Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 25 janvier 1992, par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, aux fins d’apprécier la conformité à celle-ci de l’article 8 de la loi portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant la ratification de la convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ensemble le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 portant publication de la convention ;
Vu la loi n° 70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant l’adhésion de la France au protocole relatif au statut des réfugiés, signé à New York le 31 janvier 1967, ensemble le décret n° 71-289 du 9 avril 1971 portant publication du protocole ;
Vu la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen entre les gouvernements des Etats de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, ensemble la décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-902 du 6 septembre 1991 portant publication de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le titre II de la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l’organisation de l’entrée et du séjour irréguliers d’étrangers en France ;
Vu le décret n° 82-442 du 27 mai 1982 modifié, pris pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
SUR LA DETERMINATION DES DISPOSITIONS SOUMISES AU CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITE :
1. Considérant que si, aux termes de sa lettre du 25 janvier 1992, le Premier ministre a demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution « de l’article 8 de la loi portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée », cette précision n’affecte pas la possibilité pour le Conseil constitutionnel de faire porter son contrôle sur les autres dispositions de la loi et d’en tirer toutes conséquences de droit ;
– SUR L’ARTICLE 8 :
. En ce qui concerne le contenu de l’article 8 :
2. Considérant que l’article 8 de la loi comporte deux paragraphes ; que le paragraphe I insère dans le texte de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée un article 35 quater ; que le paragraphe II abroge corrélativement certaines dispositions des articles 5 et 35 bis de cette ordonnance ;
3. Considérant que l’article 35 quater ajouté à l’ordonnance n° 45-2658 comprend trois paragraphes distincts ;
4. Considérant que le paragraphe I de l’article 35 quater se compose de trois alinéas ; qu’aux termes du premier alinéa, « l’étranger qui n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire français à la frontière aérienne ou maritime ou qui a demandé son admission à cette frontière au titre de l’asile peut être maintenu dans la zone de transit du port ou de l’aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ ou à l’examen de sa demande d’admission sur le territoire et pour une durée qui ne peut excéder vingt jours. Cette zone, qui est délimitée par arrêté du préfet, s’étend des points d’embarquement ou de débarquement sur le territoire français aux postes où sont effectués les contrôles des personnes à l’entrée et à la sortie du territoire. Elle peut être étendue pour inclure dans son périmètre un ou plusieurs lieux d’hébergement sur l’emprise portuaire ou aéroportuaire » ; que selon le deuxième alinéa, « le maintien en zone de transit est prononcé par une décision écrite et motivée du chef du service de contrôle aux frontières ou d’un fonctionnaire désigné par lui, titulaire du grade d’inspecteur. Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant l’état civil de l’étranger concerné et les conditions de son maintien » ; qu’il est spécifié au troisième alinéa que « l’étranger est libre de quitter à tout moment la zone de transit pour toute destination étrangère de son choix » ; qu’il peut demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin, et communiquer, s’il le désire, avec toute personne de son choix ; qu’il est précisé que l’étranger est informé de ses droits « au moment de la décision de maintien », par l’intermédiaire d’un interprète, s’il ne connaît pas la langue française ; que l’exécution de cette formalité est mentionnée au registre prévu au deuxième alinéa, lequel est « émargé par l’intéressé » ;
5. Considérant que le paragraphe II de l’article 35 quater énonce, dans un premier alinéa, que le maintien en zone de transit au-delà de vingt jours peut être autorisé, pour une durée qui ne peut être supérieure à dix jours, par le président du tribunal administratif ou par un magistrat délégué par lui ; que le deuxième alinéa assigne au président comme à son délégué un délai pour statuer, de quarante-huit heures à compter de sa saisine par le préfet, et indique que « l’audience peut avoir lieu dans la zone de transit » ; qu’en vertu du troisième alinéa l’étranger peut demander le concours d’un interprète et la communication de son dossier ; que le quatrième alinéa fixe les règles de procédure applicables à l’audience à l’issue de laquelle il est statué par le président du tribunal administratif ou son délégué ; qu’il est prescrit notamment que l’audience est publique et que l’étranger est assisté d’un conseil, choisi par lui ou désigné d’office à sa demande par le président du tribunal ou son délégué ; qu’enfin, le cinquième alinéa du paragraphe II de l’article 35 quater détermine les conditions dans lesquelles il peut être relevé appel du jugement rendu par le président du tribunal administratif ou son délégué ;
6. Considérant que le paragraphe III de l’article 35 quater prévoit que les dispositions de cet article s’appliquent également à l’étranger qui se trouve en transit dans un port ou un aéroport lorsque « la compagnie de transport qui devait l’acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l’embarquer » ou que « les autorités du pays de destination lui ont refusé l’entrée et l’ont renvoyé en France » ;
7. Considérant que le paragraphe II de l’article 8 a pour objet d’abroger les dispositions de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 qui prévoient qu’un étranger auquel est opposé un refus d’entrée en France peut être maintenu dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire à son départ, dans les conditions prévues à l’article 35 bis de ladite ordonnance ;
. En ce qui concerne la conformité à la Constitution de l’article 8 :
