REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 16 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la VILLE DE MARSEILLE, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE MARSEILLE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 14 juin 1995 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, d’une part, annulé l’ordonnance du 16 décembre 1994 par laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille statuant en référé a rejeté la demande de M. X… tendant à ce que la ville soit condamnée à lui payer une provision de 900 000 F à valoir sur l’indemnisation correspondant au préjudice financier résultant de l’absence de paiement de son traitement entre le 1er janvier 1990 et le 31 janvier 1994 et l’a, d’autre part, condamnée à payer à M. X… une provision de 800 000 F ainsi qu’une somme de 1 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
2°) de condamner M. X… à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d’Etat,
– les observations de Me Guinard, avocat de la VILLE DE MARSEILLE et de Me Parmentier, avocat de M. Jean X…,
– les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel ou le magistrat que l’un d’eux délègue peut accorder une provision au créancier qui a saisi le tribunal ou la cour d’une demande au fond lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ( …) » ;
Considérant que, pour condamner par l’arrêt attaqué la VILLE DE MARSEILLE à verser à M. X… une provision de 800 000 F à valoir sur l’indemnisation du préjudice résultant de sa mise à la retraite d’office dont l’annulation a été prononcée pour défaut de motivation, la cour administrative d’appel de Lyon s’est fondée sur ce que la ville n’établissait ni même n’alléguait aucun fait de nature à justifier au fond la mise à la retraite d’office de M. X… et qu’ainsi le préjudice subi par ce dernier n’était pas sérieusement contestable ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d’appel le 13 avril 1995 que la VILLE DE MARSEILLE avait expressément contesté l’existence de la créance dont se prévalait M. X… en faisant valoir que la mise à la retraite prononcée à son encontre n’avait été annulée que pour vice de forme et qu’elle était justifiée au fond par des motifs graves ; qu’en se prononçant comme elle l’a fait la cour administrative d’appel a dénaturé les écritures de la ville de Marseille ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de sa requête, la VILLE DE MARSEILLE est fondée à demander l’annulation de l’arrêt du 14 juin 1995 ;
Considérant qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant que, pour annuler par son jugement du 13 décembre 1993, la mise à la retraite d’office de M. X… prononcée par arrêté du 26 mars 1990, le tribunal administratif s’est fondé sur ce que cette sanction disciplinaire n’était pas motivée ; qu’il ressort des pièces du dossier que le maire de Marseille s’est fondé pour prendre cette mesure sur ce que l’intéressé avait commis des fautes graves dans l’exercice de ses fonctions ; que l’existence de telles fautes si elle était établie justifierait au fond la décision prise et serait de nature à réduire ou supprimer les droits à indemnité de M. X… ; que, dans ces conditions, l’obligation où se trouverait la VILLE DE MARSEILLE d’indemniser M. X… du préjudice résultant de l’arrêté du 26 mars 1990 ne peut être regardé comme n’étant pas sérieusement contestable et comme justifiant en conséquence l’octroi d’une provision sur le fondement de l’article R. 129 précité ducode des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; qu’il suit de là que M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par son ordonnance du 16 décembre 1994, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de provision ;
Sur les conclusions de la VILLE DE MARSEILLE tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. X… à payer à la VILLE DE MARSEILLE la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 14 juin 1995 est annulé.
Article 2 : La requête de M. X… devant la cour administrative d’appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : M. X… versera à la VILLE DE MARSEILLE la somme de 10 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE MARSEILLE, à M. Jean X… et au ministre de l’intérieur.