REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Recours du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice tendant à ce qu’il plaise au Conseil d’annuler un jugement rendu le 2 juin 1954 par le Tribunal administratif de Montpellier sur la réclamation à lui présentée par le sieur Thouzellier ;
Vu l’ordonnance du 2 février 1945 modifiée par la loi du 24 mai 1951 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Considérant qu’il est constant que le cambriolage dont la villa sise a Saint- Guilhem-le-Désert, appartenant au sieur Thouzellier a été l’objet dans la nuit 3 au 4 février 1952 a eu pour auteurs deux jeunes gens, alors pensionnaires de l’Institution publique d’Education surveillée d Aniane, située dans les environs, qui, le 3 février 1952, au cours d’une promenade collective, avaient échappé par la fuite à la surveillance de l’« éducateur » préposé à la conduite du groupe ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que, contrairement aux mentions de l’arrêté attaqué, avis de la fuite des deux pupilles a été donné immédiatement par la direction de l’établissement, tant aux brigades de gendarmerie qu’aux parquets et aux commissaires de police intéressés ; qu’il n’est donc relevé à la charge de l’administration aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;
Mais considérant qu’il résulte de l’ensemble des prescriptions de l’ordonnance du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante modifiée par la loi du 24 mai 1951, que le législateur a entendu mettre en oeuvre, en ce domaine, des méthodes nouvelles de rééducation, caractérisées par la substitution au régime antérieur d’incarcération d’un système plus libéral d’internat surveillé ; que lesdites méthodes créent, lorsqu’elles sont utilisées dans ceux de ces établissements d’éducation surveillée qui reçoivent des pensionnaires appartenant à la catégorie de ceux qui sont envoyés à Aniane, un risque spécial pour les tiers résidant dans le voisinage, lesquels ne bénéficient plus des garanties qui résultaient pour eux des règles de discipline anciennement en vigueur ; qu’il suit de là que la responsabilité du service public en raison des dommages causés aux tiers dont s’agit par les pensionnaires de ces établissement ne saurait être subordonnée à la preuve d’une faute commise par l’administration, mais découle des conditions mêmes dans lesquelles fonctionne le service :
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Ministre de la Justice, qui ne discute pas le montant du préjudice subi, n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par arrêté attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a accordé au sieur Thouzellier réparation de ce préjudice ;… (Rejet du recours).