener des entretiens individuels ni n’était assisté d’interprètes ou de conseils juridiques139. De même, dans l’affaire Sharifi qui concernait des requérants victimes d’une politique migratoire de l’Italie consistant au renvoi sommaire vers la Grèce des personnes arrivées dans les ports de la mer Adriatique, la Cour n’a pas jugé utile de savoir si ces requérants avaient été expulsés après ou avaient été refoulés avant d’entrer sur le territoire italien140. Dans cette affaire, la question de l’établissement de la juridiction extraterritoriale de l’Italie ne se posait pas puisque les faits se déroulaient entre l’Italie et la Grèce, deux États parties à la Convention. En revanche, la Cour a dû écarter l’exception d’incompatibilité ratione materiae de la requête du fait de l’inapplicabilité, selon le gouvernement, de l’article 4 du Protocole n°4 au refoulement litigieux, en faisant référence à sa jurisprudence Hirsi141. A la question du champ d’application ratione loci de l’article 4 du Protocole n°4 la Cour répond que : « Compte tenu de ce que même les interceptions en haute mer tombent sous l’empire de l’article 4, il ne peut qu’en aller de même pour le refus d’admission sur le territoire national. »142. La Cour EDH a donc interprété largement le champ d’application de l’interdiction des expulsions collectives afin de garantir l’effet utile de cette disposition dans le cadre des moyens utilisés par les États pour lutter contre l’immigration irrégulière.
Pour finir, il est certainement nécessaire de mentionner l’arrêt de Grande Chambre de la Cour EDH du 13 février 2020 dans l’affaire N.D. et N.T. c. Espagne143 qui avait fait l’objet, avant son renvoi en Grande Chambre, d’un arrêt de chambre du 3 octobre 2017144. En faits, il ne s’agissait pas cette fois d’une traversée maritime mais d’une tentative de franchir la frontière terrestre entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla. Les requérants, des ressortissants de Côte d’Ivoire et du Mali, parmi un groupe de 20 migrants subsahariens, avaient tenté d’entrer en Espagne en escaladant les clôtures entourant la ville de Melilla. Une fois les clôtures franchies, ils furent appréhendés par la Guardia Civil, menottés et ramenés au Maroc sans procédure d’identification ni possibilité d’exposer leur situation personnelle. Sans revenir sur la question de la juridiction dans cette affaire, qui sera abordée plus bas, les solutions de la Chambre et de la Grande Chambre diffèrent quant au fond. Ainsi, la Chambre avait conclu à l’application et à la violation de l’article 4 du Protocole n°4145. Néanmoins, si la Grande Chambre considère que les faits constituent bien une « expulsion » au sens de l’article 4 du Protocole n°4, les requérants ayant été éloignés du territoire espagnol et renvoyés de force vers le Maroc146, ceux-ci ne peuvent pas être qualifiés d’expulsion « collective ». L’argument donné par la Cour au soutien de cette affirmation est celui du critère, largement critiqué, de la conduite ou du comportement des requérants147. La Cour retient que les requérant ont eu recours « à la force »148 en tirant partie de l’« effet de masse »149afin de franchir illégalement la frontière espagnole alors qu’un accès « réel et effectif »150 à des possibilité d’entrées régulières sur le territoire espagnol étaient à leur disposition. L’examen formel mené par la Cour des possibilités d’entrée régulière sur le territoire espagnol, en particulier par le dépôt d’une demande de protection internationale au poste-frontière de Beni Enzar, ou par le biais des représentations espagnoles au Maroc, semble pourtant insuffisante à établir l’accès « réel et effectif » à ces procédures pour les requérants151. En outre, le critère du comportement des requérants utilisé par la Cour pour réduire la portée de la protection de l’article 4 du Protocole n°4 a été particulièrement critiqué comme créant un critère « fourre-tout » s’éloignant de sa jurisprudence antérieure152 qui concernait l’absence de coopération du requérant dans le cadre, bien différent de l’affaire N.D. et N.T., de l’effort mené par l’État de conduire un examen individuel de la situation du requérant. Ainsi, si cet arrêt ne réduit pas en tant que tel le champ d’application ratione loci de l’interdiction des expulsions collectives, il limite certainement la protection garantie par l’article 4 du Protocole n°4 aux frontières terrestres des États parties à la Convention et interroge quant à ses applications ultérieures. Néanmoins, cette solution rendue par la Cour concerne une affaire n’impliquant pas l’examen du respect des obligations absolues contenues à l’article 3, les griefs présentés par les requérants au titre de cet article ayant été déclarés irrecevables par la chambre plus tôt dans la procédure153. Ainsi, cette solution doit être circonscrite au cas d’espèce154 et ne peut certainement pas être interprétée comme un blanc-seing donné aux États pour mener une politique de refoulement systématique. En pratique, cependant, il est difficile de comprendre comment un État peut respecter ses obligations en matière de non-refoulement sans mener un examen individuel de la situation des personnes se présentant aux frontières155.
B/ La possible application extraterritoriale de la CEDH dans le contexte des contrôles en mer « sans contact »156
Avant même d’avoir l’opportunité de se présenter aux frontières d’un État partie à la Convention, ou de se trouver à bord d’un navire battant pavillon d’un de ces États, les personnes à la recherche d’une protection internationale sont désormais interceptées par des navire battant pavillon de l’État de départ dans le cadre de politiques de coopération entre les États européens et leurs voisins du sud de la méditerranée (1), renouvelant ainsi la question de l’exercice par les États européen de leur juridiction (2).
1. Le contexte du renouvellement des politiques de « non-entrée » en mer
Le renouvellement des politiques de « non-entrée » menée par les États européens, et en particulier dans le cadre de la dimension externe de la politique d’immigration de l’Union européenne157, repose sur des partenariats avec des pays tiers d’origine et de transit servant de relai à la politique d’immigration de l’UE et de ses États membres. Ainsi, cette coopération se retrouve avec des pays voisins de l’Union comme c’est le cas de la Turquie, ou d’autres pays candidats à l’adhésion de l’Union, ou avec des pays du pourtour sud de la méditerranée comme le Maroc ou la Libye, et même au-delà avec les activités de l’agence Frontex au large de la Mauritanie158. Par conséquent, cette politique crée un « nouveau modèle de frontière extérieure »159caractérisé, non pas comme une ligne où sont effectués des opérations de contrôles et de surveillance aux frontières, mais bien comme un vaste espace dans lequel les fonctions de contrôle de l’immigration irrégulière, de sauvetage en mer, d’examen des demandes de protection, et de retour des migrants, sont pratiquées par différents acteurs, étatiques comme non étatiques. Cette réalité remet alors clairement en question les obligations des États impliqués dans ces politiques envers les personnes migrantes, et y compris les migrants forcés. Dans le cadre de la CEDH, c’est la question de la juridiction qui est la première en jeu. En méditerranée centrale, par exemple, alors que, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, le transbordement de migrants sur le navire militaire d’un État partie160, ou l’interception et le détournement d’un autre navire par son navire militaire161, emporte l’exercice par cet État de sa juridiction, il est possible de se demander s’il faut parvenir à une conclusion similaire dans le cadre de la coopération des États parties avec la Libye, dont l’un des objectifs est l’interception des personnes migrantes par les garde-côtes libyens. C’est en tout cas ce qui est mis en avant dans le cadre de l’affaire S.S. et autres c. Italie communiquée le 26 juin 2019162 qui concerne une opération de sauvetage en mer menée par le navire d’ONG Sea-Watch 3 le 6 novembre 2017 dans laquelle les garde-côtes libyens avaient interféré et au moins 20 personnes avaient trouvé la mort, y compris les enfants de 2 des 17 requérants163.
