AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
1° Sous le n° 440366, par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 et 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. G… W…, M. A… R…, M. AD… AF…, Mme I… AP…, M. AG… AM…, Mme AN… AV…, M. AA… N…, M. BA… P… et Mme U… AH… demandent, dans le dernier état de leurs écritures, au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner sans délai à tout titulaire du pouvoir règlementaire compétent toutes mesures utiles visant à permettre au moins partiellement l’exercice immédiat de la liberté du culte et de la liberté religieuse dans les établissements du culte, sur tout le territoire national, ou dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ou sur le ressort territorial de la Paroisse Saint-Bernard à Metz Plantières, notamment en suspendant provisoirement les dispositions du III de l’article 8 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 et de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 qui les ont reprises, pour la durée qu’il déterminera et au moins jusqu’à ce que le caractère absolu des atteintes à la liberté du culte et à la liberté religieuse à l’intérieur des édifices cultuels ait été aménagé par voie règlementaire en conformité avec le principe de nécessité, le principe de proportionnalité et le principe de réalité ;
2°) d’ordonner la notification de l’ordonnance à intervenir à M. AZ… AK…, évêque du diocèse de Metz, domicilié 15 place Sainte-Glossinde, 57000 Metz;
3°) d’enjoindre à tout titulaire du pouvoir règlementaire compétent de prendre sous huitaine toutes mesures utiles visant, pendant la durée de l’état d’urgence, à prévoir des dérogations à l’interdiction absolue de l’exercice de la liberté du culte et de la liberté religieuse dans les établissements du culte, et notamment en en fixant les termes et conditions suivant le principe de nécessité et le principe de proportionnalité et le principe de réalité, sur tout le territoire national, ou dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ou sur le ressort territorial de la Paroisse Saint-Bernard à Metz Plantières ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
– ils justifient d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie eu égard, premièrement, à l’interdiction totale de l’exercice libre, public et communautaire du culte et à l’interdiction de recevoir les sacrements, deuxièmement, à l’intérêt que représente la célébration du culte pour l’ensemble de la société, troisièmement, à la date du 21 mai 2020 fixée pour le sacrement de la Confirmation dans leur paroisse et, quatrièmement, à l’importance de la célébration du culte et des sacrements pour les catholiques ;
– il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte, à la liberté religieuse, à la liberté d’organisation du culte par l’église catholique dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à la publicité du culte et à la liberté d’exercice de la pratique religieuse ;
– les dispositions contestées méconnaissent l’article 1er de la convention du 26 messidor an IX en ce qu’elles restreignent l’exercice du culte pour un motif qui n’y est pas prévu ;
– elles méconnaissent l’article 9 des articles organiques de la convention du 26 messidor an IX en ce qu’elles s’immiscent dans l’organisation du culte réservée à la compétence exclusive des ministres du culte ;
– des aménagements dans l’exercice du culte sont possibles pour garantir à la fois le libre exercice du culte, la libre pratique religieuse et le respect des mesures sanitaires ;
– les dispositions contestées méconnaissent les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en opérant des distinctions fondées sur la religion et la croyance.
Par une intervention, enregistrée le 5 mai 2020, M. L… AR… demande au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants et d’enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures nécessaires au libre exercice des cultes à compter du 11 mai 2020. Il soutient que son intervention est recevable dès lors qu’il a intérêt à intervenir, que la condition d’urgence est remplie dès lors qu’une atteinte injustifiée à la liberté de culte est imminente et que l’interdiction du culte public dans les établissements de culte à compter du 11 mai 2020, qui ne tient pas compte de la possibilité d’y respecter les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe d’égalité.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 7 et 12 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que les demandes sont irrecevables eu égard à l’office du juge du référé-liberté et, à titre subsidiaire, que la condition d’urgence n’est pas remplie en ce qui concerne les dispositions du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte.
Par trois interventions, enregistrées le 7 mai 2020, M. B… X… et Mme V… AI…, M. O… AB… et Mme AS… AE…, ainsi que M. AW… J… et M. Q… Z… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants et d’enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures nécessaires au libre exercice des cultes à compter du 11 mai 2020. Ils soutiennent qu’ils ont intérêt à intervenir, que la condition d’urgence est remplie dès lors qu’à compter du 11 mai, la liberté de culte sera entravée sans motif légitime quand d’autres lieux et activités seront autorisés et que l’interdiction du culte public dans les établissements de culte à compter du 11 mai 2020, qui ne tient pas compte de la possibilité d’y respecter les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe d’égalité.
