Vu la requête présentée pour le sieur Aramu (Gaston), précédemment commissaire de police à Bordj-Bou-Arréridj…, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler le décret du Comité français de la libération nationale, en date du 4 mai 1944, par lequel le requérant a été révoqué de ses fonctions sans pension ni indemnité ;
Vu les ordonnances des 3 juin et 6 déc. 1943 et 31 juill. 1945 ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
*1* Cons. qu’en disposant que les sanctions énoncées dans l’ordonnance du 6 déc. 1943 susvisée peuvent être prises « nonobstant toutes dispositions législatives, réglementaires, statutaires ou contractuelles », lart. 6 de cette ordonnance a entendu dispenser en principe les autorités qui prennent de telles décisions de l’accomplissement des formalités préalables aux sanctions ordinaires ; que ladite ordonnance a prévu la comparution des intéressés devant une commission spéciale, dont elle détermine la composition et la procédure ; que, parmi les formalités comprises dans cette procédure, ne figure pas l’obligation pour l’autorité qualifiée de donner à l’agent intéressé communication de son dossier ;
*2* Mais cons. qu’aux termes de l’art. 2, alin. 5, de cette ordonnance, la commission d’épuration « entend les personnes qui lui sont déférées », qu’elle peut du reste « valablement déléguer à cet effet ses pouvoirs à l’un de ses membres, ou donner commission rogatoire à des officiers de police judiciaire ou à des magistrats choisis sur une liste dressée par arrêté du commissaire à la Justice » ; que « ces magistrats, ainsi que les membres de la commission, peuvent être assistés de greffiers désignés de la même façon »; qu’il résulte de ces prescriptions, ainsi d’ailleurs que des principes généraux du droit applicables même en l’absence de texte, quune sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense ; qu’il doit, par suite, au préalable, recevoir connaissance, sinon du texte même du rapport établi ou de la plainte déposée contre lui, du moins de l’essentiel des griefs qui y sont contenus, de manière à être en état de formuler à ce sujet toutes observations qu’il juge nécessaires, soit devant la commission elle-même, soit devant le délégué de celle-ci ;
*3* Cons. qu’il est constant que le décret contesté a été pris sans que les faits reprochés au sieur Aramu aient été portés au préalable à sa connaissance et sans qu’il ait été ainsi mis à même de saisir l’autorité compétente de ses observations sur leur exactitude et sur leur portée ; qu’ayant appris par ses propres moyens que la commission d’épuration avait fait procéder sur son compte à une enquête et soumis à l’autorité compétente des propositions de sanction, le requérant a vainement, le 25 avr. 1944, demandé du gouverneur général de l’Algérie et au commissaire à l’Intérieur de régulariser la procédure quant aux droits de la défense : qu’il est fondé à soutenir que la privation de ces garanties a entaché d’excès de pouvoir le décret attaqué ;…(Décret annulé).