REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 2 juin, 1er octobre et 3 décembre 2003 et 21 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la VILLE DE NOISY-LE-GRAND, représentée par son maire en exercice, domicilié à l’Hôtel de Ville, … (93161) ; la VILLE DE NOISYLEGRAND demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 19 mars 2003 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, à la demande de M. et Mme A…, Z… Z et M. et Mme X…, annulé le jugement du 14 juin 1999 du tribunal administratif de Paris et condamné la VILLE DE NOISYLE-GRAND, in solidum avec l’Etat, d’une part, à verser à M. et Mme A… et à M. et Mme X…, en réparation du préjudice résultant de la perte de valeur vénale de leur habitation, des frais liés à leur changement de résidence et des troubles dans leurs conditions d’existence, les sommes respectives de 38 000 euros et de 16 300 euros, et à verser à Mme Y… la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant des troubles dans ses conditions d’existence et, d’autre part, à verser à M. et Mme A…, à Mme Z et à M. et Mme X… la somme de 2 250 euros au titre de l’article L. 7611 du code de justice administrative ;
2°) statuant au fond, de rejeter les requêtes de M. et Mme A…, Z… Z et M. et Mme X… ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A…, Z… Z et M. et Mme X… la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Carine Soulay, Auditeur,
– les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la VILLE DE NOISY-LE-GRAND et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme A… et autres,
– les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A…, M. et Mme X… et Z… Z, qui se sont installés rue du Vieux Chemin de Gournay à Noisy-le-Grand entre 1980 et 1991, ont été victimes de jets de divers objets et détritus aux abords de leur habitation, de nuisances sonores récurrentes, d’entrave à leur liberté de circuler du fait de l’installation de caravanes dans la rue et sur les trottoirs, ainsi que d’insultes et d’agressions physiques, qu’ils ont imputés à leurs voisins nomades sédentarisés ; que M. et Mme A…, M. et Mme X… et Z… Z ont demandé au tribunal administratif de Paris de reconnaître la responsabilité solidaire de la VILLE DE NOISYLEGRAND et de l’Etat du fait de la carence des autorités de police ; que M. et Mme A… et M. et Mme X…, qui ont vendu leur pavillon depuis, ont demandé réparation des troubles dans leurs conditions d’existence, ainsi que du préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait de la perte de valeur vénale de leur habitation ; que Mme Z a demandé réparation des troubles dans ses conditions d’existence, ainsi que du préjudice lié à l’impossibilité de vendre son habitation compte tenu des multiples nuisances décrites cidessus ; que la VILLE DE NOISY-LE-GRAND se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Paris, annulant le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté leurs demandes, a fait droit aux requêtes d’appel de M. et Mme A…, M. et Mme X… et Z… Z ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 22122 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale (…) comprend notamment : (…) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 22144 du même code : « Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu’il est défini au 2º de l’article L. 22122 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l’Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage. / Dans ces mêmes communes, l’Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes. / Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics » ; qu’aux termes de l’article L. 2215-1 du même code : « La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1º Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques (…) » ;
Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées que dans les communes où la police est étatisée, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage relève du pouvoir de police municipale du maire, et que le soin de réprimer les autres atteintes à la tranquillité publique énumérées au 2° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales appartient au représentant de l’Etat ; que la cour administrative d’appel de Paris, après avoir rappelé les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales et avoir relevé que M. et Mme A…, M. et Mme X… et Z… Z avaient fait l’objet d’un « harcèlement continu de la part de nomades sédentarisés » installés sur des terrains bordant la rue du Vieux Chemin de Gournay et avaient été victimes du « stationnement abusif des véhicules appartenant aux nomades », de « tapages diurnes et nocturnes », de « menaces physiques », de « dégradation des biens mobiliers et immobiliers » et de « jets d’immondices et de détritus par dessus les clôtures de leurs propriétés », en a déduit, par un arrêt suffisamment motivé et sans commettre d’erreur de droit, que, nonobstant la circonstance selon laquelle la police est étatisée dans la VILLE DE NOISYLEGRAND, il appartenait au maire de cette ville de faire usage des pouvoirs de police qu’il détient sur le fondement de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour faire cesser les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage ;
Considérant que la cour a estimé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que, malgré l’aggravation et la multiplication des nuisances, le maire de Noisyle-Grand et le représentant de l’Etat dans le département s’étaient bornés à dresser des procèsverbaux de contraventions, dont l’existence n’est d’ailleurs pas établie, sans prendre aucune autre mesure de nature à faire cesser les troubles ; que la cour administrative d’appel de Paris a pu en déduire, sans commettre d’erreur de qualification juridique, que, pour ce qui relève des pouvoirs de police qu’il détient, le maire de Noisy-le-Grand avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la VILLE DE NOISYLEGRAND ;
Considérant qu’après avoir rappelé les éléments de droit et de fait évoqués cidessus, la cour a jugé, par un arrêt suffisamment motivé et sans commettre d’erreur de qualification juridique, qu’il existait un lien de causalité direct et certain entre les exactions des nomades et le préjudice qu’ont subi M. et Mme A… et M. et Mme X… en raison de la perte de valeur vénale de leur habitation ainsi que des frais de changement de résidence ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la VILLE DE NOISYLEGRAND n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 19 mars 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A…, M. et Mme X… et Z… Z, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la VILLE DE NOISY-LE-GRAND demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 7611 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la VILLE DE NOISY-LE-GRAND le versement des sommes de 650 euros à M. et Mme A…, 650 euros à M. et Mme X… et 650 euros Mme Z, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la VILLE DE NOISY-LE-GRAND est rejetée.
Article 2 : La VILLE DE NOISY-LE-GRAND versera les sommes de 650 euros à M. et Mme A…, 650 euros à M. et Mme X… et 650 euros à Mme Z, en application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE NOISY-LE-GRAND, à M. et Mme A…, à Mme Z, à M. et Mme X… et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.