Avant de revenir sur ce cas particulier, et sur la question de la juridiction au sens de la CEDH, il est alors intéressant de comprendre plus avant l’évolution de la coopération entre l’Italie et la Libye. En effet, la Cour EDH a elle-même a rappelé, dans son arrêt Hirsi164, les accords bilatéraux conclus entre l’Italie et la Libye165 dont l’application fut suspendue après les évènements de 2011 d’après la déclaration du ministre italien de la Défense du 26 février 2011. Elle précise ensuite, à l’occasion de la communication de l’affaire S.S. et autres c. Italie166, que le ministre italien de l’Intérieur s’est rendu en Libye pour relancer la coopération en matière d’immigration le 3 avril 2012. Ces échanges ont abouti le 2 février 2017 à la signature du Protocole d’accord entre le gouvernement italien et le gouvernement libyen d’entente nationale (formé en 2016 sous l’égide de l’ONU)167 qui constitue la base légale actuelle de la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre l’immigration irrégulière en mer Méditerranée. En substance, ce Protocole établit que l’Italie fournit un soutien technique et technologique, notamment aux garde-côtes libyens168, ainsi qu’un soutien financier, aux côtés de l’Union européenne169, y compris dans le cadre de la création d’un comité mixte italo-libyen chargé d’identifier les priorités d’action, les instruments de financement, la mise en œuvre et le suivi des engagements pris170. En réalité, concernant les opérations de sauvetage en mer méditerranée, les capacités de coordination de la Libye à la suite des évènements du printemps arabe étaient faibles voir quasi nulles, et l’Organisation Maritime Internationale (OMI) n’a enregistré la zone de recherche et de sauvetage (zone SAR) de la Lybie qu’en juin 2018171.
Ainsi, il apparaît que la coopération de l’Italie avec la Libye, loin de pouvoir s’appuyer sur les garde-côtes libyens, vise à construire la capacité opérationnelle de la Libye en la matière, et sans doute à flouter les contours de la responsabilité de l’Italie pour les opérations menées dans ce cadre. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, elle-même, a souligné dans son discours du 22 juin 2020 ce qu’elle décrit comme un « shift »172 dans la réponse des États parties à la Convention aux arrêts de la Cour EDH, et ce en particulier dans le cadre des politiques migratoires. Selon elle :
« When the Court found, in the Hirsi case, that the interception and return of migrants to Libya violated Article 3 of the Convention, it gave a clear signal to member states. Although direct returns to Libya largely stopped, the Hirsi Jamaa judgement has been used as a blueprint to develop new practices to try to avoid effective control of those at sea. This has included outsourcing rescue to the Libyan authorities, without any human rights safeguards in place. While this puts Council of Europe member states at arms’ length from events, it does nothing to stop people from being exposed to torture or inhuman and degrading treatment. Even if member states argue that this conforms to the letter of the Convention, a matter that remains to be seen, I believe this approach is hugely damaging in its spirit. ».
On comprend alors l’enjeu de la question de la juridiction lorsque la Cour est confrontée à une affaire telle que S.S. et autres c. Italie.
2. La possible application extraterritoriale de la CEDH à travers une approche fonctionnelle de la juridiction
La Cour a affirmé dans son arrêt N.D. et N.T. c. Espagne de 2020 que, si le but de la Convention est de garantir des droits « non pas théoriques et illusoires mais concrets et effectifs »173, cela « n’implique pas (…) une obligation générale de faire passer sous sa juridiction des personnes se trouvant sous la juridiction d’un autre État »174. Il s’agit de se demander si, a contrario, le fait de soustraire volontairement des personnes de sa juridiction par un État est compatible avec la Convention. Dans l’affaire N.D. et N.T., la Cour a refusé l’argument de l’État défendeur selon lequel les requérants ne relevaient pas de la juridiction de l’État espagnol en l’espèce du fait d’une « exception de juridiction » applicable à la partie du territoire où se sont déroulés les fait litigieux (c’est-à-dire avant le franchissement par les requérants de la 3e clôture) en considérant que cela reviendrait à créer une « réduction artificielle de l’étendue de [la] juridiction territoriale »175 de l’État, et que « la spécificité du contexte migratoire ne saurait aboutir à la consécration d’un espace de non-droit au sein duquel les individus ne relèveraient d’aucun régime juridique susceptible de leur accorder la jouissance des droits et garanties prévus par la Convention »176. La question est de savoir si la Cour pourrait parvenir à une conclusion similaire, non pas face à la réduction artificielle par un État de sa juridiction « territoriale » mais de sa juridiction « extraterritoriale ».
Afin de donner davantage de cohérence à la notion de juridiction – territoriale tout autant qu’extraterritoriale – dans la jurisprudence de la Cour, de nombreux auteurs à la suite du juge Bonello177, préconisent la reconnaissance d’un critère « fonctionnel » pour établir la juridiction des États au sens de l’article 1er de la CEDH178. Dans le cadre de l’affaire S.S., en particulier, Violeta Moreno-Lax, qui assure la fonction de conseil principal des requérants dans cette affaire, propose une lecture de la juridiction « fonctionnelle » dans le sens littéral des « fonctions » gouvernementales à travers lesquelles le pouvoir de l’État se concrétise en pratique, que celles-ci soient législative, exécutive ou judiciaire179. Cette lecture comprend la notion de « contrôle effectif » comme le « control over (general) policy areas or (individual) tactical operations »180. Ici, c’est à travers la mise en œuvre de leurs politiques (y compris migratoire) et l’exécution d’opérations planifiées à l’avance que les États exercent leur juridiction sur une personne ou sur un territoire, que ce soit sur leur propre territoire où au-delà de leurs frontières181. Cette proposition insiste alors moins sur le contrôle physique direct exercé par l’État que sur son contrôle de la situation en tant que telle, ses actions ou omissions étant déterminantes pour le cours matériel des évènements même si elles sont exercées à distance182. En appliquant cette lecture à l’affaire S.S., Violeta Moreno-Lax montre que l’exercice par l’Italie de sa juridiction de jure comme de facto peut être établie par un ensemble d’éléments183.
Comme cela avait été relevé dans la version orale de cette contribution, contrairement à l’affaire Hirsi, les personnes n’ont à aucun moment été transbordées à bord d’un navire italien dans l’affaire S.S. Cependant, plusieurs indices tendent vers l’établissement d’un contrôle effectif sur les requérants de la part de l’Italie en l’espèce. Peut être relevé, tout d’abord, que le navire libyen avait été fourni par l’Italie quelque mois auparavant dans le cadre du Protocole d’accord entre l’Italie et la Libye, établissant le cadre légal de la coopération entre les deux pays et dont il a été question plus haut. Ensuite, l’intervention était partiellement coordonnée par le centre de coordination des sauvetages de Rome qui avait indiqué au navire Sea-Watch 3, seul navire présent sur les lieux disposant des équipements adéquats, de procéder à l’opération de sauvetage du bateau de migrant à la dérive. Enfin, un navire militaire italien se trouvait à proximité des lieux dans le cadre de l’opération « mare sicuro » (mer sure) et un hélicoptère militaire italien survolait les lieux de l’opération, assistait l’équipage du Sea-Watch 3 dans leur opération de sauvetage, et s’était finalement adressé aux garde-côtes libyens pour leur intimer de stopper le moteur de leur embarcation alors qu’une des personnes secourues, suspendue à une échelle, était sur le point de tomber à l’eau.
