REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er février, 29 avril et 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sonia A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement n° 0800654 du 1er décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur du centre hospitalier d’Auch sur la demande qu’elle lui avait adressée le 30 novembre 2007 en vue d’obtenir le bénéfice de la protection prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande et d’enjoindre au directeur du centre hospitalier d’Auch de lui accorder la protection demandée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d’Auch le versement d’une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A et de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat du centre hospitalier d’Auch,
– les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat du centre hospitalier d’Auch ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er juillet 2005 pris sur le fondement de l’article 16 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers alors en vigueur, le ministre de la santé et des solidarités a nommé Mme A praticien hospitalier associé au centre hospitalier d’Auch à compter du 1er octobre 2005, pour une durée de deux ans renouvelable ; que, cette nomination n’ayant pas été renouvelée au terme de cette période, Mme A a perdu la qualité d’agent public à compter du 1er octobre 2007 ; que, par un courrier du 30 novembre 2007, elle a demandé à ce centre hospitalier de prendre en charge, au titre de la protection due aux agents publics, les frais de procédure et les honoraires d’avocat relatifs à une action en diffamation qu’elle avait engagée devant le juge judiciaire contre des membres d’un syndicat de l’établissement en raison de faits qui s’étaient produits alors qu’elle y exerçait ses fonctions, et notamment de la distribution d’un tract daté du 7 mars 2007 dans lequel ce syndicat lui imputait un » problème comportemental » et un épisode de violence physique ; qu’elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite née du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur du centre hospitalier d’Auch sur cette demande ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet ; que la circonstance que la personne qui demande le bénéfice de cette protection a perdu la qualité d’agent public à la date de la décision statuant sur cette demande est sans incidence sur l’obligation de protection qui incombe à la collectivité publique qui l’employait à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire à l’agent ; qu’ainsi, en se fondant sur ce que Mme A n’était plus un agent du centre hospitalier d’Auch à la date à laquelle la protection qu’elle demandait lui a été refusée pour juger qu’elle ne pouvait se prévaloir de cette protection, alors qu’il avait relevé que cette protection était demandée en raison de faits qui s’étaient produits lorsqu’elle était employée par cet établissement, le tribunal administratif de Pau a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A entretenait des relations extrêmement difficiles avec les agents et les médecins du centre hospitalier d’Auch ; que l’existence d’un climat gravement et durablement conflictuel au sein du service, qui résultait au moins pour partie du comportement de l’intéressée, que la poursuite de l’action en diffamation engagée par celle-ci ne pouvait qu’aggraver, et qui était susceptible d’avoir une incidence sur la qualité des soins assurés dans l’établissement, constituait un motif d’intérêt général sur lequel le directeur du centre hospitalier a pu légalement se fonder pour refuser que l’établissement prenne en charge les frais de procédure et d’avocat supportés par Mme A dans l’action en diffamation qu’elle avait engagée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier d’Auch a rejeté la demande de protection qu’elle lui avait adressée le 30 novembre 2007 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme A le versement au centre hospitalier d’Auch d’une somme de 1 000 euros au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 1er décembre 2009 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : Mme A versera au centre hospitalier d’Auch une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Sonia A et au centre hospitalier d’Auch.