Par une intervention, enregistrée le 14 mai 2020, M. O… AB…, Mme AS… AJ…, M. AW… J…, M. Q… Z…, Mme AS… AE… et M. B… X… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants. En outre, ils demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, d’enjoindre au Premier ministre d’adopter, dans un délai de 24 heures, les dispositions et mesures provisoires et proportionnées éventuellement nécessaires pour permettre sans attendre la fin du mois de mai l’exercice du culte dans le respect des recommandations et normes sanitaires nécessaires à la santé publique et mises en oeuvre sous la seule responsabilité des propriétaires et affectataires des édifices cultuels et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que la condition d’urgence est remplie compte tenu de la tenue prochaine de fêtes religieuses importantes et que le III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice du culte.
2° Sous le n° 440380, par une requête et des mémoires, enregistrés les 4, 5, 7, 11, 12 et 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Civitas demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’enjoindre au Premier ministre ou à toute autorité compétente d’autoriser toute cérémonie religieuse à partir du 11 mai 2020, sous réserve de restrictions strictement limitées à l’ordre public, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision verbale du Premier ministre du 28 avril 2020 peut être contestée dans le cadre d’un référé-liberté ;
– le Conseil d’Etat est compétent pour connaître de ce recours en premier et dernier ressort ;
– elle justifie d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie dès lors que la décision contestée s’appliquera dès le 11 mai et jusqu’au 2 juin 2020 minimum, que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire n’est pas un critère pertinent pour la justifier, que les mesures de confinement et la saturation des structures hospitalières ne sont plus d’actualité et, en tout état de cause, que l’atteinte portée à plusieurs libertés fondamentales constitue en tant que telle une urgence ;
– la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de conscience et de culte, à la liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion ;
– l’interdiction d’organiser des cérémonies religieuses au moins jusqu’au 2 juin 2020 constitue une interdiction générale et absolue qui n’est ni adaptée, ni nécessaire ni proportionnée, des mesures moins restrictives des libertés pouvant permettre d’organiser des cérémonies religieuses en toute sécurité ;
– la décision contestée est entachée d’incompétence ;
– elle n’est pas suffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la déclaration attaquée du Premier ministre du 28 avril 2020 ne constitue qu’un acte préparatoire aux dispositions règlementaires à intervenir et ne saurait, par elle-même, être regardée comme ayant un impact juridique ni, a fortiori, être susceptible de porter atteinte, de façon grave et immédiate, à une liberté fondamentale.
3° Sous le n° 440410, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 5, 8 et 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le parti Chrétien-Démocrate et M. AY… AC… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution du IV et du VII de l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 en tant qu’ils interdisent tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes, sur l’ensemble du territoire de la République ;
2°) de suspendre l’exécution de la déclaration du Premier ministre du 28 avril 2020 en tant qu’elle prévoit qu’il est légitime de demander de ne pas organiser de cérémonies avant le 2 juin 2020 ;
3°) d’enjoindre à l’Etat de lever l’interdiction de rassemblement ou de réunion au sein des édifices cultuels, au besoin en aménageant les conditions dans lesquelles les cérémonies religieuses peuvent se dérouler, et ce dans un délai de deux jours à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai ;
4°) de suspendre l’exécution du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 en tant qu’il prévoit pour les établissements de culte, relevant du type V que » Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit » ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le président du parti Chrétien-Démocrate est régulièrement habilité à représenter ce parti politique en vertu de ses statuts ;
– le parti Chrétien-Démocrate ainsi que son président, à titre personnel, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
– la condition d’urgence est remplie compte tenu, premièrement, de l’amélioration de la situation sanitaire, deuxièmement, de la gravité de l’atteinte portée à la liberté de culte, troisièmement, de la tenue prochaine de fêtes religieuses importantes ;
– les dispositions et déclaration contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ;
– l’interdiction des célébrations religieuses sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes, n’est manifestement plus proportionnée au regard de l’objectif recherché de sécurité sanitaire, tout particulièrement dans les départements les moins touchés par la maladie dite covid-19, et alors même que le plan dit de » déconfinement » a un caractère progressif ;
– cette interdiction présente un caractère discriminatoire par rapport aux régimes applicables, à partir du 11 mai 2020, à d’autre activités, alors que les circonstances propres à chaque lieu de culte impliquent uniquement le respect de règles de sécurité ;
– les dispositions combinées des article 10 et 27 du décret n° 2020-548 qui prévoient respectivement l’interdiction de tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte et la possibilité pour le préfet de département de prononcer une telle interdiction sont entachées d’un défaut de clarté qui justifie la suspension de l’article 10.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie en ce qui concerne les dispositions du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et la déclaration du Premier ministre du 28 avril 2020, que cette déclaration ne constitue qu’un acte préparatoire aux dispositions règlementaires à intervenir et qu’en tout état de cause, les » décisions » en litige ne portent aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe de non-discrimination.