Finalement, la Cour EDH a bien interprété la Convention comme protégeant les migrants forcés au-delà du territoire des États parties à la CEDH lors que ceux-ci exercent leur juridiction à travers des d’opérations d’interception de migrants menées en haute mer, et du fait de la portée extraterritoriale du principe de non-refoulement et de l’interdiction des expulsions collectives. Néanmoins, dans le cadre d’une tentative d’accéder légalement au territoire d’un État européen par des personnes à la recherche d’une protection internationale, la Cour n’a pas considéré que le refus de délivrer un visa emportait l’exercice par cet État de sa juridiction. Si la solution de la Cour peut être regrettée en ce qu’elle est une occasion manquée de se prononcer sur le fond de l’affaire – et en particulier sur la question de l’existence d’une obligation positive à la charge des États parties d’admettre une personne sur leur territoire au titre de l’article 3 de la CEDH – la Cour s’efforce toutefois, dans sa décision, de proposer une solution de principe en accord avec sa jurisprudence antérieure. Certains ont pu critiquer la Cour EDH d’avoir fait preuve d’activisme juridique, s’éloignant d’une interprétation du droit à laquelle elle est tenue pour reconnaître l’exercice par les États de leur juridiction au-delà de leurs limites territoriales. Cependant, suite à la lecture de la décision M.N. et autres c. Belgique, il apparaît que la Cour devrait veiller, dans sa jurisprudence future, à ne pas s’éloigner tout autant des arguments juridiques, afin de conclure à l’absence de juridiction de l’État défendeur et d’éviter de se prononcer sur des questions trop sensibles politiquement184. Le contexte de la gestion des migrations n’est certainement pas la seule thématique délicate à laquelle la Cour est confrontée. Pour autant, il est évident que cette question cristallise de façon tout à fait particulière la dialectique entre souveraineté des États et protection des droits de l’homme. Dans ce contexte, si l’on ne peut attendre de la Convention une solution miracle à un dilemme intrinsèque au régime des droits de l’homme, c’est-à-dire à l’asymétrie entre l’existence d’un droit de fuir et l’absence de droit d’entrer sur le territoire d’un autre État, il est essentiel que la Cour opère un travail sérieux et constructif afin de poursuivre son œuvre d’interprétation de la Convention à la lumière des conditions présentes. En effet, face à l’évolution des politiques migratoires des États parties, la Cour est encore confrontée à de nouvelles situations. C’est le cas dans le cadre de l’affaire S.S. et autres c. Italie, exemple topique de coopération avec un État tiers à la Convention afin de mener à bien une politique de « non-entrée », y compris des migrants forcés, dans une configuration dans laquelle la Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur l’exercice par l’État de sa juridiction extraterritoriale.
Pour conclure, il est essentiel de remarquer que, malgré les pratiques systématiques des États qui mettent en œuvre des politiques de « non-entrée » largement documentées, le nombre d’affaires présentées devant la Cour est particulièrement réduit. En effet, lorsqu’une personne est refoulée ou expulsée collectivement vers un État où elle encoure potentiellement des risques pour sa vie et son intégrité, il est extrêmement difficile d’entamer une procédure devant la Cour EDH, voire de rester en contact avec ses représentants le temps d’une procédure qui peut durer plusieurs années185. Ainsi, dans le cadre de l’application de la CEDH dans l’espace, le plus grand défi pour la garantie des droits individuels, et pour l’« accountability »186 des États parties à la Convention, est donc sans nul doute celui de l’accès des migrants forcés au prétoire de la Cour.
- M. Torga et C. Cayron (trad.), L’universel, c’est le local moins les murs : Trás-os-Montes, William Blake & Co., Bordeaux, 1986. [↩]
- Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953), disponible sur le site [www.echr.coe.int]. [↩]
- L’ « espace de la Convention » fait référence, dans la jurisprudence de la Cour, aux territoires des États parties à la Convention sur lesquels ne pourrait être toléré un « vide » dans le protection des droits et libertés garantis par la Convention. Voir Cour EDH, Gr.Ch., 18 décembre 1996, Loizidou c. Turquie (fond), req. n° 15318/89, §78 ; (irr.), Gr. Ch., 12 décembre 2001, Banković et autres c. Belgique et autres, req. n°52207/99, §80 ; Gr. Ch., 10 mai 2001, Chypre c. Turquie, req. n°52207/99, §78 ; 7 juillet 2011, Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, req. n°55721/07, §142. [↩]
- Dans le préambule de la CEDH, les États parties affirment leur engagement à prendre les mesures propres à « assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle » (§6) des droits de l’homme qui « tend à assurer la reconnaissance et l’application universelles et effectives des droits qui y sont énoncés » (§3, nous soulignons). Dans son opinion concordante dans l’affaire Al Skeini et autres c. Royaume-Uni, en reference à ce préambule, le juge Bonello affirmait que : « le respect « universel » de ces droits n’est guère compatible avec leur morcellement en fonction de considérations géographiques ». Cour EDH, Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., Opinion Concordante du juge Bonello, §9. Sur l’universalité des droits de l’homme, leur unité et leur intemporalité, qui contraste avec « la pluralité des sociétés étatiques et la diversité des règles de droit international qui régissent leurs rapports » voir aussi F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, Presses universitaires de France, coll. Droit fondamental, 7e éd., 2005, pp. 42-45, §22. Pour une analyse de la notion de juridiction dans une perspective cosmopolite tendant à réconcilier relativisme et universalité des droits de l’homme voir : S. Morgades-Gil, « La aplicación extraterritorial del Convenio europeo de derechos humanos y libertades fundamentales : el concepto de jurisdicción en perspectiva cosmopolita », in C. García Segura (dir.), La tensión cosmopolita. Avances y limites en la institucionalización del cosmopolitismo, Tecnos, Madrid, 2016, pp. 149-192. [↩]
- La terme de réfugié s’entend comme toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » : Convention relative au statut des réfugiés, signée le 28 juillet 1951 à Genève, RTNU, vol. 189, n° 2545, art. 1(A)(2). [↩]
- Dans le cadre du présent article, l’expression « migrants forcés » désigne, au-delà du terme restrictif de « réfugié », l’ensemble des personnes qui traversent ou tentent de traverser une frontière à la recherche d’une protection internationale (que celle-ci prenne la forme de l’asile ou de toute autre forme de protection). Ainsi, l’expression fait ici écho à celui de « protection seekers » utilisé par la doctrine afin de capturer les difficultés rencontrées par ces personnes au cours de leur (tentative de) voyage à la recherche d’une protection internationale : V. Moreno-Lax, Accessing Asylum in Europe: Extraterritorial Border Controls and Refugee Rights under EU Law, Oxford University Press, Oxford, New York, coll. Oxford Studies in European Law, 2017, p. 2. [↩]
- Voir infra, §36. [↩]
- Dans le cadre de cet article, l’expression « contrôles migratoires » se réfère à l’ensemble des procédés mis en œuvre dans le cadre de gestion de l’immigration et de l’asile et qui s’étend bien au-delà des frontières territoriales des États. Voir en ce sens: C. Costello, The Human Rights of Migrants and Refugees in European Law, Oxford University Press, Oxford, coll. Oxford Studies in European Law, 2015, pp. 1-2. [↩]
