RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 25 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande, présentée le 19 août 2013, tendant à l’abrogation des articles D. 115-7 à D. 115-12 et de l’article D. 269 du code de procédure pénale ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre d’abroger les articles D. 115-7 à D. 115-12 et l’article D. 269 du code de procédure pénale ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule et l’article 61-1 ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code de procédure pénale ;
– la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
– le décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 ;
– le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.
Sur l’abrogation des dispositions des articles D. 115-7 à D. 115-12 du code de procédure pénale relatives au retrait de crédit de réduction de peine pour cause de mauvaise conduite d’un détenu :
1. Considérant qu’aux termes de l’article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date du refus attaqué : » (…) En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l’application des peines peut être saisi par le chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. (…) / Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le retrait prévu par le troisième alinéa du présent article est alors de deux mois maximum par an et de cinq jours par mois. (…) / Lors de sa mise sous écrou,.le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de libération compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa, des possibilités de retrait, en cas de mauvaise conduite ou de commission d’une nouvelle infraction après sa libération, de tout ou partie de cette réduction Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération » ; que les articles D. 115-7 à D. 115-12 du même code précisent les conditions dans lesquelles un détenu peut se voir retirer le bénéfice d’un crédit de réduction de peine pour cause de mauvaise conduite ;
2. Considérant, en premier lieu, que, les obligations et interdictions qui s’imposent aux personnes détenues sont définies par les dispositions du titre II du livre V du code de procédure pénale, relatives à » la détention « , par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ainsi que par le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires fixé, en vertu de l’article 728 du code de procédure pénale, par décret en Conseil d’Etat ; que le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires, fixé par le décret du 30 avril 2013, précise les droits et les devoirs qui s’imposent aux personnes détenues, notamment en ce qui concerne leurs règles de vie, leur hygiène et leur santé, leur préparation à la réinsertion, la gestion de leurs biens et leurs relations avec l’extérieur ; qu’en vertu de l’article R. 57-6-20 du même code, le règlement intérieur de l’établissement est tenu à la disposition des personnes détenues qui en font la demande ; qu’ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions des alinéas cités au point 1 de l’article 721 du code de procédure pénale, qui constituent le fondement des articles D. 115-7 à D. 115-12 du même code, définissent de façon suffisamment claire et précise la mauvaise conduite du détenu, qui est susceptible de justifier le retrait du bénéfice d’un crédit de réduction de peine ; que, par suite le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines, garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, doit, en tout état de cause, être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu’en précisant, dans les limites définies par les dispositions de l’article 721 du code de procédure pénale, que la décision de retrait du bénéfice du crédit de réduction de peine n’a pas pour effet de remettre à exécution la ou les peines auxquelles correspondaient le crédit de réduction de peine retiré, les dispositions de l’article D. 115-12 du même code n’ont pas, contrairement à ce qui est soutenu, empiété sur la compétence que l’article 34 de la Constitution réserve au législateur pour fixer les règles de procédure pénale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu sa compétence doit être écarté ;
Sur l’abrogation des dispositions de l’article D. 269 du code de procédure pénale relatif aux fouilles des cellules :
En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :
4. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
5. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : » Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues » ;
6. Considérant que M. B…soutient que les dispositions citées ci-dessus, faute de comporter des garanties suffisantes de nature à prévenir toute ingérence excessive dans le droit des personnes détenues au respect de leur vie privée lorsque sont effectuées des fouilles de cellule, méconnaissent l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 34 de la Constitution ;
7. Considérant qu’il résulte des termes mêmes des dispositions critiquées que les fouilles de cellule doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement et que leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues ; qu’en vertu de l’article 42 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, toute personne détenue a droit à la confidentialité de ses documents personnels et peut les confier au greffe de l’établissement qui les met à la disposition de la personne concernée ; que l’article 40 de la même loi encadre les modalités de contrôle et de rétention par l’administration pénitentiaire du courrier adressé ou reçu par les personnes détenues ; qu’en vertu de l’article 728 du code de procédure pénale, le pouvoir réglementaire est compétent, dans le cadre des principes ainsi définis, pour déterminer, dans le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires établi par décret en Conseil d’Etat, les modalités de fouille des cellules des personnes détenues ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa compétence en s’abstenant d’assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de sauvegarde de l’ordre public dans les établissements pénitentiaires et le droit au respect de la vie privée dont bénéficient, compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, les personnes détenues, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
En ce qui concerne les autres moyens invoqués :
8. Considérant qu’aux termes de l’article D. 269 du code de procédure pénale : » Les surveillants procèdent, en l’absence des détenus, à l’inspection fréquente et minutieuse des cellules et locaux divers où les détenus séjournent, travaillent ou ont accès. Les systèmes de fermetures sont périodiquement vérifiés et les barreaux contrôlés quotidiennement » ;
9. Considérant qu’eu égard aux principes qui encadrent les modalités de fouille des cellules des personnes détenues rappelés au point 7, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’en prévoyant que les surveillants peuvent procéder à l’inspection fréquente et minutieuse des cellules en l’absence des personnes détenues, les dispositions de l’article D. 269 du code de procédure pénale méconnaissent le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, l’article 9 du code civil, pas plus que le droit de propriété, garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision implicite de rejet qu’il attaque ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B.le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de libération compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa, des possibilités de retrait, en cas de mauvaise conduite ou de commission d’une nouvelle infraction après sa libération, de tout ou partie de cette réduction
Article 2 : La requête de M. B…est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A…B…et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.