4° Sous le n° 440531, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 14 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, M. BC…-N…, M. AO… AL…, l’association Amis de la province de France de l’institut du Christ roi souverain prêtre, M. K… Y…, M. D… AQ…, la congrégation La Fraternité Saint Vincent Ferrier et M. AA… BB… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution des dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en ce qu’elles interdisent dans les lieux de culte tout rassemblement ou réunion et y limite les cérémonies funéraires à vingt personnes ;
2°) d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté de culte et, notamment, les mesures permettant que la liberté de culte puisse être exercée dans le respect des prescriptions de l’article 1er et de l’annexe 1 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 et, subsidiairement, d’enjoindre au gouvernement d’adopter, dans un délai de 24 heures, les dispositions et mesures provisoires et proportionnées de nature à permettre, sans attendre la fin du mois de mai, l’exercice du culte dans le respect des recommandations et normes sanitaires, sous la seule responsabilité des propriétaires et affectataires des édifices cultuels ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– ils justifient d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie dès lors que le culte public a cessé depuis deux mois, que les fidèles catholiques ont cessé de recevoir les sacrements, notamment celui de la communion, qu’il n’y a plus de quêtes le dimanche qui permettent aux ministres du culte de vivre, de pourvoir aux besoins du culte et au fonctionnement des maisons dont ils ont la charge, que la fête de l’Ascension doit avoir lieu le 21 mai 2020 et que l’interdiction générale et absolue des cultes n’est pas suffisamment justifiée par des considérations sanitaires ;
– les dispositions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ;
– le maintien de l’interdiction générale et absolue de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte pour une durée indéterminée n’est pas strictement nécessaire, proportionné et approprié aux circonstances de temps et de lieu dès lors que des mesures d’organisation relativement simples rendraient possible le respect des règles de sécurité sanitaire, que si les réunions de moins de dix personnes sont possibles dans l’espace public et dans les espaces privés, rien ne justifie de les interdire dans les lieux de culte, que si les cérémonies funéraires sont autorisées avec moins de vingt personnes, rien ne justifie de refuser que les cultes puissent se tenir avec moins de vingt personnes, et que les églises ne sont pas des lieux clos mais de vastes bâtiments ;
– il porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité et de non-discrimination, au détriment des croyants, dès lors que, par ailleurs, sont autorisées des activités moins essentielles pour nombre de citoyens ;
– il porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe de laïcité dès lors que, pour le justifier, le gouvernement a jugé de la nécessité du culte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte.
5° Sous le n° 440550, par une requête, enregistrée le 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF), M. S… F…, Mme M… E… et M. AU… AX… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner la suspension de l’exécution des dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
2°) d’enjoindre à l’Etat d’autoriser à nouveau, dans les établissements de culte, les rassemblements et réunions organisés dans les conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– la condition d’urgence est remplie dès lors que l’interdiction frappant les cultes depuis le 17 mars est prolongée par les dispositions contestées pour une durée indéterminée et qu’ils ont le besoin spirituel d’assister à la messe et de recevoir les sacrements de l’église ;
– les dispositions contestées portent porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ;
– le maintien de l’interdiction de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte pour une durée indéterminée, qui n’est accompagné d’aucune faculté de dérogation au profit du représentant de l’Etat dans le département, en fonction des circonstances locales n’est pas proportionné dès lors que des mesures d’organisation relativement simples rendraient possible le respect des règles de sécurité sanitaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte.