8. Considérant que l’État est en droit de définir les conditions d’admission des étrangers sur son territoire sous réserve du respect des engagements internationaux qu’il a souscrits et des principes de valeur constitutionnelle ; qu’au nombre de ces derniers figurent aussi bien le droit d’asile que la liberté individuelle ; que c’est en fonction de ce droit de l’État et de ces principes que doit être appréciée la conformité à la Constitution de l’article 8 ;
– Quant au respect du droit d’asile :
9. Considérant que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958, proclame dans son quatrième alinéa que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République » ; qu’un tel principe est mis en oeuvre par la loi et les conventions internationales introduites en droit interne ;
10. Considérant qu’il résulte du rapprochement des articles 2 et 5 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 que les documents relatifs à l’objet et aux conditions de séjour ainsi qu’aux garanties de rapatriement ne sont exigés d’un étranger qui désire entrer en France que « sous réserve des conventions internationales » ; que cette réserve vise en particulier la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, dont les stipulations font obstacle à ce que les documents en cause puissent être exigés des personnes qui, demandant à entrer sur le territoire français, peuvent prétendre à la qualité de réfugié politique ;
11. Considérant qu’il suit de là qu’un étranger qui a sollicité son admission en France au titre de l’asile ne saurait faire l’objet d’un maintien en zone de transit le temps nécessaire à son départ, moyennant des garanties adéquates, que s’il apparaît que sa demande d’asile est manifestement infondée ; que, sous cette réserve d’interprétation, l’article 8 de la loi ne méconnaît pas le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;
– Quant au respect de la liberté individuelle :
12. Considérant qu’en vertu de l’article 66 de la Constitution l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ; qu’elle assume cette mission « dans les conditions prévues par la loi », ainsi qu’il est dit à l’article 66 ;
13. Considérant que, dans l’exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures touchant à la liberté individuelle qu’il entend édicter ; qu’il a la faculté de ne pas soumettre à des règles identiques une mesure qui prive un individu de toute liberté d’aller et venir et une décision qui a pour effet d’entraver sensiblement cette liberté ;
14. Considérant qu’il y a lieu de relever à cet égard que le maintien d’un étranger en zone de transit dans les conditions définies par l’article 35 quater-I ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 par l’article 8-I de la loi déférée n’entraîne pas à l’encontre de l’intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention en application de l’article 35 bis de l’ordonnance précitée ;
15. Mais considérant que le maintien d’un étranger en zone de transit, en raison de l’effet conjugué du degré de contrainte qu’il revêt et de sa durée, a néanmoins pour conséquence d’affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l’objet au sens de l’article 66 de la Constitution ; que si la compétence pour décider du maintien peut être confiée par la loi à l’autorité administrative, le législateur doit prévoir, selon des modalités appropriées, l’intervention de l’autorité judiciaire pour que celle-ci exerce la responsabilité et le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ;
16. Considérant que, quelles que soient les garanties dont les dispositions de l’article 35 quater entourent le maintien en zone de transit des étrangers, ces dispositions ne prévoient pas l’intervention de l’autorité judiciaire en vue d’autoriser, s’il y a lieu, la prolongation du maintien, et en lui permettant ainsi d’apprécier, de façon concrète, la nécessité d’une telle mesure ; qu’en tout état de cause, sa durée ne saurait excéder un délai raisonnable ;
17. Considérant qu’il suit de là qu’en conférant à l’autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l’autorité judiciaire d’intervenir dans les meilleurs délais, l’article 35 quater ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 par l’article 8-I de la loi déférée est, en l’état, contraire à la Constitution ;
18. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l’article 8 de la loi sont inséparables de celles du paragraphe I de cet article ;
– SUR L’ARTICLE 3 :
. En ce qui concerne le contenu de l’article 3 :
19. Considérant que l’article 3 ajoute à l’ordonnance du 2 novembre 1945 un article 20 bis ; que cet article est lui-même composé de trois paragraphes ;
20. Considérant que le paragraphe I de l’article 20 bis comprend quatre alinéas ; qu’aux termes du premier alinéa « est punie d’une amende d’un montant maximum de 10 000 F. l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre État, un étranger non ressortissant d’un État membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité » ; que le deuxième alinéa, après avoir fixé les règles de constatation du manquement, dispose qu’il « donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l’intérieur » et précise que son montant est versé au Trésor ; que le troisième alinéa garantit l’accès de l’entreprise de transport au dossier et lui permet de présenter ses observations préalablement au prononcé de la sanction ; qu’il est prescrit que celle-ci doit être motivée en la forme et peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction ; qu’enfin, en vertu du quatrième alinéa du paragraphe I de l’article 20 bis, le ministre ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an ;
21. Considérant que le paragraphe II de l’article 20 bis énonce que l’amende n’est pas infligée dans deux séries d’hypothèses ; d’une part, lorsque l’étranger non ressortissant d’un État membre de la Communauté économique européenne qui demande l’asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d’asile n’était pas manifestement infondée ; d’autre part, lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement ou lorsque les documents produits ne comportent pas un élément d’irrégularité manifeste ;
22. Considérant que le paragraphe III de l’article 20 bis rend applicables les dispositions des paragraphes précédents à l’entreprise de transport routier exploitant des liaisons internationales en provenance d’un État non partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, sous réserve de mesures d’adaptation et d’une limitation du montant maximum de l’amende encourue à 5000 F. par passager concerné ;
