REQUÊTE du Centre hospitalier régional de Besançon, représenté par le président de sa Commission administrative, régulièrement mandaté, tendant à l’annulation du jugement du 21 juin 1957, par lequel le Tribunal administratif de Besançon l’a condamné à payer à la Société médicale d’assurance « Le Sou Médical » et aux consorts X, la somme de 4.102.826 F, mise à la charge de ces derniers par les juridictions civiles, en réparation de l’incapacité permanente dont est atteint le jeune Y à la suite d’une intervention chirurgicale pratiquée par le docteur X à l’hôpital de Besançon le 14 août 1950 ;
Vu l’article 148 de la loi du 31 décembre 1945 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
CONSIDÉRANT qu’il résulte de l’instruction que, par des décisions ,judiciaires passées en force de chose jugée, le sieur X, chirurgien du Centre hospitalier régional de Besançon, a été condamné pour faute professionnelle commise dans l’exercice de ses fonctions à payer au sieur Y la somme de 4.102.826 anciens francs en réparation de la totalité du préjudice subi par son fils mineur du fait de son hospitalisation, le 12 août 1950, dans l’établissement précité ; qu’à la suite de cette condamnation, les héritiers du sieur X et la Société médicale d’assurances « Le Sou Médical », son assureur, ont adressé à la commission administrative du Centre hospitalier régional le 20 octobre 1955 une demande d’indemnité en réparation du préjudice résultant pour eux de la condamnation dont s’agit ; que, par un jugement en date du 21 juin 1957, le Tribunal administratif de Besançon, faisant droit à la demande du sieur X et de la Société « Le Sou Médical »— laquelle, en qualité d’assureur du sieur X, avait intérêt et, par suite, était recevable à former une telle action — a condamné le centre hospitalier régional à leur payer la somme susmentionnée de 4.102.826 anciens francs avec les intérêts de droit ; que la requête susvisée du Centre hospitalier régional de Besançon tend à l’annulation de ce jugement et à la décharge de ladite condamnation ;
Sur l’exception tirée de la déchéance quadriennale : — Cons. qu’aux termes de l’article 148 de la loi du 31 décembre 1945: « sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l’Etat, des départements, des communes et des établissements « publics, sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n’ayant pas été acquittées avant la clôture de l’exercice auquel elles appartiennent, n’auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l’ouverture de l’exercice pour les créanciers domiciliés en Hampe et de cinq années pour les créanciers domiciliés hors du territoire européen » ;
Cons. que la créance éventuelle des consorts X et de la Société « Le Sou Médical » ne saurait se rattacher, contrairement à ce que soutient le Centre hospitalier de Besançon, à l’exercice 1950 au cours duquel le jeune Ya été hospitalisé ; qu’elle n’a trouvé son origine que dans la condamnation prononcée par les tribunaux judiciaires à l’encontre du sieur X et ne pouvait être liquidée au plus tôt, avant l’intervention de l’arrêt en date du 31 mai 1954 par lequel la Cour d’appel de Besançon a fixé à 4.102.826 anciens francs l’indemnité due par le docteur X au père de la victime ; que des lors c’est à bon droit que le tribunal administratif, s’il a admis la recevabilité des conclusions du président de la commission administrative de l’établissement, compétent pour opposer à toute époque devant la juridiction administrative la déchéance prévue par les dispositions précitées, a déclaré que la demande d’indemnité formée par les consorts X et la Société « Le Sou Médical » n’était pas atteinte par ladite, déchéance ;
Sur le droit des consorts Xet de la Société « Le Sou Médical » au remboursement de la somme de 4.102.826 anciens francs : — Cons. qu’il résulte des décisions judiciaires susmentionnées que l’incapacité permanente partielle de 50% dont le jeune Y, demeure atteint est essentiellement imputable au retard apporté par le docteur X à la réduction de la fracture du bras droit qui avait motivé l’hospitalisation de l’intéressé, le 12 août 1950, au Centre hospitalier régional de Besançon ; que la faute ainsi commise présente essentiellement le caractère d’une faute de service à l’exclusion de toute faute personnelle détachable des fonctions assumées au centre hospitalier régional par le docteur X ;
Cons. que, lorsqu’un agent public a été poursuivi par un tiers pour faute de service, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à cet agent, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ; que ce principe général du droit a d’ailleurs été consacré expressément en ce qui concerne les fonctionnaires de l’Etat par l’article 14 de la loi du 19 octobre 1946 repris par l’article 11 de l’ordonnance du 4 février 1959 et, en faveur des agents des communes et des établissements publics communaux et intercommunaux par l’article 9 de la loi du 28 avril 1952 dont les dispositions ont été reprises par l’article 428 du Code de l’administration communale ;
Cons. que de ce qui précède il résulte que la Société « Le Sou Médical » et les consorts X étaient fondés à demander la condamnation du Centre hospitalier régional à leur rembourser la totalité de l’indemnité que l’autorité judiciaire les a condamnés à payer à la victime ; que, dès lors, le Centre hospitalier régional n’est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué — lequel est suffisamment motivé — le Tribunal administratif de Besançon l’ait condamné à payer aux intéressés la somme de 4.102.826 anciens francs susmentionnés ;… (Rejet avec dépens).
Conseil d’Etat, Section, 26 avril 1963, Centre Hospitalier de Besancon, rec. p. 243
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Section, 26 avril 1963, Centre Hospitalier de Besancon, rec. p. 243, ' : Revue générale du droit on line, 1963, numéro 17134 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=17134)
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