REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA, dont le siège est à Apeldoorn (7332BH), Pays-Bas ; la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 25 avril 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du 12 novembre 1997 du tribunal administratif de Grenoble et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 243 714,20 F en réparation du préjudice subi par elle à la suite de la destruction de viandes lors de l’interception d’un de ses camions par un groupe de personnes dans la nuit du 26 au 27 septembre 1990 en Isère ;
2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 12 novembre 1997 et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 37 154 euros, augmentée des intérêts légaux depuis sa réclamation du 31 décembre 1991 et des intérêts capitalisés ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article L. 2216-3 ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Gounin, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA,
– les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 devenu l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (…) ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans la nuit du 26 au 27 septembre 1990 à 23 h 15, un camion appartenant à la société requérante, transportant de la viande, a été intercepté au lieu-dit Amblérieu, dans la commune de La Balme les Grottes (Isère), par un groupe d’une soixantaine de personnes qui y avait établi un barrage ; que le chargement a été déversé sur un parking, arrosé de carburant et rendu impropre à la consommation avant que les agresseurs ne quittent immédiatement les lieux ; qu’en jugeant que ces actes, eu égard notamment à leur caractère prémédité, n’avaient pas été commis par un attroupement ou un rassemblement au sens et pour l’application des dispositions précitées, la cour n’a pas commis d’erreur de qualification juridique des faits ;
Considérant, d’autre part, que la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation en relevant que si l’administration avait été informée de la possibilité d’actions menées par des éleveurs bovins protestant contre les importations de viande en provenance des pays de la Communauté européenne dans la période du 17 au 28 septembre 1990, si des actes de destruction de cargaisons de viande avaient été commis à proximité des abattoirs de Corbas dans le Rhône, quelques jours auparavant, et si, enfin, elle savait qu’un groupe d’éleveurs s’était donné comme nouveau point de rassemblement les abattoirs Carrel à Hières sur Amby en Isère, ces lieux étaient éloignés de celui où se sont produits les incidents de la nuit du 26 au 27 septembre 1990 ; qu’elle a pu en déduire, sans erreur de qualification juridique des faits, que l’administration n’avait pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat en ne prenant pas de mesures adéquates pour prévenir ces incidents ;
Considérant enfin qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’action menée par les auteurs des incidents de la nuit du 26 au 27 septembre 1990 est la cause directe du dommage subi par la société ; qu’il ressort également des constatations opérées par les juges du fond que les autorités investies du pouvoir de police se sont trouvées dans l’impossibilité de prévenir ces agissements qui ne peuvent donc être imputés à une carence des services de l’Etat ; qu’ainsi en l’absence d’un lien de causalité direct entre ce dommage et le fait de l’administration, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en s’abstenant de relever d’office le moyen tiré de ce que la responsabilité de l’Etat envers elle était engagée, sans faute, pour rupture d’égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à la société requérante la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.