- Voir les contributions de C. Parisi, « Le processus d’extraterritorialisation des demandes d’asile dans l’Union européenne » ; M-C. Remy-Macaud, « Le Pays tiers sûr : outil d’externalisation à la frontière de l’extraterritorialité ? ; et E. Lenain, « Frontex et les pouvoirs de police extraterritoriaux de l’Union européenne ». [↩]
- Voir E. Guild, « The border abroad – visas and border controls », in K. Groenendijk, E. Guild and P. Minderhoud(dir.), In Search of Europe’s Borders, Kluwer, The Hague, 2003, pp. 87-105. [↩]
- See inter alia: F. Crépeau, « Les sanctions envers les transporteurs de personnes », in Droit d’asile : de l’hospitalité aux contrôles migratoires, Bruylant, Bruxelles, coll. Collection de droit international, 1995, n° 29, pp. 202-212 ; T. Rödenhauser, « Another Brick in the Wall: Carrier Sanctions and the Privatization of Immigration Control », Int’l J. Refugee L, 2014, n° 2, pp. 223-247; V. Moreno-Lax, « Carrier Sanctions and ILOs: Anticipated Enforcement of Visa Requirements through ‘Imperfect Delegation’— Diverting Flows, Entrenching Unsafety », in Accessing Asylum in Europe: Extraterritorial Border Controls and Refugee Rights under EU Law, Oxford University Press, Oxford, New York, coll. Oxford Studies in European Law, 2017, pp. 117-152. [↩]
- Pour une première mention de l’expression « politics of non-entrée » voir J. Hathaway, « The Emerging Politics of Non-Entrée », Refugees, 1992, vol. 91, pp. 40-41. [↩]
- J. Hathaway et T. Gammeltoft-Hansen, « Non-Refoulement in a World of Cooperative Deterrence », Colum. J. Transnat’l L, 2015, vol. 53/2, pp. 235-284. Voir aussi R. Zaiotti (dir.), Externalizing Migration Management: Europe, North America and the spread of ‘remote control’ practices, Routledge, London, New York, coll. Routledge research in place, space and politics series, 2018, 292 p. [↩]
- Ibid. [↩]
- M.-L. Basilien-Gainche, « Les boat people de l’Europe. Que fait le droit ? Que peut le droit ? », La Revue des droits de l’homme, 2016, n° 9, disponible sur : [revdh.revues.org]. [↩]
- See inter alia : C. Costello et I. Mann, « Border Justice: Migration and Accountability for Human Rights Violations”, German Law Journal, 2020, vol. 21/3, pp. 311-334; V. Mitsilegas, « The border abroad, Within and Beyond, A Rule-of-Law Based Deconstruction », in P. Minderhound, S. Mantu et K. Zwaan (dir.), Caught in between borders : citizens, migrants and humans : liber amicorum in honour of prof. dr. Elspeth Guild, Wolf Legal Publishers, Tilburg 2019, pp. 41-48 ; V. Moreno Lax et M. Giuffré, « The rise of contactless containment : from contactless control to contactless responsibility’ for migratory flows », in S. Juss (dir.), Research Handbook on International Refugee Law, Edward Elgar Publishing, Northampton, coll. Research Handbooks in International Law series, 2019, pp. 82-108 ; J. Hathaway et T. Gammeltoft-Hansen, « Non-Refoulement in a World of Cooperative Deterrence », Colum. J. Transnat’l L, 2015, vol. 53/2, pp. 235-284; E. Brouwer, « Extraterritorial Migration Control and Human Rights: Preserving the Responsibility of the EU and its Member States », in B. Ryan et V. Mitsilegas (dir.), Extraterritorial immigration control: legal challenges, Nijhoff, Leiden, coll. Immigration and asylum law and policy in Europe, 2010, n°21, pp. 199-228. [↩]
- Un mémoire a été déposé devant la Cour pénale internationale demandant au Procureur l’ouverture d’une enquête à propos de la politique migratoire de l’Union européenne et de ses États membres menée en méditerranée centrale et en Libye qui pourrait constituer un crime contre l’humanité, juin 2019, disponible sur : [statewatch.org].
Plus récemment, le Centre Suisse pour la Défense des Droits des Migrants a soumis une demande d’enquête au Comité contre la torture des Nations Unis sur le rôle joué par l’Italie dans le cadre des tortures subies par les migrants renvoyés en Libye, juin 2020, disponible sur : [centre-csdm.org]. Une plainte a également été déposée auprès de la Cour des comptes européennes concernant la mauvaise gestion des fonds de l’Union européenne dans le cadre du programme de soutien à la gestion intégrée des frontières et des migrations en Libye, avril 2020, disponible sur : [statewatch.org]. [↩]
- HCR, Global Trends, Forced Displacement in 2018, 19 juin 2019, disponible sur : [unhcr.org], p. 2. [↩]
- Ibid.: En 2018, près de 4 réfugiés sur 5 vivaient dans un pays voisin à leur pays d’origine. [↩]
- Ibid.: Les pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés dans le monde en 2018 étaient la Turquie, le Pakistan, l’Ouganda et le Soudan. [↩]
- AGNU, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Deuxième partie, Pacte mondial sur les réfugiés, Documents officiels, Soixante-treizième session, Supplément n° 12, résolution 73/12 (Part II), 2 août 2018, §3. [↩]
- Voir Organisation internationale pour les migrations (OIM), Missing Migrants Project – Tracking deaths along migratory routes, disponible sur : [missingmigrants.iom.int]. Pendant l’année 2019, 354 personnes qui tentaient de traverser la mer méditerranée ont été déclarées mortes ou portées disparues ; en 2020, à la date du 8 juillet, 1 198 personnes ont perdu la vie dans les mêmes circonstances. [↩]
- Voir European Council on Refugees and Exiles (ECRE), Med: 150 Stranded at Sea as Malta and Italiy Declare Ports ‘unsafe’, 10 avril 2020, disponible sur : [ecre.org]. Voir aussi HCR, Commentaires de Gillian Triggs, Haut-Commissaire assistante du HCR en charge de la protection internationale, sur les opérations de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale, 1er mai 2020, disponible sur : [unhcr.org]. [↩]
- Voir ECRE, Greece: Deadly Shot Fired from Greece, Continued Push-backs, Transfers to Mainland Met with Attacks, Parliament Votes on New Controversial Bill, 8 mai 2020, disponible sur : [ecre.org]. [↩]
- CEDH, op. cit., art. 32, Compétence de la Cour : « La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses Protocoles (…). ». [↩]
- Ibid., art 1er, Obligation de respecter les droits de l’homme : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. » (nous soulignons). [↩]
- T. Fleury-Graff, « Extraterritorialité et juridiction en matière de droits de l’homme « Juridiction, juridiction, quand tu nous tiens, on peut bien dire : Adieu prudence » ! » », in A. Miron et B. Taxil (dir.), Extraterritorialités et droit international, actes du colloque de la Société française de droit international organisé à Angers les 23 été 24 mai 2019, Pedone, Paris, 2019, pp. 211-232. [↩]
- La Cour parle d’une « condition sine qua non » : Cour EDH, 18 octobre 2012, Catan et autres c. République de Moldavie et Russie, req. n°43370/04, 18454/06 et 8252/05, §103 ; 8 juillet 2004, Ilaşcu et autres c. Moldavie et Russie, req. n° 48787/99, §311 ; Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., §130 ; (irr.), Gr. Ch., 5 mai 2020, M.N. et autres c. Belgique, req. n°3599/18, §97. [↩]
- Voir Cour EDH, 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), req. n° 15318/89, §§61 et 64 et Gr. Ch., 29 janvier 2019, Güzelyurtlu et autres c. Chypre et Turquie, req. n°36925/07, §197. [↩]
- CEDH, op. cit. art. 1er : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. » (nous soulignons). [↩]
- Sur la nécessité de différencier le « champ d’application spatial de l’ensemble d’un traité » et le « champ territorial d’une disposition précise » voir : J.-Y. Carlier, « Droit d’asile et des réfugiés : de la protection aux droits », R.C.A.D.I., vol. 332, 2008, p. 109. [↩]
