REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 juillet 1988 et le 24 novembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mlle Eliane X…, demeurant … ; Mlle X… demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule la décision en date du 29 avril 1988 par laquelle la commission de recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 26 octobre 1983, refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ;
2°) renvoie l’affaire devant la commission de recours des réfugiés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret du 2 mai 1953 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Simon-Michel, Auditeur,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mlle Eliane X…,
– les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que le recours ouvert aux personnes prétendant à la qualité de réfugié par l’article 5 de la loi susvisée du 25 juillet 1952 a le caractère d’un recours de plein contentieux ; qu’il appartient dès lors à la commission des recours des réfugiés de se prononcer sur le droit des intéressés à la qualité de réfugié d’après l’ensemble des circonstances de fait et de droit établies à la date de sa décision, c’est-à-dire à la date à laquelle cette décision est lue ; que les parties n’étant recevables à présenter des observations écrites qu’avant la clôture de l’instruction et à présenter des observations verbales que lors de l’audience publique, il incombe à la commission, lorsque se produisent après la date de l’audience et avant que la décision n’ait été lue, des changements dans les circonstances de fait qui servent de fondement à cette décision, de rayer l’affaire du rôle et de rouvrir l’instruction contradictoire ;
Considérant que pour rejeter la requête de Mlle X…, la commission des recours des réfugiés s’est fondée sur ce que les pièces du dossier ne permettaient pas de tenir pour fondées les craintes invoquées par la requérante « vis-à-vis du régime actuellement en place dans son pays » ; qu’il est constant que, comme le soutient Mlle X…, le régime en place à Haïti a changé entre le 21 mai 1987 date à laquelle la requête de Mlle X… a été examinée en audience publique et le 29 avril 1988 date de lecture de la décision attaquée ; qu’ainsi en rejetant la requête de Mlle X… par les motifs susanalysés sans avoir rouvert l’instruction, la commission des recours des réfugiés a méconnu l’obligation qui s’imposait à elle ; que Mlle X… est par suite fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La décision de la commission des recours des réfugiés en date du 29 avril 1988 est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la commission des recours des réfugiés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle X… et au ministre des affaires étrangères (office français de protection des réfugiés et apatrides).