REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 29 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE (OPHLM) DE PUTEAUX, dont le siège est à Puteaux (92802) ; l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 23 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris l’a condamné à verser à la SARL Serbois la somme de 95 452 euros (626 128 F) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1997, pour solde d’un marché de menuiserie ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les conclusions de la SARL Serbois ;
3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de la SARL Serbois en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment son article 1152 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE (OPHLM) DE PUTEAUX et de la SCP Tiffreau, avocat de la société Serbois,
– les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE (OPHLM) DE PUTEAUX a confié à la SARL Serbois, par acte d’engagement signé le 17 mai 1995, un marché à bons de commande portant sur le remplacement des menuiseries extérieures de ses résidences ; que l’article 6-1 du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyait que les travaux seraient exécutés dans les délais fixés par les ordres de service correspondants ; que le même article fixait les pénalités de retard applicables à 100 F pour le premier jour de retard, 150 F pour le deuxième jour et 200 F pour chacun des jours de retard suivants ; que la société Serbois a demandé la résiliation du contrat le 1er avril 1996 ; que l’entreprise ayant présenté un décompte final le 12 décembre 1996, l’OPHLM a établi le 25 mars 1997 un décompte général faisant apparaître des pénalités de retard d’un montant de 968 350 F, soit 147 637 euros ; que la société Serbois a fait connaître à l’office, par un courrier du 4 avril 1997, son refus de signer ce décompte eu égard aux pénalités de retard dont elle contestait l’application ; que la société a saisi le tribunal administratif de Paris le 22 mai 1997 d’une demande tendant à se voir payer le solde du marché pour un montant de 161 903 euros assorti des intérêts légaux ; que par un jugement du 2 juillet 2002, le tribunal a rejeté la demande ; que sur appel de la société, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement, arrêté le montant des pénalités de retard à 63 264 euros, et condamné l’office à payer à la société la somme de 95 461 euros pour solde du marché ; que l’office se pourvoit contre cet arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : (…) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l’entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n’ont pas encore fait l’objet d’un règlement définitif (…) ; qu’aux termes de l’article 13.45 du même cahier des clauses administratives générales : Dans le cas où l’entrepreneur n’a pas renvoyé au maître d’oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l’ayant renvoyé dans ce délai, il n’a pas motivé son refus ou n’a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché ; que pour admettre la régularité de la réclamation formée par la société Serbois le 4 avril 1997, la cour s’est fondée sur la circonstance que cette entreprise avait contesté l’intégralité du montant des pénalités de retard mises à sa charge par le maître d’ouvrage ; qu’en relevant, par une appréciation souveraine dont il n’est pas soutenu qu’elle serait entachée de dénaturation, que ce courrier mettait l’office en mesure de connaître la nature et l’étendue de la contestation dont il était saisi et, par suite, était de nature à interrompre le délai au terme duquel le décompte acquiert un caractère définitif, la cour administrative d’appel de Paris, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant par ailleurs qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; qu’après avoir estimé que le montant des pénalités de retard appliquées par l’office, lesquelles s’élevaient à 147 637 euros, soit 56,2 % du montant global du marché, était manifestement excessif, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en retenant une méthode de calcul fondée sur l’application d’une pénalité unique pour tous les ordres de service émis à la même date, aboutissant à des pénalités d’un montant de 63 264 euros ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l’OPHLM DE PUTEAUX demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société Serbois qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu’il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX la somme de 3 000 euros qui sera versée à la société Serbois ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX est rejeté.
Article 2 : L’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX versera à la société Serbois une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE PUTEAUX et à la société à responsabilité limitée Serbois.