- CEDH, op. cit., art 1er : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. » (nous soulignons). Voir aussi Cour EDH, Loizidou c. Turquie(fond), op. cit., §52. [↩]
- Cour EDH, Gr. Ch., 8 avril 2004, Assanidzé c. Géorgie, req. n° 71503/01, §144. [↩]
- Voir, par exemple, Cour EDH (irr.), Gr. Ch., 2 mai 2007, Behrami et Behrami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège, req. n°71412/01 et 78166/01. [↩]
- Voir Cour EDH, 7 Juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, req. n°14038/88, §86 ; Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §61 et 67 ; 8 juillet 2004, Ilaşcu et autres c. Moldavie et Russie, req. n° 48787/99, §312 ; et Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit. , §131. [↩]
- Voir Cour EDH, Ilaşcu et autres c. Moldavie et Russie, op. cit., §312 ; Assanidzé c. Géorgie, op. cit., §139 et Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., §131. [↩]
- Voir Cour EDH, Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §67 et Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., §131. [↩]
- Voir notamment Cour EDH, Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni [GC], op. cit., §133 ; Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), op. cit., §62 ; et Loizidou c. Turquie (fond), op. cit., §52. [↩]
- Pour une approche systématique préparée sous l’autorité du jurisconsulte de la Cour EDH, voir : Guide de l’Article 1 de la Convention : Obligation de respecter les droits de l’homme – Notions de « juridiction » et d’imputabilité, mis à jour au 20 avril 2020, disponible sur : [echr.coe.int]. Voir aussi, en particulier : Y. Shany, « The Extraterritorial Application of International Human Rights Law », RCADI, vol. 409, 2020, pp. 52-76. [↩]
- Ce cas de figure se retrouve typiquement lorsqu’un contrôle effectif est exercé sur une zone, suite à une action militaire, soit par l’intermédiaire des forces armées de l’État, soit par le biais d’une administration locale subordonnée. Voir Cour EDH, Catan et autres c. République de Moldavie et Russie, op. cit., §106 ; Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), op. cit., §62 ; 18 décembre 1996, Loizidou c. Turquie(fond), op. cit., §52 ; Chypre c. Turquie, op. cit., §76 ; Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §70 et Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., §138. [↩]
- Ce cas de figure a notamment été constaté pour des actes des agents diplomatiques ou consulaires de l’État en cause (voir infra §23) ou pour des actes commis à bord d’un navire battant son pavillon ou d’un aéronef immatriculé dans cet État (voir infra §33). [↩]
- Voir notamment I. Panoussis, « L’évolution de la « juridiction (iuris dictio) » des cours supranationales », in J. Andriantsimbazovina, L. Burgorgue-Larsen et S. Touzé (dir.), La protection des droits de l’homme par les Cours supranationales, Actes du colloque des 8 et 9 octobre 2015, Pedone, Paris, coll. Publications de l’Institut international des droits de l’homme, n° 31, 2016, pp. 31-54. [↩]
- Voir inter alia M. Bossuyt, « Des limites à la juridiction de la Cour de Strasbourg », in L’homme et le droit : En hommage au Professeur Jean-François Flauss, Pedone, Paris, 2014, pp. 117-127 ; T. Fleury-Graff, « Extraterritorialité et juridiction en matière de droits de l’homme « Juridiction, juridiction, quand tu nous tiens, on peut bien dire : Adieu prudence » ! » », op. cit. [↩]
- Durant la première moitié de l’année 2020, la Cour a ainsi conclu à la violation des articles 5(4) (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) par la Belgique dans le cadre de l’éloignement avec interdiction de séjour de 10 ans d’un ressortissant tunisien (Cour EDH, 18 février 2020, Makdoudi c. Belgique, req. n°12848/15) ; et à la violation de l’article 3 par la France pour des lenteurs administratives ayant empêché des demandeurs d’asile d’accéder aux conditions d’accueil prévues par le droit (Cour EDH, 2 juillet 2020, N.H. et autres c. France, req n°28820/13, 75547/13 et 13114/15). Pour un panorama complet de la jurisprudence de la Cour dans le domaine de l’immigration voir : Guide sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : Immigration, mis à jour au 30 avril 2020, disponible sur : [echr.coe.int]. [↩]
- Voir inter alia à propos de l’affaire M.N. et autres c. Belgique : D. Schmalz, « Will the ECtHR Shake up the European Asylum System? », Verfassungsblog, 30 novembre 2018, disponible sur : [verfassungsblog.de] ; E Delval, « La CEDH appelée à trancher la question des “visas asile” laissée en suspens par la CJUE: Lueur d’espoir ou nouvelle déception? », EU Immigration and Asylum Law and Policy, 12 février 2019, disponible sur : [eumigrationlawblog.eu] ; M. Despaux, « The ECtHR confronted to a question on “humanitarian visas”. An analysis of the pending case M.N. and Others v. Belgium (n° 3599/18) », International Law Blog, 31 Juillet 2019, disponible sur : [internationallaw.blog]. [↩]
- L. Riemer, « The ECtHR as a drowning ‘Island of Hope’?’ Its impending reversal of the interpretation of collective expulsion is a warning signal », Verfassungsblog, 19 février 2019, disponible sur : [verfassungsblog.de] ; R. Wieland, « Prohibiting Collective Expulsion in Melilla: What Should We Expect from the Upcoming Grand Chamber Decision? », Strasbourg Observers, 6 aout 2019, disponible sur : [strasbourgobservers.com]. [↩]
- S.S. et autres contre l’Italie, req. n°21660/18, affaire communiquée le 26 juin 2019. [↩]
- A titre d’exemple, dans le cadre de l’affaire M.N. et autres c. Belgiques, pas moins de 11 États, entendus à l’occasion de l’audience du 24 avril 2019, sont intervenus au soutien de la Belgique. [↩]
- M. Bossuyt, « Des limites à la juridiction de la Cour de Strasbourg », op. cit., p. 123. [↩]
- Règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), J.O., N° L 243, 15 septembre 2009, p. 1. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §118. [↩]
- Pour un exposé détaillé des faits voir l’affaire communiquée le 26 avril 2018. [↩]
- CJUE., 7 mars 2017, X. et X. c. Etat belge, aff. C‑638/16. [↩]
- Voir notamment S. Sarolea, J.Y. Sarlier, L. Leboeuf, « Délivrer un visa humanitaire visant à obtenir une protection internationale au titre de l’asile ne relève pas du droit de l’Union : X. et X., ou quand le silence est signe de faiblesse », Newsletter EDEM, mars 2017, disponible sur : [uclouvain.be] ; S. Morgades-Gil, « Humanitarian Visas and EU Law : Do States Have Limits To Their Discretionary Power to Issue Humanitarian Visas? », European Papers, 2017, vol. 2/3, pp. 1005-1016, disponible sur: [europeanpapers.eu]. [↩]
- M.N. et autres c. Belgique, req. n°3599/18, affaire communiquée le 26 avril 2018. [↩]
- Cour EDH, Gr. Ch., 13 février 2020, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n°8675/15 et 8697/15, §209. [↩]
- Ibid. [↩]
