REQUÉTE de la commune de Gavarnie, représentée par son maire en exercice, tendant à l’annulation du jugement du 9 décembre 1959 par lequel le Tribunal administratif de Pau a annulé pour excès de pouvoir l’arrêté du maire de Gavarnie en date du 30 juillet 1958, réglementant la circulation sur les chemins vicinaux ordinaires nos 1 et 5 et ordonné une expertise aux fins de rechercher si cet arrêté a causé un préjudice au sieur X et, dans l’affirmative, d’évaluer ce préjudice ;
Vu le Code de l’administration communale ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Sur la légalité de l’arrêté municipal litigieux — CONSIDÉRANT que l’arrêté du maire de Gavarnie en date du 30 juillet 1958 a eu pour objet de réglementer, jusqu’au 30 septembre 1958, sur les sections des chemins vicinaux ordinaires n° 1 et n° 5 comprises entre les ponts dits de Brioule et de Nadaou, la circulation des piétons se rendant au cirque de Gavarnie ou revenant du cirque au village, ainsi que la circulation des montures effectuant, accompagnées de leurs conducteurs, le même parcours ; que, par l’effet de cet arrêté, les piétons étaient tenus d’emprunter, entre les deux ponts, le chemin vicinal ordinaire n° 5 qui suit la rive droite du Gave, et se voyaient interdire le chemin vicinal ordinaire n° 1 qui en suit la rive gauche, tandis que les conducteurs devaient faire passer leurs animaux sur le chemin n° 1 et ne pouvaient utiliser le chemin n° 5 sur cette partie du trajet ;
Cons. qu’il est constant que de nombreux touristes effectuant soit à pied soit à dos d’âne, de mulet ou de cheval l’excursion du cirque de Gavarnie avaient été au cours des saisons précédentes victimes sur ce parcours d’accidents causés par la rencontre de montures et de piétons sur une portion de voie étroite ; que, d’autre part, une affluence exceptionnelle de touristes était attendue à Gavarnie pendant la période d’application de l’arrêté litigieux ; qu’enfin il ne résulte pas du dossier qu’il eût été possible à l’autorité municipale de prévenir par une mesure aussi efficace et moins contraignante la menace que les circonstances de fait susrappelées faisaient naître pour le bon ordre et la sécurité publique ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal administratif, le maire de Gavarnie a pu, sans excéder les pouvoirs qu’il tenait de l’article 97 du Code de l’administration communale, apporter non seulement à la liberté des propriétaires de montures on de leurs préposés dans l’exercice de leur profession mais également à la liberté de circulation des personnes accomplissant à pied l’excursion du cirque de Gavarnie, les restrictions édictées par l’arrêté du 30 juillet 1958 ;
Cons. toutefois qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le sieur X devant le Tribunal administratif à l’encontre dudit arrêté ;
Cons. que, si la réglementation en cause a été de nature à compromettre pendant la durée de son application, l’exploitation normale de l’entreprise du sieur X, propriétaire d’un magasin de souvenirs situé en bordure du chemin vicinal ordinaire que l’arrêté du 30 juillet 1958 réservait aux montures accompagnées de leurs conducteurs, cette circonstance, alors que l’atteinte ainsi portée au principe de la liberté du commerce était la conséquence nécessaire d’une réglementation justifiée par les exigences de l’ordre public, ne saurait entacher d’illégalité l’arrêté litigieux ;
Cons. que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gavarnie est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué, en tant que celui-ci fait droit à la demande du sieur X tendant à l’annulation de l’arrêté municipal susvisé en date du 30 juillet 1958 ;
Sur les droits à indemnité du sieur X : — Cons. qu’ainsi qu’il vient d’être dit, l’arrêté municipal du 30 juillet 1958 n’est entaché d’aucune illégalité ; que dès lors la responsabilité de la commune de Gavarnie à l’égard du sieur X ne saurait être engagée sur le fondement de la faute du service publie
Mais cons. que le préjudice que l’interdiction légalement faite aux personnes accomplissant à pied l’excursion du cirque de Gavarnie d’emprunter le chemin vicinal ordinaire n° 1 a pu causer au sieur X revêt, compte tenu notamment de la nature du commerce de l’intéressé et de la situation de son magasin, le caractère d’un préjudice spécial ; que, s’il était en outre établi que ledit préjudice a, en fait, présenté une gravité telle que l’arrêté municipal du 30 juillet 1958 dût être regardé comme ayant imposé au sieur X, dans l’intérêt général, une charge ne lui incombant pas normalement, ledit sieur X devrait être indemnisé de ce préjudice par la commune de Gavarnie sur le fondement du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques ; que, dans ces conditions, ladite commune n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau, qui ne s’estimait suffisamment renseigné en l’état du dossier, ni sur l’existence ni, le cas échéant, sur le montant du préjudice subi, a ordonné sur ce point une expertise ;… (Annulation de l’article 2 du jugement ; rejet de la demande du sieur X et du surplus des conclusions de la requête de la commune de Gavarnie ; dépens exposés devant le Conseil d’Etat mis à sa charge).