6° Sous le n° 440562, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 15 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C… AT… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution des dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de l’intérieur d’adopter une réglementation restaurant la liberté des cultes et la célébration des obsèques, sous la seule réserve de prescriptions dites » barrières » ou de » distanciation sociale » comparables à celles imposées dans le cadre du rétablissement de diverses activités économiques, culturelles ou autres ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 135 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– il justifie d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie ;
– les dispositions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ;
– le maintien de l’interdiction de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte n’est pas proportionné au but poursuivi, rien n’indiquant qu’il serait impossible d’organiser des cérémonies religieuses dans le respect des règles sanitaires ;
– il méconnaît le principe d’égalité, d’une part, au détriment des croyants, dès lors que, par ailleurs, sont autorisées des activités moins essentielles pour nombre de citoyens et, d’autre part, entre les religions, dès lors que le ministre de l’intérieur a autorisé les rassemblements de voisinage festifs lors de la rupture du jeûne pratiqué dans la religion musulmane, et non la réunion des fidèles des autres religions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe de non-discrimination.
7° Sous le n° 440563, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 14 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution des dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
2°) d’ordonner au Premier ministre de prendre, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures propres à permettre l’organisation de manifestations religieuses, dans des conditions de sécurité sanitaire proportionnées, à l’intérieur des édifices cultuels, d’une part, dans les espaces publics et privés à l’air libre, d’autre part ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la condition d’urgence est remplie dès lors que l’interdiction générale et absolue des rassemblements et réunions dans les établissements de culte dure depuis deux mois, que la saturation des structures hospitalières n’est plus d’actualité et qu’est prévue la tenue prochaine de fêtes religieuses importantes ;
– les dispositions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression ou liberté d’opinion ;
– l’interdiction des célébrations religieuses à l’intérieur des édifices de culte, pour une durée indéterminée, est disproportionnée dès lors qu’il est possible d’organiser des rassemblements de fidèles dans le respect des règles de distanciation sociale, que les ministres du culte sont à même d’imposer le respect de ces règles, que la limite de dix personnes n’est pas justifiée, les cérémonies funéraires pouvant réunir vingt personnes, et que les commerces et établissements scolaires peuvent à nouveau accueillir du public ;
– l’interdiction des offices religieux à l’air libre, dans les espaces publics et privés, pour une durée indéterminée, est disproportionnée dès lors que des rassemblements de 50, 100 ou 300 personnes pratiquant une activité sportive sont admis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe de non-discrimination.
8° Sous le n° 440590, par une requête, enregistrée le 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme T… H… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’enjoindre au Premier ministre d’abroger le III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en ce qu’il interdit tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte et limite les cérémonies funéraires à vingt personnes ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre d’abroger le C du II de l’article 27 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, en ce qu’il permet au préfet de département d’interdire tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes ;
3°) d’enjoindre au Premier ministre d’étendre aux établissements de culte l’application de l’article 7, alinéa 2, du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 permettant aux établissements de culte d’accueillir un nombre de personnes supérieur à dix, dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er du décret du 11 mai 2020.
Elle soutient que :
– elle justifie d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie dès lors qu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté de pensée, de conscience, de religion et de culte et qu’il lui est interdit de pratiquer son culte individuellement ou collectivement, en privé ou en public ;
– les dispositions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de culte ;
– l’interdiction absolue de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte n’est ni prévue par la loi, ni nécessaire, ni proportionné ;
– elle présente un caractère discriminatoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que les demandes sont irrecevables eu égard à l’office du juge du référé-liberté et, à titre subsidiaire, qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe de non-discrimination.
Les requêtes ont été communiquées au Premier ministre qui n’a pas produit d’observations.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la convention du 26 messidor an IX et ses articles organiques ;
– le code de la santé publique ;
– la loi du 18 germinal an X relative à l’organisation des cultes ;
– la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
– la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l’Alsace et de la Lorraine ;
– la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
– l’ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
– la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
– la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
– le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
– le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 ;
– le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. W… et autres, M. AR…, Mme AI…, M. AB… et autres, l’association Civitas, le parti Chrétien-Démocrate et autre, l’AGRIF et autres, l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint-Pierre et autres, M. AT…, l’association La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, Mme H… et, d’autre part, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ;
Ont été entendus lors de l’audience publique du 15 mai 2020, à 14 heures 30 :
– Me Le Bret, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. W… et autres et de l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint-Pierre et autres ;
– Me Le Griel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du parti Chrétien-Démocrate et autre, de l’AGRIF et autres, et de M. AT… ;
– Me Gaschignard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de l’association La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ;
– Me Perier, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. AB… et autres et de Mme H… ;
– le représentant de M. W… et autres ;
– le représentant de l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint-Pierre et autres ;
– le représentant de l’association La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ;
– le représentant de l’association Civitas ;
– M. AY… AC… ;
– Mme T… H… ;
– les représentants du ministre de l’intérieur ;
à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction.