- A.-N. Reyhani, « Expelled from Humanity. Reflections on M.N. and Others v. Belgium », Verfassungsblog, 6 mai 2020, disponible sur : [verfassungsblog.de]; M. Baumgärtel, « Reaching the dead-end: M.N. and others and the question of humanitarian visas », Strasbourg Observers, 7 mai 2020, disponible sur : [strasbourgobservers.com] ; V. Stoyanova, « M.N. and Others v Belgium: no ECHR protection from refoulement by issuing visas », EJIL:Talk!, 12 mai 2020, disponible sur : [ejiltalk.org] ; A. De Leo et J. Ruiz Ramon, « Comparing the Inter-American Court opinion on diplomatic asylum applications with M.N. and Others v. Belgium before the ECtHR », EU Immigration and Asylum Law and Policy, 13 mai 2020, disponible sur : [eumigrationlawblog.eu] ; T. Gammeltoft-Hansen, « Adjudicating old questions in refugee law: MN and Others v Belgium and the limits of extraterritorial refoulement », EU Immigration and Asylum Law and Policy, 26 mai 2020, disponible sur : [eumigrationlawblog.eu] ; E. Lenain, « Il était une fois, un visa obligatoire qui n’existait pas. Quand les Cours européennes dansent la polka autour des lacunes du droit. », La Revue des Droits de l’Homme, Juin 2020, disponible sur : [journals.openedition.org] ; J.-Y. Carlier, L. Cools, E. Frasca, F. Gatta, S. Saroléa, « Humanitarian visa: Does the suspended step of the stork become a hunting permit ? », Newsletter EDEM, juin 2020, disponible sur : [uclouvain.be]. [↩]
- Code des visas, op. cit.., Art. 2(2). [↩]
- Ibid., art. 24(2)(b). [↩]
- Ibid., art. 25(1). [↩]
- Ces délais pouvant atteindre entre 19 et 21 mois selon les représentants des requérants. Voir l’audience de Grande Chambre dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique du 24 avril 2019, disponible sur : [echr.coe.int]. [↩]
- Voir les « Latest Asylum Trends » qui incluent la nationalité des demandeurs d’asile dans l’Union européenne enregristrées par le Bureau Européen d’appui en matière d’asile (EASO) disponible sur : [easo.europa.eu]. [↩]
- Voir le Règlement (UE) n°2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (texte codifié), J.O., n° L 303, 28 novembre 2019, p. 39. [↩]
- En Syrie, par exemple, l’ensemble des ambassades et missions diplomatiques des États membre de l’Union européenne ont été fermées en 2012 suite au déclenchement de la guerre civile. A propos de la présence consulaire des États membres de l’Union, voir : [ec.europa.eu]. [↩]
- Voir en ce sens E. Guild, « The border abroad – visas and border controls », op. cit.; E. Guild et D. Bigo (dir.), La mise à l’écart des étrangers: la logique du visa Schengen, Cultures & Conflits, 2003, n°49, 147 p. [↩]
- Résolution du Parlement européen du 11 décembre 2018 contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires, 2018/2271(INL), disponible sur : [europarl.europa.eu]. [↩]
- Commission européenne, Suite donnée à la résolution non législative du Parlement européen contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires, SP (2019)149, 1er avril 2019, disponible sur : [oeil.secure.europarl.europa.eu]. [↩]
- Ibid. [↩]
- Voir à ce propos : Myria, Visas humanitaires : vers une politique encadrée et transparente, Note de Myria pour la Commision de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique, Audition du 29 janvier 2019, disponible sur : [myria.be], p. 2. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §§48-51. [↩]
- Myria, Les Visas humanitaires : Frontières et droits fondamentaux, mai 2017, disponible sur : [myria.be], p. 17. [↩]
- Pour plus de détails, voir : MYRIA, Visas humanitaires : vers une politique encadrée et transparente, op. cit. [↩]
- Ibid. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §50. [↩]
- Voir notamment : « Un conseiller communal N-VA arrêté dans une affaire de trafic d’êtres humains », 15 janvier 2019, disponible sur: [lalibre.be] ; « Théo Francken mis en cause pour sa gestion des visas humanitaires », 13 mars 2019, disponible sur: [rtbf.be] ; « Affaire des visas humanitaires : Francken « assume ». Vers une comission d’enquête ? », 13 février 2019, disponible sur: [rtbf.be] [↩]
- E. Lenain, « Il était une fois, un visa obligatoire qui n’existait pas. Quand les Cours européennes dansent la polka autour des lacunes du droit. », La Revue des Droits de l’Homme, Juin 2020, disponible sur : [journals.openedition.org], p. 1. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §129. [↩]
- Ibid. §137. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ibid., §131. [↩]
- Ibid., §99. [↩]
- T. Gammeltoft-Hansen, « Adjudicating old questions in refugee law: MN and Others v Belgium and the limits of extraterritorial refoulement », op. cit. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §112. La Cour affirme d’ailleurs qu’il importe peut de savoir ont eu un simple « rôle de « boîte aux lettres » » ou à qui les décisions sont attribuables, de l’administration belge sur le territoire national ou des agents diplomatiques en poste à l’étranger (§114). [↩]
- Voir supra §8. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §116. [↩]
- Ibid., §119. [↩]
- Commission EDH, 25 septembre 1965, X. c. République Fédérale d’Allemagne, req. n° 1611/62, pp. 158 et 169 ; 15 décembre 1977, X. c. Royaume-Uni, req. n° 7547/76, p. 73 ; 14 octobre 1992, M c. Danemark, req. n° 17392/90, p. 193 ; Cour EDH, Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §73 ; Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., §134. [↩]
- Commission EDH, X. c. République Fédérale d’Allemagne, op. cit. [↩]
- Commission EDH, X. c. Royaume-Uni, op. cit. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §118. [↩]
- Ibid., §115. [↩]
- Commission EDH, M c. Danemark, op. cit. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §118. [↩]
- Voir Ibid., §117. [↩]
- Cour EDH, Güzelyurtlu et autres c. Chypre et Turquie, op. cit. [↩]
- Cour EDH (irr.), 28 janvier 2014, Abdul Wahab Khan c. Royaume-Uni, req. n°11987/11. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §123. [↩]
- Dans son arrêt de Grande Chambre du 13 février 2020, N.D. et N.T. c. Espagne (req. n°8675/15 et 8697/15), la Cour a en effet considéré le comportement du requérant comme un critère à même de limiter la protection contre l’expulsion collective en vertu de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention. Certains auteurs montrent que le manque de voies légales d’immigration expliquent pourquoi certaines personnes tentent d’entrer en Europe « by forcing the system » : J.-Y. Carlier, L. Cools, E. Frasca, F. Gatta, S. Saroléa, « Humanitarian visa : Does the suspended step of the stork become a hunting permit ? », op. cit. La solution de la Cour ne saurait cependant être la même dans le cadre de l’interprétation des droits absolus protégés au titre de l’art. 3 CEDH, voir infra §38. [↩]
- Cour EDH, Gr. Ch., 23 février 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, req. n°21165/09, §180 (nous soulignons). [↩]
- T. Gammeltoft-Hansen, « Adjudicating old questions in refugee law: MN and Others v Belgium and the limits of extraterritorial refoulement », op. cit. Voir aussi V. Stoyanova, « M.N. and Others v Belgium: no ECHR protection from refoulement by issuing visas », op. cit. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §112. [↩]
- Ibid., §120. [↩]
- Voir Cour EDH, Soering c. Royaume-Uni, op. cit, §§90-91 ; 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, req. n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, §103 ; 17 décembre 1996, Ahmed c. Autriche, req. n° 25964/9, §39 ; Gr. Ch., 27 avril 1997, H.L.R. c. France, req. n° 24573/94, §34 ; 11 juillet 2000, Jabari c. Turquie, req. n° 40035/98, §38 ; 11 janvier 2007, Salah Sheekh c. Pays-Bas, req. n° 1948/04, §135 ; Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §114. [↩]
- Cour EDH, N.D. et N.T. c. Espagne, §188. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §120. [↩]
- Cour EDH, 11 décembre 2018, M.A. et autres c. Lituanie, req. n°59793/17 et 11 décembre 2018, et , N.D. et N.T. c. Espagne, op. cit. [↩]
- Dans l’affaire N.D. et N.T, le grief sous l’article 3 avait été écarté par la Cour plus tôt dans la procédure. Voir : Cour EDH, 7 juillet 2015, N.D. et N.T. c. Espagne(exceptions préliminaires), req. n°8675/15 et 8697/15. [↩]
- Pour un examen détaillé du champ d’application ratione loci des obligations contenues à l’article 3 CEDH voir infra §36. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §123 (nous soulignons). [↩]
- Voir Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit. [↩]
- Cette image, en référence au titre du film réalisé par Theo Agelopoulos, est utilisée par Jean-Yves Carlier pour décrire ce paradoxe entre le droit de sortir et l’absence de droit d’entrée. Voir notamment : J.-Y. Carlier, « Conclusion : The Role of the Judge in Controlling the Genuine Enjoyment of the Substance of the Rights », in M.-C. Foblets et L. Leboeuf (dir.), Humanitarian Admission to Europe: The Law between Promisses and Constraints, Hart Publishing, Baden-Baden, 2020, p. 368. [↩]
- Dans l’affaire X. et X. devant la CJUE, l’avocat général Mengozzi relevait ainsi les « obstacles pratiques » au dépôt des demandes de visa des requérants qui, pour accéder au territoire libanais, et donc au consulat de Belgique ou de tout autre État européen, ont dû obtenir un rendez-vous au consulat de Belgique, afin d’obtenir un sauf-conduit de 48h pour se rendre au Liban et se présenter en personne au consulat : CJUE, X. et X. c. Belgique, Conclusions de l’avocat général Paolo Mengozzi, 7 février 2017, disponible sur : [curia.europa.eu], §172. [↩]
- Lors de l’audience, les représentant du gouvernement Belge, tout comme les États tiers intervenants avaient d’ailleurs mis en garde la Cour contre la reconnaissance de l’exercice par l’État belge de sa juridiction, considérant que cela représentait une « une limite qu’il ne faudrait pas franchir ». Voir l’audience de Grande Chambre dans l’affaire M.N. et autres c. Belgique du 24 avril 2019, disponible sur : [echr.coe.int]. [↩]
- Cour EDH, M.N. et autres c. Belgique, op. cit., §126. [↩]
- Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit.. [↩]
- Voir Cour EDH, Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §73 ; Gr. Ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n°3394/03, §65 ; 31 mai 2016, Bakanova c. Lituanie, req. n°11167/12, §63 ; Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §75. [↩]
- Cour EDH, Medvedyev et autres c. France, op. cit., §27. [↩]
- Ibid. [↩]
- Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §81. [↩]
- Ibid., §77. Dans ce cadre, la Cour affirme que l’exercice extraterritorial de la juridiction par l’État concerné sont reconnus tant par le droit international coutumier que par des dispositions conventionnelles. V. Cour EDH Banković et autres c. Belgique et autres, op. cit., §73 ; Medvedyev et autres c. France, op.cit., §65 ; Bakanova c. Lituanie, op. cit., §63 ; Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §75. [↩]
- Voir infra §41. [↩]
- Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §79. [↩]
- Pour une analyse de l’application d’autres droits de l’homme au-delà des frontières des États parties à la CEDH telles que les respect de la vie privée et familiale (art. 8) ou le droit de quitter tout pays y compris le sien (art. 2(2) du Protocole n°4) voir : E. Brouwer, « Extraterritorial Migration Control and Human Rights: Preserving the Responsibility of the EU and its Member States », op. cit., pp. 218 s.. [↩]
- Voir Cour EDH 7 Juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, req. n°14038/88, §§90-91 ; 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, req. n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, §103 ; 17 décembre 1996, Ahmed c. Autriche, req. n° 25964/9, §39 ; Gr. Ch., 27 avril 1997, H.L.R. c. France, req. n°24573/94, §34 ; 11 juillet 2000, Jabari c. Turquie, req. n° 40035/98, §38 ; 11 janvier 2007, Salah Sheekh c. Pays-Bas, req. n° 1948/04, §135 ; Gr. Ch., 23 février 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §114. [↩]
- Cour EDH (irr.), Gr. Ch., 13 février 2020, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n°8675/15 et 8697/15, §188. [↩]
- D. Alland et C. Teitgen-Colly,Traité du droit de l’asile, Presses universitaires de France, Paris, coll. Droit fondamental, 2002, p. 42, §25. [↩]
- Convention relative au statut des réfugiés, signée le 28 juillet 1951 à Genève, RTNU, vol. 189, n° 2545, art. 33. [↩]
- HCR, Advisory Opinion on the Extraterritorial Application of Non-Refoulement Obligations under the 1951 Convention relating to the Status of refugees and its 1967 Protocol, Genève, 26 janvier 2007, disponible sur : [refworld.org], §43. Voir aussi: HCR, EXCOM, Interception of Asylum-Seekers and Refugees: The International Framework and Recommendations for a Comprehensive Approach, EC/50/SC/CRP.17, 9 juin 2000, §23. [↩]
- Voir en ce sens J.-Y. Carlier, « Droit d’asile et des réfugiés : de la protection aux droits », R.C.A.D.I., vol. 332, 2008, p. 109. [↩]
- Gr. Ch., 23 février 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op.cit., §125. [↩]
- Voir Cour EDH (irr.), 23 février 1999, Andric c. Suède, req. n° 45917/99 ; 5 février 2002, Čonka c. Belgique, req. n°51564/99, §59 ; 20 septembre 2007, Sultani c. France, req. n° 45223/05, §81 (nous soulignons). [↩]
- C.D.I., « Projet d’articles sur l’expulsion des étrangers et commentaires y relatifs », ACDI, vol. II(2), 2014, disponible sur : [legal.un.org], art. 2, Définitions : « Aux fins du présent projet d’articles : a) « Expulsion » s’entend d’un acte juridique ou d’un comportement attribuable à un État par lequel un étranger est contraint de quitter le territoire de cet État ; elle n’inclut pas […] la non-admission d’un étranger dans un État ». Voir aussi le Commentaire 5) relatif à cet article. [↩]
- Selon sa jurisprudence constante, la Cour considère que la CEDH est « un instrument vivant qui doit être interprété à la lumière des conditions de vie actuelles », voir inter alia : Cour EDH, 7 Juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, req. n°14038/88, §102 ; 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), op. cit., §71. [↩]
- Voir Cour EDH, Gr. Ch., 4 février 2005, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, req. n°46827/99 et 46951/99, §121 ; Gr. Ch., 10 novembre 2005, Leyla Şahin c. Turquie, req. n°44774/98, §136. [↩]
- Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §176. [↩]
- Ibid., §177. [↩]
- Ibid., §178. [↩]
- Ibid., §185. [↩]
- Cour EDH, 21 octobre 2014, Sharifi et autres c. Italie et Grèce, req. n°16643/09, §212. [↩]
- Ibid., §§210-213. [↩]
- Ibid., §212. [↩]
- Cour EDH (irr.), Gr. Ch., 13 février 2020, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n°8675/15 et 8697/15. Voir : H. Hakiki, « N.D. and N.T. v. Spain: defining Strasbourg’s position on push backs at land borders? », Strasbourg Observers, 26 mars 2020, disponible sur : [strasbourgobservers.com]; A. Lübbe, « The Elephant in the Room. Effective Guarantee of Non-Refoulement after ECtHR N.D. and N.T.? », Verfassungsblog, 19 février 2020, disponible sur : [verfassungsblog.de] ; N. Markard, « A Hole of Unclear Dimensions: Reading ND and NT v. Spain », EU Immigration and Asylum Law and Policy, 1er avril 2020, disponible sur : [eumigrationlawblog.eu]; C. Oviedo Moreno, « A Painful Slap from the ECtHR and an Urgent Opportunity for Spain », Verfassungsblog, 14 février 2020, disponible sur : [verfassungsblog.de]; S. Papageorgopoulos, « N.D. and N.T. v. Spain: do hot returns require cold decision-making? », European Database of Asylum Law (EDAL), 28 février 2020, disponible sur : [asylumlawdatabase.eu]; M. Pichi et D. Shmalz, « “Unlawful” may not mean rightless. The shocking ECtHR Grand Chamber judgment in case N.D. and N.T. », Verfassungsblog, 14 février 2020, disponible sur : [verfassungsblog.de] ; D. Thym, « A Restrictionist Revolution? A Counter-Intuitive Reading of the ECtHR’s N.D. & N.T.-Judgment on ‘Hot Expulsions’ at the Spanish-Moroccan Border », Verfassungsblog, 17 février 2020, disponible sur : [verfassungsblog.de]; R. Wissing, « Push backs of “badly behaving” migrants at Spanish border are not collective expulsions (but might still be illegal refoulements) », Strasbourg Observers, 25 février 2020, disponible sur : [strasbourgobservers.com]. [↩]
