RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Sannois, 29 juillet 2011), que l’Union des syndicats pour un droit social pleinement appliqué aux salariés (ci-après UDSPA-salariés) a déposé ses statuts en mairie de Beauchamp en juillet 2010 ; que lors de l’organisation d’élections professionnelles au sein de la société Clinique du Parisis, l’employeur par lettre du 5 juillet 2011 a indiqué au syndicat UDSPA-salariés qu’il n’était pas invité à la négociation préélectorale dans la mesure où il n’était pas constitué depuis au moins deux ans ; que, le 12 juillet 2011, le syndicat a saisi le tribunal d’instance aux fins de juger qu’il devait être invité à la négociation préélectorale ;
Attendu que le syndicat UDSPA-salariés fait grief au jugement de dire qu’il ne peut participer à la négociation du protocole préélectoral, par le moyen annexé au présent arrêt, tiré de ce que les articles L. 2314-3 et L. 2324-4 du code du travail, en ce qu’ils exigent une condition d’ancienneté de deux années pour les organisations syndicales être invitées à négocier le protocole préélectoral et présenter des candidats aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise, est contraire aux articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 2, 7, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la convention de l’Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 5 A, E et G de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996, 11, 14, 18 et 53 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, les articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le principe européen selon lequel « le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur de ce qu’il a à dire au nom de ses membres » et le principe européen selon lequel « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante » ;
Mais attendu que l’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans subordonnant la présentation par une organisation syndicale de candidats au premier tour des élections professionnelles constitue une condition justifiée et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs représentants et l’exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l’entreprise, sans priver tout salarié de la liberté de créer un syndicat ou d’adhérer au syndicat de son choix, et ne porte dès lors atteinte à aucun des textes invoqués par le moyen ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la
demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par l’Union des syndicats pour un droit social pleinement appliqué aux salariés.
Il est fait grief au jugement D’AVOIR débouté « l’UDSPA-Salariés de sa demande tendant à dire que l’article L. 2314-3 du code du travail n’est pas conforme aux articles 02, 05, 22 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966, aux articles 02, 07, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, aux articles 02, 03, 05, 06 et 08 de la Convention OIT n° 87 sur la Liberté Syndicale et la Protection du Droit Syndical de 1948, aux articles 05, A, E et G de la Charte Sociale Européenne révisée du 3 mai 1996, aux articles 11, 14, 18 et 53 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 telle qu’amendée par les protocoles n° 11 et n° 14, aux articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne du 12 décembre 2007, au principe européen selon lequel « Le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur d’écouter ce qu’il a à dire au nom de ses membres » et au principe européen selon lequel : « La démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante »
AUX MOTIFS QUE « S’agissant du critère d’ancienneté, il convient de rappeler que ce critère existait auparavant mais ne comprenait pas d’exigence de durée minimale, la Cour de cassation estimant pour sa part que la date récente de constitution d’un syndicat, n’étant pas nécessairement, à elle seule, exclusive de sa représentativité.
Depuis la Loi du 20 août 2008, le syndicat doit justifier d’une ancienneté minimale de deux ans dans les champs professionnels et géographiques couvrant le niveau de négociation, cette durée s’appréciant à compter de la date de dépôt légal de ses statuts.
Cette Loi portant rénovation de la démocratie sociale a eu pour finalité d’octroyer une nouvelle légitimité aux acteurs de la négociation collective.
Elle a mis fin à la représentativité de plein droit pour lui substituer un système de représentativité prouvée à partir de critères rénovés, son objectif a été de renforcer la légitimité des acteurs de la négociation.
Dès lors, elle ne saurait être taxée de discriminatoire puisqu’elle favorise l’implantation des syndicats dans l’entreprise.
Au surplus, s’il est exact que les dispositions européennes et internationales visées par la demanderesse posent en principe l’égalité de tous et la liberté syndicale, il n’en demeure pas moins qu’il est reconnu aux Etats la possibilité d’édicter des restrictions prévues par la Loi et nécessaires dans une société démocratique.
La représentativité est un concept juridique qui reconnaît une compétence aux syndicats, celle d’être les porte-parole des salariés. Elle en fait des interlocuteurs privilégiés de l’autorité publique et de l’employeur. Elle constitue à cet égard un instrument précieux de dialogue social.
Dès lors, en érigeant comme condition nécessaire une ancienneté de deux ans pour pouvoir permettre à tout syndicat d’être reconnu représentatif, l’Etat français n’a fait qu’usage de la possibilité qui était la sienne d’encadrer la liberté syndicale et ce, dans un soucis de favoriser le dialogue social et de rendre possible les négociations de branche.
En conséquence de ce qui précède, il y a donc lieu de constater que les articles L. 2314-3 et L. 2324-23 du code du travail sont conformes aux dispositions internationales et européennes ».
ALORS QUE, abstraction faite des motifs inopérants rappelant les principes généraux de la négociation collective, le législateur, en imposant à certaines organisations syndicales et non à l’ensemble des organisations syndicales qu’elles remplissent une condition supplémentaire de deux ans d’ancienneté à compter de la date à laquelle celles-ci ont légalement été constituées afin d’être informées, par voie d’affichage, de l’organisation des élections et être invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral ou être invitées par courrier et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise, a inéluctablement pris des dispositions de nature à influencer la personne, au sens des textes susvisés, dans sa propre liberté d’adhérer à une organisation syndicale et a également pris des dispositions susceptibles d’avoir pour objet ou pour effet, de manière directe ou indirecte, de limiter ou de priver d’existence les articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966, les articles 2, 7, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, les articles 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la Convention OIT n° 87 sur la Liberté Syndicale et la Protection du Droit Syndical de 1948, les articles 5, A, E et G de la Charte Sociale Européenne révisée du 3 mai 1996, les articles 11, 14, 18 et 53 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 telle qu’amendée par les protocoles n° 11 et n° 14, les articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne du 12 décembre 2007, le principe européen selon lequel « Le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur d’écouter ce qu’il a à dire au nom de ses membres » et le principe européen selon lequel : « La démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante » qui, ensemble, ont trait à la liberté syndicale, au principe d’égalité de traitement entre les organisations syndicales et au principe de non-discrimination entre les organisations syndicales et que, par conséquent, le contenu litigieux des articles L. 2314-3 et L. 2324-23 du code du travail ne peut qu’être écarté au profit des principes internationaux et européens de liberté syndicale, d’égalité de traitement entre les organisations syndicales et de non-discrimination entre les organisations syndicales, ce dont il résulte que le législateur ne peut exiger des organisations syndicales d’être légalement constituées depuis au moins deux ans – laquelle exigence est de nature à créer un véritable handicap pour les nouvelles organisations syndicales, celles constituées depuis moins de deux ans – afin qu’elle puissent être informées, par voie d’affichage, de l’organisation des élections et être invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise, le Tribunal d’instance de Sannois a violé les articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966, les articles 2, 7, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, les articles 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la Convention OIT n° 87 sur la Liberté Syndicale et la Protection du Droit Syndical de 1948, les articles 5, A, E et G de la Charte Sociale Européenne révisée du 3 mai 1996, les articles 11, 14, 18 et 53 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950 telle qu’amendée par les protocoles n° 11 et n° 14, les articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne du 12 décembre 2007, le principe européen selon lequel « Le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur d’écouter ce qu’il a à dire au nom de ses membres » et le principe européen selon lequel : « La démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante ».