REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et la société d’assurance AXA France IARD ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur payer respectivement les sommes de 121 613,94 euros et de 9 045,95 euros en réparation du préjudice qu’elles ont subi à la suite de l’incendie de l’un des locaux de la fondation, qui a été provoqué le 8 novembre 2005 par deux mineurs ayant fait l’objet d’une procédure d’assistance éducative et, d’autre part, de mettre à la charge du département les entiers dépens, notamment les frais d’expertise. Par un jugement n° 1002871 du 23 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à payer la somme de 121 613,94 euros à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et la somme de 9 045,95 euros à la société d’assurance AXA France IARD et a mis à la charge de ce département les dépens liquidés et taxés à hauteur de 3 805,48 euros.
Par un arrêt n° 12MA02583 du 21 février 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a réduit à 45 000 euros la somme que le département des Bouches-du-Rhône a été condamné à verser à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et a rejeté le surplus des conclusions de la requête d’appel du département.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 3 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 12MA02583 du 21 février 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les conclusions de la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et de la société d’assurance AXA France IARD tendant à ce qu’il soit condamné à les indemniser des préjudices qu’ils ont subis à la suite de l’incendie survenu le 8 novembre 2005 ;
3°) de mettre à la charge de la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et de la société d’assurance AXA France IARD la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– le code civil ;
– le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat du département des Bouches du Rhône et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que deux mineurs ayant fait l’objet de mesures d’assistance éducative en application des articles 375 et suivants du code civil ont été confiés, par deux jugements du juge des enfants du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence des 25 février et 1er juin 2005, au service départemental de l’aide sociale à l’enfance des Bouches-du-Rhône ; que, par un jugement du tribunal pour enfants d’Aix-en-Provence du 22 février 2006, devenu définitif en matière pénale, ces deux mineurs ont été déclarés coupables de l’incendie qui s’est déclaré le 8 novembre 2005 dans une partie des locaux de la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » situés 20 boulevard Madeleine Remuzat à Marseille ; que, par un jugement du 23 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à verser la somme de 121 613,94 euros à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » en réparation des dommages causés dans ses locaux par l’incendie, la somme de 9 045,95 euros à la société d’assurance AXA France IARD et la somme de 3 805,48 euros au titre des dépens, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2010 ; que le département des Bouches-du-Rhône se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 21 février 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a ramené à 45 000 euros la somme qu’il a été condamné à verser à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » mais rejeté le surplus des conclusions de son appel ;
2. Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le juge confie la garde d’un mineur, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l’une des personnes mentionnées à l’article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu’en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que cette responsabilité n’est susceptible d’être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
3. Considérant qu’après avoir relevé que la garde des deux mineurs avait été confiée, en vertu de jugements du juge des enfants du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence des 25 février et 1er juin 2005, au département des Bouches-du-Rhône et que cette collectivité territoriale se trouvait ainsi investie, à l’époque des faits, de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie de ces mineurs, la cour administrative d’appel n’a commis aucune erreur de droit en jugeant qu’alors même qu’à cette date les deux mineurs étaient placés à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil « , qui en assurait, en qualité de participante à l’exécution du service public de l’aide sociale à l’enfance, la prise en charge, cette fondation devait être regardée comme un tiers susceptible de poursuivre, dans les conditions précisées au point 2 ci-dessus, la responsabilité sans faute du département ;
4. Considérant, en second lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les investissements réalisés immédiatement après l’incendie par la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » pour remettre en état les locaux et racheter le mobilier utile à son fonctionnement et à l’accueil des jeunes ont été couverts, ainsi que le soutenait le département des Bouches-du-Rhône devant la cour administrative d’appel, par l’augmentation du prix journée pour les années 2007 et 2008 ; que, par suite, la cour n’a entaché son arrêt d’aucune dénaturation en jugeant que les faits allégués ne ressortaient pas des pièces du dossier qui lui était soumis ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du-Rhône n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3 000 euros à verser à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » au titre des dispositions du même article ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du département des Bouches-du-Rhône est rejeté.
Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera une somme de 3 000 euros à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône, à la fondation » Les orphelins apprentis d’Auteuil » et à la société d’assurance AXA France IARD.