- Cour EDH, 3 octobre 2017, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n°8675/15 et 8697/15. [↩]
- Ibid., §§98-108. [↩]
- Cour EDH N.D. et N.T. c. Espagne, op. cit., §191. [↩]
- Cour EDH N.D. et N.T. c. Espagne, op. cit., §200. [↩]
- Ibid., §201. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ibid. [↩]
- En particulier, de nombreux témoignages indique l’impossibilité pour les migrants subsahariens d’accéder au poste-frontière de Beni Enzar à Melilla. Voir notamment : Rapport de la mission d’information effectuée par l’Ambassadeur Tomáš Boček, Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés, en Espagne du 18 au 24 mars 2018, 3 septembre 2018, SG/Inf(2018)25, disponible sur : [coe.int], §4.1 ; Forensic architecture team, Pushbacks in Melilla: ND and NT v. Spain, disponible sur : [forensic-architecture.org]. [↩]
- Voir notamment M. Pichi et D. Shmalz, « “Unlawful” may not mean rightless. The shocking ECtHR Grand Chamber judgment in case N.D. and N.T. », op. cit. [↩]
- Voir Cour EDH, N.D. et N.T. c. Espagne(exceptions préliminaires), op. cit. [↩]
- Voir en ce sens D. Thym, « A Restrictionist Revolution? A Counter-Intuitive Reading of the ECtHR’s N.D. & N.T.-Judgment on ‘Hot Expulsions’ at the Spanish-Moroccan Border », op. cit. [↩]
- Voir en ce sens A. Lübbe, « The Elephant in the Room. Effective Guarantee of Non-Refoulement after ECtHR N.D. and N.T.? », op. cit. [↩]
- Cette expression fait référence à la formulation utilisée par Violeta Moreno-Lax et Mariagiulia Giuffré pour désigner les nouvelles politiques de non-entrée basée sur la coopération avec des pays tiers et de transit. Voir V. Moreno Lax et M. Giuffré, « The rise of contactless containment: from contactless control to contactless responsibility’ for migratory flows », op. cit. [↩]
- Voir A. Baldaccini, « The External Dimension of the EU’s Asylum and Immigration Policies: Old Concerns and New Approaches », in A. Baldaccini, Guild E. et H. Toner (dir.), Whose freedom, security and justice?: EU immigration and asylum law and policy, Oxford: Hart, 2007, coll. Essays in European Law, p. 277 s. [↩]
- Voir la contribution de E. Lenain, « Frontex et les pouvoirs de police extraterritoriaux de l’Union européenne ». [↩]
- Del Valle Gálvez Alejandro, « Los refugiados, la fronteras exteriores y la evolucion del concepto de frontera internacional », Revista de Derecho Comunitario Europeo, n° 55, 2016, pp. 774-775. [↩]
- Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit. [↩]
- Cour EDH, Medvedyev et autres c. France, op. cit. [↩]
- Cour EDH, S.S. et autres contre l’Italie, req. n°21660/18, affaire communiquée le 26 juin 2019. [↩]
- Pour une reconstitution détaillée des faits v. le travail du Forensic Oceanography Team et du Forensic Architecture Team, Sea Watch vs The Lybian Coastguard, disponible sur : [forensic-architecture.org]. [↩]
- Voir Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §§19-21. [↩]
- Voir l’accord bilatéral de coopération pour la lutte contre l’immigration clandestine du 29 décembre 2007 et son Protocole additionnel fixant les modalités opérationnelles et techniques pour la mise en œuvre de cet accord, renforcé par le Protocole additionnel du 4 février 2009, et le Traité d’amitié du 10 aout 2009, art. 19, disponible sur : [gazzettaufficiale.it]. [↩]
- S.S. et autres contre l’Italie, op. cit., affaire communiquée le 26 juin 2019. [↩]
- Memorandum d’intesa sulla cooperazione nel campo dello sviluppo, del contrasto all’immigrazione illegale, al traffico di esseri umani, al contrabbandoe sul rafforzamento della sicurezza delle frontiere tra lo Stato della Libia e la Repubblica Italiana, 2 février 2017, disponible sur : [statewatch.org] [↩]
- Ibid., art. 1er. [↩]
- Ibid., art. 4. [↩]
- Ibid. art. 3. [↩]
- Pour un exposé approfondi de l’implication financière, logistique et opérationnelle de l’Italie dans ce contexte voir: V. Moreno-Lax, « The Architecture of Functional Jurisdiction: Unpacking Contactless Control – On Public Powers, S.S. and Others v. Italy, and the “Operational Model” », German Law Journal, 2020, vol. 21/3, pp. 390-396. [↩]
- Commmissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Video speech given on the occasion of the 20th Berlin Conference on refugee Rights « Europe, Coronavirus and Human Rights – The Significance of the European Convention on Human Rights (ECHR) for the Protection of Refugees », CommDH/Speech(2020)6, 22 juin 2020, disponible sur: [rm.coe.int]. [↩]
- Cour EDH, N.D. et N.T. c. Espagne, op.cit., §221. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ibid., §110. [↩]
- Ibid. [↩]
- Cour EDH, Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni, op. cit., Opinion Concordante du juge Bonello, §§4 s. [↩]
- Voir inter alia, I. Panoussis, « L’évolution de la « juridiction (iuris dictio) » des cours supranationales », op. cit., pp. 31-54.; S. Besson, « The Extraterritoriality of the European Convention on Human Rights: Why Human Rights Depend on Jurisdiction and What Jurisdiction Amounts to », Leiden journal of international law, 2012, vol. 25, p. 863; Y. Shany, « Taking Universality Seriously: A Functional Approach to Extraterritoriality in International Human Rights Law », The Law & Ethics of Human Rights, 2013, vol. 7/1, pp. 47-71. [↩]
- V. Moreno-Lax, « The Architecture of Functional Jurisdiction: Unpacking Contactless Control – On Public Powers, S.S. and Others v. Italy, and the “Operational Model” », op. cit., pp. 402-404. [↩]
- Ibid., p. 403. [↩]
- Ibid., pp. 402-404. [↩]
- Ibid. [↩]
- Voir Ibid., pp. 404-413. [↩]
- Voir la notion de « judicial passivism », interprétée comme une sous-catégorie du « judicial activism » : I. Goldner Lang, « Towards ‘Judicial Passivism’ in EU Migration and Asylum Law ? Preliminary Thoughts for the Final Plenary Session of the 2018 Odysseus Conference », EU Immigration and Asylum Law and Policy, 24 janvier 2018, disponible sur: [eumigrationlawblog.eu]. [↩]
- A ce propos, la Cour rappelle que « garder des contacts avec les intéressés tout au long de la procédure » est essentiel « pour confirmer la persistance de l’intérêt du requérant à la Continuation de l’examen de la requête ». Voir les articles 34 et 37 de la CEDH. A titre d’exemple, dans l’affaire Hirsi, sur les 24 requérants initiaux, 2 sont décédés dans des circonstances inconnues et, à la suite de la révolte ayant éclaté en Libye en février 2011, la qualité des contacts entre les requérants et leurs représentants s’est dégradée, les avocats n’étant finalement en contact qu’avec 6 d’entre eux au moment du rendu de l’arrêt par la Cour, Voir Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, op. cit., §§45-47. [↩]
- Le terme d’« accountability » est ici utilisé non pas comme la notion de « responsabilité » qui correspond aux obligations à la charge des États, mais comme la possibilité pour les individus de faire respecter leurs droits. Voir: E. Brouwer, « Extraterritorial Migration Control and Human Rights: Preserving the Responsibility of the EU and its Member States », op. cit., p. 201. [↩]
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