REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d’Etat; — Considérant que, par une requête unique, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 juin 1902, le sieur Savary s’est pourvu contre sept arrêtés du ministre de l’intérieur en date des 30 mars et 24 octobre 1900, 31 juillet 1901, 1er et 30 mai 1902, qui ont nommé sous-inspecteur du service des enfants assistés le sieur Huet, et inspecteurs de ce service les sieurs Aubraye, Trailles, François, Carrée, Viret et le sieur Huet, susnommé; — Considérant que, ceux-ci ayant opposé au pourvoi du sieur Savary une fin de non-recevoir, tirée de ce qu’il avait déféré plusieurs arrêtés par la même requête, ce dernier, à la date du 15 décembre 1903, a présenté cinq nouvelles requêtes séparées, contre lesquelles les susnommés ont soulevé une seconde fin de non-recevoir, tirée de leur tardiveté; — Mais considérant qu’il n’est justifié d’aucune publication des arrêtés attaqués, et que les installations des fonctionnaires en faveur desquels ils sont intervenus n’ont pu avoir pour effet de suppléer à cette publication et de faire courir contre le requérant les délais légaux; qu’ainsi, les derniers pourvois par lui formés sont recevables, et qu’il y lieu de les joindre au premier pour y être statué par une seule décision, sans qu’il soit besoin d’apprécier, dans l’espèce, le mérite de la fin de non-recevoir opposée à la première requête du sieur Savary;
Considérant que ce dernier, qui était, à la date des arrêtés attaqués, sous-inspecteur de deuxième classe des enfants assistés du département du Rhône, a un intérêt personnel suffisant pour demander l’annulation de ces arrêtés; que sa nomination au grade d’inspecteur du même service dans le territoire de Belfort, à la date du 5 septembre 1903, n’a pas fait disparaître cet intérêt, indépendamment de ce qu’elle n’a pu préjudicier à son droit de contester les nominations irrégulières;
Au fond : — En ce qui concerne les sieurs Aubraye, Trailles, François et Viret : — Considérant que l’art. 3 du décret du 8 mars 1887, qui énumère les divers fonctionnaires qui peuvent être nommés inspecteurs du service des enfants assistés, ne mentionne pas les secrétaires généraux de préfecture et les sous-préfets; qu’en outre, l’art. 5, § 3, dispose que les inspecteurs seront, à leur entrée en service, placés dans la quatrième classe du cadre; que, de ce qui précède, il résulte que les arrêtés attaqués, qui ont nommé le sieur Trailles, secrétaire général de la préfecture de la Corse, et les sieurs Aubraye, sous-préfet d’Orthez, François, sous-préfet de Loudun, et Viret, sous-préfet de Bressuire, aux fonctions d’inspecteurs de première et de deuxième classe des enfants assistés, ont été pris en violation de ces dispositions, et que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens relevés, il y a lieu de prononcer l’annulation de ces arrêtés;
En ce qui concerne le sieur Huet : — Considérant que, si le décret du 8 mars 1887 mentionne les commis-rédacteurs comme pouvant être nommés sous-inspecteurs du service des enfants assistés, il n’indique pas les commis-expéditionnaires; que le sieur Huet, étant seulement commis-expéditionnaire au ministère de l’intérieur, ne pouvait être appelé à remplir des fonctions, à aucun degré, dans le service dont il s’agit, et que les arrêtés qui l’ont nommé sous-inspecteurs d’abord, et ensuite inspecteur, doivent être annulés…; — Art. 1er. Il est donné acte du désistement concernant le sieur Carrée. — Art. 2. Les arrêtés susvisés du ministre de l’intérieur, des 30 mars et 24 octobre 1900, 1er et 30 mai 1902, nommant les sieurs Aubraye, Huet, Trailles, François et Viret, sont annulés.
Du 18 mars 1904. — Cons. d’Etat. — MM. Lacroix, rapp.; Teissier, comm. du gouv.; Mornard et Boivin-Champeaux, av.