RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés le 13 septembre 1994 et le 13 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. X…, demeurant … ; M. X… demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 10 mai 1994 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision de la chambre régionale de discipline de la région Paris Ile-de-France, en date du 17 mars 1992 et a confirmé la peine de radiation prononcée à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 45-2370 du 15 octobre 1945 modifié ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel;
Vu l’ordonnance n°45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
– les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de M. X… et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés,
– les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( …) » ; que l’article 20 du décret n° 45-2370 du 15 octobre 1945 modifié pris pour l’application de l’ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée susvisée relative à l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés dispose que les séances des chambres régionales et de la chambre nationale de discipline ne sont pas publiques ;
Considérant qu’il résulte de l’article 53 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée que les chambres de discipline de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés peuvent prononcer, outre les sanctions de la réprimande et du blâme, les sanctions de la suspension temporaire du droit d’exercer la profession ou la radiation du tableau ; qu’ainsi les décisions prises par lesdites chambres sont susceptibles de porter atteinte à l’exercice du droit d’exercer la profession d’expert-comptable, lequel revêt le caractère d’un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il suit de là que les stipulations de l’article 6-1 précitées s’appliquent à la procédure suivie devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés sans que puisse en tout état de cause y faire obstacle la circonstance que le professionnel concerné n’ait pas expressément demandé que le jugement de son affaire soit public ;
Considérant que, saisie en appel, la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés a confirmé, par une décision en date du 10 mai 1994, la peine de radiation prononcée à l’encontre de M. X… par la chambre régionale de discipline de la région Paris Ile-de-France, le 17 mars 1992 ; que si la décision attaquée mentionne qu’elle a été prise après une audience publique, il ressort toutefois des pièces du dossier, et il n’est pas contesté, que, pour assurer la publicité de l’audience, la chambre nationale de discipline s’est bornée à ouvrir les portes de la salle d’audience qui est située à l’intérieur d’un immeuble à l’extérieur duquel est apposée une plaqueindiquant « Accès interdit à toute personne étrangère à l’immeuble » ; que, dans ces conditions, M. X…, qui n’avait pas été prévenu que l’audience serait publique, par dérogation à la procédure prévue par les textes applicables à la date des faits litigieux, est fondé à contester le caractère public de la séance du 10 mai 1994 ; qu’il résulte de ce qui précède que M. X… est fondé à demander l’annulation de la décision du 10 mai 1994 de la chambre nationale de discipline qui a confirmé la peine de radiation prononcée à son encontre par la chambre régionale de discipline de la région Paris Ile de France ; qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des géomètres experts ;
Sur les conclusions du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 10 mai 1994 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés.
Article 3 : Les conclusions de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond X…, au conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.