Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 5 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE, dont le siège est Les Hoctins à Chevannes (45210), ainsi que les personnes physiques et morales constituant ce groupement, M. Franck A, demeurant …, M. Serge B, demeurant …, M. Jean-Louis C, demeurant …, la COOPERATIVE D’UTILISATION DE MATERIEL AGRICOLE DES COTEAUX DE SAINTE-ROSE, dont le siège est à Chevannes (45210) ; le GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 14 décembre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête du groupement tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 28 juin 2001 du tribunal administratif d’Orléans rejetant sa demande d’annulation de l’arrêté du 16 octobre 1997 du préfet du Loiret l’autorisant à poursuivre l’exploitation de forages et modifiant ses prélèvements d’eaux souterraines sur le territoire de la commune de Chevannes (Loiret), d’autre part, à l’annulation de cet arrêté ;
2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du tribunal administratif d’Orléans du 28 juin 2001 et l’arrêté du préfet du Loiret du 16 octobre 1997 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment son préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau ;
Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993, relatif aux procédures d’autorisation et de déclaration prévues par l’article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau ;
Vu le décret n° 2006-880 du 17 juillet 2006, relatif aux procédures d’autorisation et de déclaration prévues par les articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’environnement pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,
– les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE et autres,
– les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté du 16 octobre 1997, le préfet du Loiret a autorisé le GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE à poursuivre l’exploitation de forages sur le territoire de la commune de Chevannes en modifiant les prélèvements d’eaux souterraines autorisés ; que par un jugement du 28 juin 2001, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté la demande présentée par le groupement contre cet arrêté ; que la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel dont ce groupement l’avait saisi par un arrêt du 14 décembre 2004 qui fait l’objet du présent pourvoi en cassation ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992, aujourd’hui codifié à l’article L. 214-1 du code de l’environnement : “Sont soumis aux dispositions du présent article les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants” ;
Considérant, d’une part, qu’en premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 7 et 32 du décret du 29 mars 1993 dans sa rédaction alors en vigueur, pris pour l’application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992, que, lorsque le préfet est saisi d’une demande d’autorisation ou lorsqu’il envisage de prendre un arrêté imposant des prescriptions complémentaires à l’exploitant d’ouvrages, travaux et activités entrant dans le champ d’application de cet article, le demandeur ou l’exploitant a la faculté de se faire entendre par le conseil départemental d’hygiène ou de désigner à cet effet un mandataire ; qu’il doit, à cette fin, être informé par le préfet au moins huit jours à l’avance de la date et du lieu de la réunion du conseil et recevoir simultanément un exemplaire des projets de prescriptions ; qu’en deuxième lieu, en vertu du premier alinéa de l’article 8 de ce décret, le projet d’arrêté statuant sur une demande d’autorisation est porté, par le préfet, à la connaissance du pétitionnaire, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit ; qu’il en va de même, en vertu du dernier alinéa de l’article 32, s’agissant de la fixation de prescriptions complémentaires ; qu’en application de l’article 14 du même décret, dans l’hypothèse où des arrêtés complémentaires doivent être pris par le préfet, le bénéficiaire de l’autorisation peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions fixées par les articles 7 et 8 ; qu’en troisième lieu, en vertu de l’article 27 de la loi du 3 janvier 1992, aujourd’hui codifié à l’article L. 216-1 du code de l’environnement, en cas d’inobservation des dispositions applicables, le préfet doit mettre en demeure l’exploitant d’y satisfaire dans un délai qu’il détermine, avant de prendre des sanctions ; que, par ailleurs, lorsque le préfet décide de retirer une autorisation et d’établir un projet de remise en état des lieux, il notifie, en application de l’article 23 du décret, un exemplaire du dossier constitué à cette fin au bénéficiaire de l’autorisation, au propriétaire de l’ouvrage ou aux titulaires de droits réels ; qu’en vertu de l’article 25, ces personnes disposent alors d’un délai de deux mois à compter de la notification qui leur a été faite pour faire connaître par écrit leurs observations ;
