REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 1993 et 11 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Claire X… demeurant …, appartement 348 à Sens (89100) ; Mme X… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 17 août 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 27 février 1992 par laquelle le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Sens a prononcé son licenciement ;
2°) d’annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. de Lesquen, Auditeur,
– les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme Claire X… et de Me Cossa, avocat de la Chambre de commerce et d’industrie de Sens,
– les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que le contrat verbal conclu par une personne publique en vue du recrutement d’un agent public doit être regardé, en l’absence d’éléments contraires, comme un contrat à durée indéterminée ; qu’il ressort des pièces du dossier que Mme Claire X… a été engagée par la Chambre de commerce et d’industrie de Sens au mois de juin 1987 en qualité de professeur d’anglais sans qu’ait été établi un contrat écrit ; qu’elle a exercé ses fonctions pendant quatre années consécutives, sans interruption à l’exception des périodes de vacances d’été ; que, par suite, le contrat verbal liant Mme X… à la Chambre de commerce et d’industrie de Sens doit être regardé comme un contrat à durée indéterminée ;
Considérant que la décision du 27 février 1992 du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Sens prononçant le licenciement de Mme X… est motivée par une réduction d’activité des formations en anglais ; que si la Chambre de commerce et d’industrie de Sens soutient qu’à l’époque à laquelle l’intéressée a demandé à reprendre son travail au terme de ses congés de maladie et de maternité, l’activité d’enseignement de l’anglais avait fortement baissé et ne permettait plus d’offrir à Mme X… un horaire suffisant, il ressort du dossier que la Chambre de commerce et d’industrie de Sens a, pendant les congés de Mme X…, recruté deux enseignants d’anglais dont elle n’a pas voulu se séparer lorsque la requérante a été en état de reprendre ses fonctions ; qu’ainsi la décision licenciant Mme X… est fondée sur un motif erroné ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision prononçant son licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la Chambre de commerce et d’industrie de Sens à verser à Mme X… la somme de 12 000 F qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que Mme X…, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la Chambre de commerce et d’industrie de Sens la somme que celle-ci demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 17 août 1993 est annulé.
Article 2 : La décision du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Sens, en date du 27 février 1992, prononçant le licenciement de Mme Claire X…, est annulée.
Article 3 : La Chambre de commerce et d’industrie de Sens paiera à Mme Claire X… la somme de 12 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions de la Chambre de commerce et d’industrie de Sens tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Claire X…, à la Chambre de commerce et d’industrie de Sens et au ministre de l’industrie, de la poste et des télécommunications.