Considérant ce qui suit :
1. L’article L. 511-1 du code de justice administrative dispose que : » Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais « . Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. « .
2. Les requêtes visées ci-dessus sont présentées, en application de l’article L. 521-2 du code de la justice administrative, par des particuliers dont certains sont des catholiques qui résident en Moselle, un parti politique et des associations. Elles sont relatives aux modalités selon lesquelles peuvent être organisées les cérémonies religieuses, notamment dans les établissements de culte, durant la présente période d’état d’urgence sanitaire. Elles présentent à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.
3. M. AR…, M. AB…, Mme AJ…, M. J…, M. Z…, Mme AE…, Mme AI… et M. X… justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir à l’appui de la requête enregistrée sous le n° 440366. Ainsi, leurs interventions sont recevables.
Sur les circonstances :
4. L’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par plusieurs arrêtés successifs.
5. Le législateur, par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020 puis, par l’article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus. Par un décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Par un premier décret du 11 mai 2020, applicable les 11 et 12 mai 2020, le Premier ministre a abrogé l’essentiel des mesures précédemment ordonnées par le décret du 23 mars 2020 et en a pris de nouvelles. Enfin, par un second décret du 11 mai 2020, pris sur le fondement de la loi du 11 mai 2020 et abrogeant le précédent décret, le Premier ministre a prescrit les nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Sur l’office du juge des référé et la liberté fondamentale en jeu :
6. Dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.
7. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai et qu’il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celles-ci doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.
8. Aux termes de l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : » Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi « . Aux termes de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : » 1 – Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. / 2 – La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui « .
9. Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : » La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public « . Aux termes de l’article 25 de la même loi : » Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public. « .
10. Aux termes de l’article 1er de la convention passée à Paris le 26 messidor an IX, entre le Pape et le gouvernement français, qui est applicable aux catholiques d’Alsace et de Moselle, dès lors que la convention a été promulguée et rendu exécutoire, avec ses articles organiques, comme lois de la République par la loi du 18 germinal an X relative à l’organisation des cultes, puis est restée applicable, dans les départements concernés, à la suite, notamment de la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l’Alsace et de la Lorraine et de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : » La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique « . Aux termes de l’article organique IX de cette convention : » Le culte catholique sera exercé sous la direction des archevêques et évêques dans leurs diocèses, et sous celle des curés dans leurs paroisses « .
11. La liberté du culte présente le caractère d’une liberté fondamentale. Telle qu’elle est régie par la loi, cette liberté ne se limite pas au droit de tout individu d’exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l’ordre public. Elle comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. La liberté du culte doit, cependant, être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 :
12. Aux termes du IV de l’article 8 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : » Les établissements de culte, relevant de la catégorie V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes « .
13. Dès lors que ces dispositions ont été abrogées par le premier décret du 11 mai 2020 mentionné au point 5, les conclusions présentées à leur encontre, sous le n° 440410 par le parti Chrétien-Démocrate et M. AC… sont privées d’objet. Il n’y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions dirigées contre la déclaration du Premier ministre du 28 avril 2020 :
14. Aux termes de l’article 50-1 de la Constitution : » Devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité « .
15. Il résulte de l’instruction qu’en présentant à l’Assemblée nationale, le 28 avril 2020, la stratégie nationale du plan de » déconfinement » dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19, qui a ensuite donné lieu à un débat et a fait l’objet d’un vote en application de l’article 50-1 de la Constitution, le Premier ministre a, notamment, déclaré : » Quant aux lieux de culte, je sais l’impatience des communautés religieuses. Les lieux de culte pourront continuer à rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de demander de ne pas organiser de cérémonies avant le 2 juin « . Ces propos, qui renvoyaient aux modalités d’application dans le temps de mesures à venir, et qui ont été, au demeurant, nuancés lors de la déclaration faite devant le Sénat le 4 mai 2020 où le Premier ministre a indiqué que » si la situation sanitaire ne se dégrade pas au cours des premières semaines de levée du confinement, le Gouvernement est prêt à étudier la possibilité que les offices religieux puissent reprendre à partir du 29 mai « , ne peuvent être contestés devant le juge administratif, indépendamment des mesures en cause.
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 :
16. Aux termes du III de l’article 8 du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : » Les établissements de culte, relevant du type V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit. / Les cérémonies funéraires sont autorisées dans la limite de vingt personnes, y compris dans les lieux mentionnés à l’alinéa précédent « .
