Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 3 septembre 1986, au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la commune de Sainte-Marie de la Réunion, représentée par son maire en exercice ; la commune de Sainte-Marie de la Réunion demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du 2 avril 1986, par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé, sur déféré présenté par le préfet, commissaire de la République de la Réunion, les marchés de travaux publics conclus, les 13 mars et 13 août 1985 entre ladite commune et l’entreprise Valère Moutien-SMTP ;
2°) rejette le déféré présenté par le préfet devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, modifiée et complétée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 ;
Vu le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Latournerie, Conseiller d’Etat,
– les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de la commune de Sainte-Marie de la Réunion,
– les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du déféré du préfet de la Réunion :
Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, modifiée par la loi du 22 juillet 1982 : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l’article précédent qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission » et qu’au nombre des actes mentionnés audit paragraphe II figurent « les conventions relatives aux marchés … » ; que la commune de Sainte-Marie a passé, avec l’entreprise Valère Moutien (S.M.T.P.), deux marchés en vue de la réalisation de travaux de voirie agricole au lieu-dit Beaumont-les-Hauts, respectivement les 13 mars et 13 août 1985 ; que le marché du 13 août 1985 a été transmis à la préfecture le 28 août, alors que le premier marché, en date du 13 mars 1985, n’a fait l’objet d’une transmission que le 10 septembre ; qu’en application des dispositions précitées, le déféré du préfet contre ce dernier marché était recevable le 11 novembre 1985 ; que ce jour étant férié, la date d’expiration du délai de recours contentieux se trouvait reportée au premier jour ouvrable suivant, soit le 12 novembre 1985, c’est-à-dire à la date à laquelle le préfet a effectivement déféré le marché du 13 mars 1985 ;
Considérant que, pour apprécier la régularité de la procédure du marché négocié retenue par la commune, le préfet devait nécessairement attendre d’être en possession des deux conventions pour pouvoir vérifier s’il s’agissait d’une même opération et, dans ce cas, s’assurer que son montant global se situait en deçà du seuil prévu par la réglementation en vigueur pour ce type de marché ; que, dès lors, c’est à bon droit que le tribunal administratif a estimé recevables les conclusions du déféré du préfet enregistrées le 12 novembre 1985, tendant non seulement à l’annulation du marché du 13 mars 1985 transmis à la préfecture le 10 septembre, mais également à celle du marché du 13 août 1985, bien que ce second marché ait été transmis au Préfet dès le 28 août 1985 ;
Sur la légalité des marchés conclus les 13 mars et 13 août 1985 par le maire de Sainte-Marie :
Considérant qu’aux termes de l’article 309 du code des marchés publics : « les collectivités locales … peuvent conclure des marchés négociés pour des travaux, fournitures ou services dont la valeur n’excède pas, pour le montant total de l’opération, des seuils fixés, pour chaque catégorie, par arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances et des ministres de tutelle » ; qu’en vertu de l’arrêté interministériel du 7 janvier 1982 applicable aux marchés en cause, le seuil prévu par l’article 309 du code s’élève à 350 000 F ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier et notamment de l’examen du contenu des conventions, que celles-ci ont été conclues entre les mêmes parties et qu’elles avaient le même objet, à savoir la réalisation de travaux de voirie portant sur la même propriété ; que, dans ces conditions, sous l’apparence de deux marchés, il s’agissait de la réalisation d’une même opération dont le montant global s’élevait à 491 549,50 F, dépassant ainsi le seuil prévu par les dispositions précitées de l’article 309 du code des marchés publics ;
Considérant que, si la commune de Sainte-Marie soutient qu’il a été nécessaire de procéder à des travaux supplémentaires entraînés par le passage de la dépression tropicale Celestina et que l’on se trouvait de ce fait dans l’une des hypothèses mentionnées par l’article 312 du code des marchés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le passage de cette dépression, qui s’est produit en janvier 1985, soit antérieurement à la conclusion des deux marchés, ait eu le caractère d’un cas d' »urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles », justifiant, à la date de signature des marchés, la passation d’un marché négocié sans limitation de montant ;
Considérant enfin qu’il ressort des termes mêmes de l’article 312 bis 2° du code que celui-ci ne dispense pas les collectivités locales du respect du seuil mentionné à l’article 309 mais se borne à les dispenser, dans certaines hypothèses, de la mise en concurrence préalable ; qu’au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions prévues par l’article 312 bis 2° étaient réunies en l’espèce ; qu’ainsi la commune ne saurait utilement se fonder sur ces dispositions pour soutenir que le seuil de passation des marchés négociés ne lui était pas opposable ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la commune de Sainte-Marie n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé pour excès de pouvoir les marchés conclus les 13 mars et 13 août 1985 ;
Article 1er : La requête de la commune de Sainte-Marie est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sainte-Marie, à la société Valère Moutien Travaux Publics (S.M.T.P.), au préfet de La Réunion et au ministre de l’équipement, du logement, des transports et de l’espace.