Recueil des arrêts du Conseil d’Etat 1892, p. 713
74,537.-8 août. Compagnie lyonnaise des tramways c. Consorts Piraud.-MM. Fuzier, rap.; Romieu, c. du g.; Dareste et Chaufton, av.
Vu la requête pour la Compagnie lyonnaise des Tramways et chemins de fer à voie étroite… tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler – un arrêté du 28 fév. 1890, par lequel le cons. de préf. du Rhône l’a condamnée à payer aux consorts Piraud la somme de 8.000 francs, avec intérêts, pour le dommage qui aurait été causé à leur immeuble par la proximité de la voie ferrée du tramway de Lyon à Bron, si mieux elle n’aime leur payer une indemnité annuelle de quatre cents francs jusqu’à la cessation ou la modification du présent état de choses, et l’a condamnée en outre à supporter les quatre cinquièmes des frais d’expertise ;
Ce faisant, attendu que la gêne ou la difficulté d’accès n’est pas un dommage direct et matériel donnant ouverture à l’indemnité, lorsque l’immeuble a plusieurs issues et conserve l’accès intact sur une autre voie ; que l’immeuble des consorts Piraud a une issue fermée par une porte cochère sur la rue Rachais ; que, d’ailleurs, le stationnement des voitures le long du trottoir opposé donne satisfaction suffisante aux locataires dont aucun n’exerce une profession industrielle ou commerciale ; qu’enfin le danger résultant du passage du matériel de la compagnie le long d’un trottoir trop étroit est le même que celui qui résulte de la circulation des voitures ordinaires, condamner les défendeurs aux frais d’expertise et aux dépends ; très subsidiairement, réduire le chiffre de l’indemnité allouée ;
Vu le mémoire en défense pour le sieur Edouard Piraud et pour les demoiselles Emma et Amélie Piraud… tendant au rejet de la requête avec dépends, par les motifs que l’établissement de la voie ferrée à une distance moyenne de 0 mèt. 95 cent. du mut de leur immeuble en a rendu la jouissance non seulement très difficile, mais dangereuse ; que notamment le stationnement des voitures est devenu impossible sur la rue des Pins ; que la porte de la rue Rachais, située à l’autre extrémité de la propriété et donnant sur une allée qui dessert plusieurs jardins privés, ne peut être d’aucune utilité aux locataires ; qu’ainsi les consorts Piraud ont subi un dommage direct et matériel dont il leur est dû réparation ;
Vu la loi du 28 pluv. an 8 ;
Vu la loi du 11 juin 1880 ;
Considérant que l’art. 5 du décret du 6 août 1881, relatif à l’établissement et à l’exploitation des voies ferrées sur le sol des voies publiques, dispose que le cahier des charges de chaque concession détermine les largeurs qui doivent être réservées pour la libre circulation sur la voie publique, de manière à assurer dans tous les cas la sécurité des passant et celle des riverains dont les bâtiments sont en façade sur cette voie ;
Cons. qu’il résulte de l’art. 8 du cahier des charges de la concession que la Compagnie lyonnaise de tramways était tenue de laisser une largeur de 1 mèt. 10 cent. entre la plus grande saillie de son matériel roulant et la verticale de l’arête extérieure de la plate-forme de la voie publique ;
Cons. qu’il est établi par l’instruction que cette prescription n’a pas été observée par la Compagnie de tramways, qu’elle a ainsi modifié l’accès de l’immeuble appartenant aux consorts Piraud, et qu’elle leur a causé un dommage dont ils sont fondés à demander la réparation ;
En ce qui touche le chiffre de l’indemnité et les dépens :
Cons. que la Compagnie de tramways n’établit pas que le cons. de préf. ait fait une inexacte appréciation de circonstances de l’affaire, soit dans la fixation et les modes de paiement de l’indemnité qu’elle est condamnée à payer aux consorts Piraud, soit dans la répartition des dépens ; que, dès lors, il y a lieu de maintenir les dispositions de l’arrêté attaqué… (Rejet avec dépends.)