17. Dès lors que ces dispositions ont été abrogées par le second décret du 11 mai 2020 mentionné au point 5, les conclusions présentées à leur encontre, sous le n° 440366 par M. W… et autres, sont privées d’objet. Il n’y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 :
En ce qui concerne les dispositions applicables :
18. Aux termes de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 : » I – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (…) / 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; / (…) / III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires « .
19. Après avoir relevé que les lieux de réunion visés par le 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique ne s’étendent pas aux locaux à usage d’habitation, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-80 DC du 11 mai 2020, a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution en jugeant que le législateur avait procédé à une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.
20. Aux termes de l’article 1er du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : » Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites » barrières « , définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. / Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures « .
21. Aux termes de l’article 7 du décret mentionné au point 20: » Tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République. Lorsqu’il n’est pas interdit par l’effet de ces dispositions, il est organisé dans les conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er. / Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à ce que les établissements recevant du public relevant du chapitre III du titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit en application de l’article 10, reçoivent un nombre de personnes supérieur à celui qui y est fixé, dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables dans les services de transport de voyageurs. (…) « .
22. Aux termes de l’article 10 du décret mentionné au point 20: » I. – 1° Les établissements recevant du public relevant des types d’établissements définis par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation et figurant ci-après ne peuvent accueillir de public : / – établissements de type L : Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles d’audience des juridictions, les salles de ventes et pour les accueils de jour de personnes en situation de précarité et les centres sociaux ; / – établissements de type N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ; /- établissements de type P : Salles de danse et salles de jeux ;/ – établissements de type T : Etablissements à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire ; / (…) / établissements de type PA : Etablissements de plein air, à l’exception de ceux au sein desquels sont pratiquées les activités physiques et sportives mentionnées au IV du présent article et dans les conditions que ledit IV prévoit, ainsi que la pêche en eau douce ; dans ces établissements, les dispositions du premier alinéa de l’article 7 ne font pas obstacle à ce qu’ils reçoivent un nombre de personnes supérieur, dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er et à prévenir tout regroupement de plus de dix personnes ; / III. – Les établissements de culte, relevant du type V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit. / Les cérémonies funéraires sont autorisées dans la limite de vingt personnes, y compris dans les lieux mentionnés à l’alinéa précédent. « .
23. Aux termes de l’article 27 du décret mentionné au point 20 : » Par dérogations aux dispositions des articles 3 et 7 à 15, le préfet de département peut, lorsque l’évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, prendre les mesures définies par les dispositions suivantes./(…) / C. – Interdire tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes « . Il ne résulte pas de ces dispositions, qui visent l’hypothèse où il apparaîtrait nécessaire de procéder à des » reconfinements » partiels, qu’elles puissent être regardées comme ayant pour effet de tenir pour autorisés les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.
En ce qui concerne l’urgence :
24. Il résulte de l’instruction que, depuis l’entrée en vigueur du décret du 23 mars 2020 mentionné au point 12, les établissements de culte sont restés ouverts et les fidèles peuvent s’y rendre individuellement. Toutefois, ces derniers ne peuvent s’y rassembler ou s’y réunir, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes. Les fidèles ne peuvent ainsi participer à des cérémonies non funéraires qui s’y tiennent à huis clos que par le biais de retransmissions, y compris pour les importantes fêtes qui ont eu lieu au printemps dans les trois religions réunissant le plus grand nombre de fidèles en France. Par suite et eu égard à l’amélioration de la situation sanitaire ayant justifié le déconfinement, la condition d’urgence caractérisée, qui est prévue par les dispositions précitées, doit être regardée, ce que ne conteste d’ailleurs pas le ministre de l’intérieur, comme remplie.
En ce qui concerne l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dans les établissements de culte :
25. Les requérants soutiennent, notamment, que les circonstances propres à chaque lieu de culte impliquent, certes, le respect de règles de sécurité mais que l’interdiction des célébrations religieuses sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes, est, en dépit du caractère progressif du plan dit de » déconfinement « , disproportionnée au regard de l’objectif recherché de sécurité sanitaire, en particulier si on compare cette interdiction avec les régimes applicables à d’autre activités, tout particulièrement dans les départements les moins touchés par la maladie dite covid-19.