Considérant, d’autre part, que l’article 29 de la loi du 3 janvier 1992, aujourd’hui codifié à l’article L. 214-10 du code de l’environnement, prévoit, en renvoyant à l’article 14 de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, aujourd’hui codifié à l’article L. 514-6 du même code, que les décisions prises en application de l’article 10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction et peuvent être déférées à la juridiction administrative par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où ces actes leur ont été notifiés ; que le juge, auquel il incombe le cas échéant de substituer son appréciation à celle de l’administration s’agissant des décisions à prendre et des prescriptions dont elles peuvent être assorties, doit alors statuer en fonction des éléments de la cause tels que ceux-ci se présentent au moment où il se prononce ;
Considérant qu’il résulte des procédures particulières applicables en vertu de l’ensemble de ces dispositions, qui, d’une part, associent le demandeur ou l’exploitant à différentes étapes en le mettant à même de faire valoir ses observations en toute connaissance de cause avant l’intervention des décisions, et, d’autre part, confient au juge des pouvoirs étendus de pleine juridiction dans les conditions rappelées ci-dessus, que l’exercice d’un recours administratif, qu’il soit gracieux ou hiérarchique, pour contester les décisions relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités entrant dans le champ d’application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992, ne peut avoir pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux ; qu’en rappelant cette règle, la cour administrative d’appel de Nantes n’a donc pas commis d’erreur de droit ;
Considérant toutefois que l’article 17 de l’arrêté litigieux mentionnait que celui-ci était susceptible de faire l’objet, soit d’un recours gracieux, soit d’un recours hiérarchique, prorogeant dans les deux cas le délai de recours contentieux ; que dans ces circonstances, eu égard aux garanties nécessaires à l’exercice effectif du droit au recours, l’arrêt attaqué ne pouvait regarder comme tardive la demande présentée au tribunal administratif d’Orléans au motif que le recours gracieux, présenté le 9 décembre 1997 par M. D en qualité de mandataire du groupement, n’avait pu interrompre le délai de recours contentieux ; que les requérants sont fondés pour ce motif à en demander l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l’affaire au fond ;
Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la convocation à la séance du conseil départemental d’hygiène :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, lorsque le préfet envisage de prendre un arrêté imposant des prescriptions complémentaires à l’exploitant d’ouvrages, travaux et activités entrant dans le champ d’application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992, celui-ci a la faculté de se faire entendre par le conseil départemental d’hygiène ou de désigner à cet effet un mandataire ; qu’il doit, à cette fin, être informé par le préfet au moins huit jours à l’avance de la date et du lieu de la réunion du conseil et recevoir simultanément un exemplaire des projets de prescriptions ; que ces dispositions ont pour objet non seulement d’informer l’intéressé de la date de la réunion du conseil, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations ; que, par suite, leur méconnaissance est de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie ;
Considérant toutefois qu’en l’espèce, si le préfet n’a avisé M. D de ce que le conseil départemental d’hygiène se réunirait le 30 juin 1997 que le 24 juin, il résulte de l’instruction que l’administration a communiqué dès le 11 avril aux exploitants le projet d’arrêté fixant les prescriptions litigieuses qui allait être examiné par le conseil et que ceux-ci ont d’ailleurs présenté des observations sur ce projet par lettre reçue à la direction départementale de l’agriculture et des forêts le 28 avril suivant ; qu’en outre, il est constant que M. D a été entendu par le conseil départemental lors de sa séance du 30 juin ; qu’eu égard à l’ensemble des conditions et délais dans lesquels l’intéressé a été mis à même de préparer et de faire valoir ses observations, le fait que la convocation ne soit parvenue à M. D que six jours avant la réunion du conseil départemental d’hygiène, ne constitue pas à lui seul, dans les circonstances particulières de l’espèce, une irrégularité substantielle de nature à entacher d’illégalité l’arrêté attaqué ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu’il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d’écarter les autres moyens articulés par le groupement requérant, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l’argumentation qu’il avait développée devant le tribunal administratif d’Orléans ;
Considérant que, dès lors, le GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande ; que l’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat et tendant à l’application à sa charge de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 14 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : La requête du GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE devant la cour administrative d’appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT D’IRRIGATION DES PRES DE LA FORGE et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Peignot, Garreau, qui les représente devant le Conseil d’Etat.