REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 156 370, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février 1994 et 21 mars 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Dominique X…, demeurant … ; Mme X… demande au Conseil d’Etat :
– d’annuler le jugement en date du 21 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, à la demande du syndicat des pharmaciens de la Meuse et du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine, annulé l’arrêté du 18 décembre 1992 par lequel le préfet de la Meuse a autorisé Mme X… à créer par voie dérogatoire une officine de pharmacie à Souilly dans la Meuse ;
– de rejeter la demande présentée par le syndicat des pharmaciens de la Meuse et le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine ;
– de condamner le syndicat des pharmaciens de la Meuse et le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine à lui verser 15 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 2°), sous le n° 156 398, le recours et le mémoire complémentaire duMINISTRE D’ETAT, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE, enregistrés les 22 février 1994 et 14 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat ; le ministre demande au Conseil d’Etat :
– d’annuler le jugement en date du 21 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, sur la demande du syndicat des pharmaciens de la Meuse et du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine, annulé l’arrêté du 18 décembre 1992 par lequel le préfet de la Meuse a autorisé Mme X… à créer par voie dérogatoire une officine de pharmacie à Souilly ;
– de rejeter la demande présentée par le syndicat des pharmaciens de la Meuse et le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
– les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme Dominique X… et de la SCP Célice, Blancpain, avocat du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine,
– les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête n° 156 370 de Mme X… et le recours n° 156 398 du MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE sont relatifs à l’arrêté du préfet de la Meuse du 18 décembre 1992 autorisant Mme X… à créer, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie à Souilly ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 1er juillet 1901 : « Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable » ; qu’il suit de là que les associations, même non déclarées, peuvent se prévaloir d’une existence légale ; que si, en application des articles 5 et 6 de la même loi, les associations non déclarées n’ont pas la capacité d’ester en justice pour y défendre des droits patrimoniaux, l’absence de la déclaration ne fait pas obstacle à ce que, par la voie du recours pour excès depouvoir, toutes les associations légalement constituées aient qualité pour contester la légalité des actes administratifs faisant grief aux intérêts qu’elles ont pour mission de défendre ; que, d’autre part, il ressort des pièces du dossier que conformément aux stipulations de l’article 24 des statuts du syndicat des pharmaciens de la Meuse, lesquels n’ont pas à être signés, le président de ce syndicat a été autorisé par une délibération du conseil d’administration du 19 janvier 1993 à saisir le tribunal administratif de Nancy d’une demande d’annulation de l’arrêté susmentionné du 18 décembre 1992 ; qu’ainsi Mme X… n’est pas fondée à soutenir que le syndicat des pharmaciens de la Meuse n’avait pas qualité pour engager une telle action ; que, dès lors que l’un au moins des demandeurs de première instance avait qualité pour agir, la demande présentée devant le tribunal administratif de Nancy était recevable ;
Sur la légalité de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’aux termes du 3ème alinéa de l’article L. 571 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 30 juillet 1987 : « Une création d’officine peut toutefois être accordée dans une commune dépourvue d’officine et d’une population inférieure à 2 000 habitants lorsqu’il sera justifié que cette commune constitue, pour la population des localités avoisinantes, un centre d’approvisionnement, sous réserve que l’officine à créer et les officines voisines déjà existantes puissent être assurées chacune d’un minimum de 2 000 habitants à desservir » ; et qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa du même article : « Si les besoins de la population résidente et de la population saisonnière l’exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis du chef de service régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels » ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la faible importance de la population de Souilly, à la circonstance que la population de cette commune et des communes avoisinantes est en régression et à la proximité des officines existantes, notamment celles de Dieue, Seuil d’Argonne, Dombasles, Pierrefite-sur-Aire et Verdun, et malgré, d’une part, l’implantation à Souilly de plusieurs commerces, services administratifs et services médicaux, d’autre part, la fréquentation touristique des cimetières militaires et des lieux de pèlerinage qui, en l’absence de capacités d’accueil et d’hébergement suffisantes, ne représentent en tout état de cause qu’une faible population saisonnière, que les besoins de la population du secteur concerné justifiaient la création d’une officine à Souilly ;
Considérant par ailleurs que Mme X… n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées du 3ème alinéa de l’article L. 571 du code de la santé publique dont les conditions d’application ne sont pas remplies en l’espèce ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… et le MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l’arrêté du préfet de la Meuse du 18 décembre 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le syndicat des pharmaciens de la Meuse et le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine qui ne sont pas, dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à payer à Mme X… la somme qu’elledemande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, qu’il n’y a pas lieu de faire application desdites dispositions et de condamner Mme X… et l’Etat à payer au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine les sommes qu’il demande au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : La requête de Mme X… et le recours du MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DE LA VILLE sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine présentées dans chacune des affaires, tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Dominique X…, au syndicat des pharmaciens de la Meuse, au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine et au ministre du travail et des affaires sociales.