26. Il apparait que dès lors que le coronavirus, qui provoque la maladie dite covid-19, se transmet par voie respiratoire, le risque de contamination est plus élevé dans un espace clos qu’ouvert, si les personnes ont des contacts proches et prolongés et lorsque les intéressés émettent davantage de gouttelettes. S’il est possible d’être également contaminé par le biais des surfaces sur lesquelles le virus s’est déposé, les rassemblements et réunions sont la principale cause de propagation de celui-ci. Les effets des facteurs risque précités peuvent, toutefois, être atténués par les règles de sécurité qui sont appliquées au cours des rassemblements et réunions.
27. Par suite, les cérémonies de culte qui constituent des rassemblements ou des réunions au sens des dispositions contestées, exposent les participants à un risque de contamination, lequel est d’autant plus élevé qu’elles ont lieu dans un espace clos, de taille restreinte, pendant une durée importante, avec un grand nombre de personnes, qu’elles s’accompagnent de prières récitées à haute voix ou de chants, de gestes rituels impliquant des contacts, de déplacements, ou encore d’échanges entre les participants, y compris en marge des cérémonies elles-mêmes et, enfin, que les règles de sécurité appliquées sont insuffisantes.
28. La circonstance, mise en avant par le ministre de l’intérieur pour justifier les dispositions contestées, qu’un rassemblement religieux réunissant plus d’un millier de participants venus de toute la France entre le 17 et le 24 février 2020 près de Mulhouse, c’est-à-dire un mois environ avant le début de la période dite de » confinement « , ait provoqué un nombre important de contaminations qui ont, elles-mêmes, contribué à la diffusion massive du virus, dans la région Grand-Est et au-delà, illustre l’importance du risque précité, non seulement pour les fidèles mais également pour l’ensemble de la population.
29. Par suite, la nécessité de réglementer, en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans un objectif de santé publique, les conditions d’accès et de présence dans les établissements de culte, lesquels ne peuvent être regardés comme assurant l’accès à des biens et services de première nécessité au sens de ces dispositions, est établie, en particulier au début de la période dite de » déconfinement « .
30. Toutefois, il n’est pas contesté, en premier lieu, que le rassemblement mentionné au point 28 n’est pas représentatif de l’ensemble des cérémonies de culte, qu’il a cumulé un grand nombre des facteurs de risque précités et qu’il s’est tenu à une date à laquelle n’étaient appliquées ni même recommandées de règles de sécurité particulières en matière de contamination par le coronavirus et à laquelle, s’agissant des chaînes ultérieures de contaminations, le dispositif, notamment en matière de dépistage, était sans commune mesure avec ce qu’il est devenu.
31. En deuxième lieu, le décret du 11 mai 2020 dont les dispositions sont contestées, prévoit, pour de nombreuses activités qui ne présentent pas nécessairement de risque équivalent à celui des cérémonies de culte mais pour lesquels ce risque repose aussi sur les facteurs exposés au point 25, des régimes moins restrictifs pour l’accès du public, notamment :
– les services de transport des voyageurs, qui ne sont pas soumis, eu égard aux contraintes économiques de leur exploitation, à la limitation à dix personnes de tout rassemblement et réunion sur la voie publique ou dans un lieu public alors que de tels rassemblements et réunions ne peuvent pas se tenir dans les établissements de culte, même dans cette limite, en dehors des cérémonies funéraires ;
– et les magasins de vente et centres commerciaux, les établissements d’enseignement ainsi que les bibliothèques qui peuvent, au regard de motifs économiques, éducatifs et culturels, accueillir du public dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er, lesquelles impliquent, à la lumière de l’avis du Haut conseil de la santé publique du 24 avril 2020, un espace sans contact d’environ 4 m2 par personne.
32. En troisième lieu, si, durant la première phase du » déconfinement « , les rassemblements et réunions ne sont pas autorisés dans d’autres établissements recevant du public que les lieux de culte, en application du 1° du I de l’article 10 du décret contesté, les activités qui y sont exercées ne sont pas de même nature et les libertés fondamentales qui sont en jeu ne sont pas les mêmes.
33. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l’instruction, et notamment des déclaration faites à l’audience par l’administration, que l’interdiction de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, à la seule exception des cérémonies funéraires regroupant moins de vingt personnes, a été essentiellement motivée par la volonté de limiter, durant une première phase du » déconfinement « , les activités présentant, en elles-mêmes, un risque plus élevé de contamination et qu’elle ne l’a, en revanche, été ni par une éventuelle difficulté à élaborer des règles de sécurité adaptées aux activités en cause – certaines institutions religieuses ayant présenté des propositions en la matière depuis plusieurs semaines – ni par le risque que les responsables des établissements de culte ne puissent en faire assurer le respect ou que les autorités de l’Etat ne puissent exercer un contrôle effectif en la matière, ni encore par l’insuffisante disponibilité, durant cette première phase, du dispositif de traitement des chaînes de contamination.
34. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leurs autres moyens, que l’interdiction générale et absolue imposée par le III de l’article 10 du décret contesté, de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, sous la seule réserve des cérémonies funéraires pour lesquels la présence de vingt personnes est admise, présente, en l’état de l’instruction, alors que des mesures d’encadrement moins strictes sont possibles, notamment au regard de la tolérance des rassemblements de moins de 10 personnes dans les lieux publics, un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière.
35. Il résulte de l’instruction, et notamment des déclarations faites à l’audience par le représentant du ministre de l’intérieur que des mesures complémentaires pourraient s’avérer nécessaires si les dispositions contestées étaient suspendues, aux fins d’adapter les règles générales prévues par le décret, notamment en son article 1er et en son annexe I, aux particularités des activités religieuses.
36. Par suite, les requérants sont recevables, en l’absence d’alternative pour sauvegarder la liberté de culte, et fondés à demander à ce qu’il soit enjoint au Premier ministre de modifier, en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de » déconfinement « , pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte. Eu égard à la concertation requise avec les représentants des principaux cultes, il y a lieu de fixer, dans les circonstances de l’espèce, un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
En ce qui concerne les autres lieux :
37. L’association Fraternité sacerdotale Saint-Pie X conclut, en outre, qu’il soit enjoint au Premier ministre de prendre des mesures propres à permettre l’organisation de manifestations religieuses dans les espaces publics et privés à l’air libre.
38. S’agissant des espaces publics à l’air libre ne relevant pas des lieux de culte, l’association n’apporte aucun élément de nature à établir que l’interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, qui est imposée par l’article 7 du décret mentionné au point 21, porterait, dans sa généralité ou au regard des activités à caractère religieux en particulier, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
39. S’agissant des espaces privés à l’air libre, il résulte de l’instruction et notamment des échanges tenus à l’audience, qu’à la différence des locaux d’habitation qui sont expressément exclus de l’interdiction de rassemblement précitée, le régime applicable à ces espaces lorsqu’ils sont utilisés à des fins religieuses, notamment dans l’hypothèse où ils constituent des établissements recevant du public de type plein air (PA) ou sont susceptibles d’être requalifiés comme tels, est, en l’état des dispositions mentionnées au point 22, incertain. Eu égard, toutefois, aux effets de la présente ordonnance sur les rassemblements et réunions dans les établissements de culte, il n’est pas établi, en l’état de l’instruction, que cette incertitude, à laquelle il appartient au Premier ministre de remédier, soit constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte.
40. Par suite, les conclusions mentionnées au point 37 doivent être rejetées.
41. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement pour chacune des requêtes sous les n°s 440366, 440380, 440410, 440531, 440550, 440563 et 440590 d’une somme de 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit versée, d’une part, à M. AB…, Mme AJ…, M. J…, M. Z…, Mme AE… et M. X… qui sont intervenus volontairement à l’appui de la requête n° 440366, et d’autre part, à M. AT… qui ne justifie pas avoir exposé de frais non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de M. AR…, M. AB…, Mme AJ…, M. J…, M. Z…, Mme AE…, Mme AI… et M. X…, sous le n° 440366, sont admises.
Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes qui ont été présentées, sous le n° 440410 par le parti Chrétien-Démocrate et autre ainsi que sous le n° 440366 par M. W… et autres, qui tendent à la suspension de l’exécution, respectivement de l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et de l’article 8 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020.
Article 3 : Il est enjoint au Premier ministre de modifier, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les dispositions du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de » déconfinement « , pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.
Article 4 : L’Etat versera pour chacune des requêtes présentées sous les n°s 440366, 440380, 440410, 440531, 440550, 440563 et 440590, la somme de 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. G… W…, premier requérant dénommé, à M. L… AR…, à Mme V… AI…, à M. O… AB…, premier intervenant dénommé, à l’association Civitas, au parti Chrétien-Démocrate, premier requérant dénommé, à l’association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne, premier requérant dénommé, à l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, premier requérant dénommé, à M. C… AT…, à l’association La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, à Mme T… H… et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre.