RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 89-2 du code du domaine de l’Etat devenu l’article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu que, dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, il est institué, dans un délai qui ne peut être supérieur à un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, une commission départementale de vérification des titres ; que cette commission apprécie la validité de tous les titres antérieurs à l’entrée en vigueur du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 qui n’ont pas été examinés par la commission, prévue par son article 10, établissant les droits de propriété, réels ou de jouissance, sur les terrains précédemment situés sur le domaine de la zone des cinquante pas géométriques dont la détention par la personne privée requérante n’était contrariée par aucun fait de possession d’un tiers à la date du 1er janvier 1995 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 septembre 2008), que se prétendant propriétaire de diverses parcelles situées dans la zone des cinquante pas géométriques, M. Emile X… a saisi la commission de vérification des titres ;
Attendu que pour valider et déclarer opposable à l’Etat le titre produit en ce qu’il porte sur les parcelles cadastrées section W n° 79, 80, 92, 95, 360 dans les limites énoncées aux motifs du jugement et 424 dans la limite de la partie plantée en cannes, l’arrêt retient que le transfert de propriété est attesté par le procès-verbal dressé à l’audience des criées du tribunal de Fort-de-France, à savoir par un titre émanant de l’autorité judiciaire, de telle sorte que l’origine de propriété des biens litigieux ne peut être contestée ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le titre de propriété avait été délivré à l’origine par l’Etat, lequel pouvait seul procéder à la cession, à un particulier ou à une collectivité locale, d’un terrain faisant originairement partie du domaine public, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 septembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne les consorts X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le préfet de la Martinique.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir reconnu que le droit de propriété de Monsieur Emile X… se trouve valablement établi sur les parcelles section W n° 79, 80, 92, 95, 360 et 424, lieu-dit Reynoird au Robert ;
Aux motifs qu’en ce qui concerne l’origine du titre dont la validation est demandée, il s’évince de l’« origine de propriété » que le vendeur est « propriétaire de l’usine du Robert et des habitations » vendues « pour s’en être rendu adjudicataire sur la vente aux enchères après conversion de saisie immobilière qui en a été faite à la requête de M. Z… Y…( ) contre les liquidateurs judiciaires de la société anonyme de l’usine du Robert et autres aux termes d’un procès-verbal dressé à l’audience des criées du Tribunal de première instance de Fort-de-France du 22 août 1911 enregistré en cette ville le 27 du même mois ( ) » ; il en résulte que le transfert de propriété est attesté par le procès-verbal dressé à l’audience des criées du Tribunal de Fort-de-France, à savoir par un titre émanant de l’autorité judiciaire, de telle sorte que l’origine de la propriété des biens litigieux ne peut être contestée ; il y a lieu en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Alors qu’aux termes de l’article L. 89-2 du code du domaine de l’Etat, la commission instituée par la loi du 30 décembre 1996 apprécie la validité de tous les titres antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 établissant les droits de propriété, réels ou de jouissance, sur les terrains précédemment situés sur le domaine de la zone des cinquante pas géométriques dont la détention par la personne privée requérante n’était contrariée par aucun fait de possession d’un tiers à la date du 1er janvier 1995 ; que si ce texte permet à une personne privée de présenter son titre de propriété quelle que soit la personne dont il émane (particulier ou Etat), il n’en demeure pas moins que le titre originaire dans la chaîne de propriété doit émaner de l’Etat ; que dès lors, en statuant ainsi, la cour a violé le texte susvisé.