. En ce qui concerne la conformité à la Constitution de l’article 3 :
23. Considérant que la conformité à la Constitution de l’article 3 doit être envisagée plus particulièrement au regard des principes constitutionnels régissant tant le prononcé d’une sanction que le droit d’asile ;
. Quant au respect des principes régissant le prononcé d’une sanction :
24. Considérant que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ;
25. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d’incrimination plus sévère ainsi que le respect du principe des droits de la défense ;
26. Considérant que ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ;
27. Considérant que l’infraction instituée par l’article 20 bis ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 par l’article 3 de la loi est définie en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ; que l’incrimination nouvelle n’est susceptible de viser que des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de l’article 3 de la loi ;
28. Considérant que le montant de l’amende encourue par l’entreprise de transport, fixé selon le cas à 10 000 F. et à 5 000 F. par passager concerné, n’est pas manifestement disproportionné par rapport au manquement que la loi entend réprimer ; qu’au surplus, le montant dont il s’agit constitue un maximum ; que son prononcé ne revêt pas un caractère automatique ; que toute décision infligeant une amende doit être motivée ;
29. Considérant qu’il résulte des termes du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 20 bis ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 que, conformément au principe du respect des droits de la défense, aucune sanction ne peut être infligée à une entreprise de transport sans que celle-ci ait été mise à même d’avoir accès au dossier la concernant et de présenter ses observations sur le manquement qui lui est reproché ; qu’en vertu du quatrième alinéa de l’article 20 bis I, aucune amende ne peut être infligée à raison de faits remontant à plus d’un an ;
30. Considérant qu’il convient de relever par ailleurs que toute décision infligeant une sanction peut faire l’objet devant la juridiction administrative d’un recours de pleine juridiction ; que le sursis à l’exécution de la décision attaquée peut être demandé en application des règles de droit commun ; que le droit de recours étant réservé à l’entreprise sanctionnée, son exercice ne peut, conformément aux principes généraux du droit, conduire à aggraver sa situation ;
31. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 3 de la loi n’est pas contraire aux principes de valeur constitutionnelle régissant le prononcé d’une sanction ;
. Quant au respect du droit d’asile :
32. Considérant que, dans son paragraphe II, l’article 20 bis ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 par l’article 3 de la loi fait figurer au nombre des causes d’exonération de la responsabilité encourue par le transporteur l’hypothèse dans laquelle l’étranger entend bénéficier de l’asile politique et où sa demande n’était pas « manifestement infondée » ; que cette cause d’exonération implique que le transporteur se borne à appréhender la situation de l’intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche ; que le paragraphe II de l’article 20 bis ne saurait ainsi s’entendre comme conférant au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique ; qu’il a pour finalité de prévenir le risque qu’une entreprise de transport refuse d’acheminer les demandeurs d’asile au motif que les intéressés seraient démunis de visa d’entrée en France ;
33. Considérant qu’il appartiendra à la juridiction administrative d’apprécier en cas de litige l’étendue de la responsabilité du transporteur compte tenu notamment des causes d’exonération prévues par la loi ;
34. Considérant que sous ces réserves d’interprétation, l’article 3 de la loi n’emporte pas violation des dispositions mentionnées ci-dessus du quatrième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
– SUR L’ARTICLE 10 RELATIF A L’ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI :
35. Considérant que l’article 10 de la loi est ainsi rédigé : « Les dispositions de l’article 5-2, du II de l’article 19, du II et du III de l’article 22 et du second alinéa de l’article 26 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, dans leur rédaction résultant de la présente loi, seront applicables à dater de l’entrée en vigueur de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Elles ne seront applicables que dans les départements métropolitains de la République » ;
36. Considérant qu’au nombre des dispositions qui ne seront applicables qu’à compter de l’entrée en vigueur de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, figurent celles de l’article 19-II de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans leur rédaction issue de l’article 2 de la loi présentement examinée ; que l’article 19-II incrimine et sanctionne pénalement l’étranger non ressortissant d’un État membre de la Communauté économique européenne qui a pénétré ou séjourné sur le territoire métropolitain en violation des stipulations qu’il énumère de la convention internationale précitée ou qui a fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission en application d’une décision exécutoire prise par un autre État partie à ladite convention ;
37. Considérant que selon l’article 8 de la Déclaration de 1789, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ; qu’en raison de ce principe la référence faite par l’article 10 de la loi à la date d’entrée en vigueur de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 doit s’entendre, non de son entrée en vigueur sur le plan international régie par l’article 139, paragraphe 2, de ladite convention, mais de la publication de cet engagement international au Journal officiel de la République française ; que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ;
Décide :
Article premier :
Sont contraires à la Constitution les dispositions du paragraphe I de l’article 8 de la loi portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
Article 2 :
Sont inséparables des dispositions déclarées contraires à la Constitution celles du paragraphe II de l’article 8 de la loi.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
ECLI:FR:CC:1992:92.307.DC