AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
1°) d’annuler les clauses à caractère réglementaire de l’avenant n° 11 à la convention passée entre l’Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession, la construction, l’entretien et l’exploitation d’autoroutes approuvé par le décret du 7 février 1992 modifié et au cahier des charges annexé à la convention ;
2°) d’enjoindre au ministre de résilier l’avenant n° 11 ou de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité de cet avenant ;
Vu 2°), sous le n° 290605, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 9 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’ASSOCIATION ALCALY (alternatives au contournement autoroutier de Lyon), ayant son siège à la mairie de Saint Laurent d’Agny (69440), représentée par son président, ainsi que par M. Alain A, demeurant … ; l’ASSOCIATION ALCALY et M. A demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer de signer l’avenant du 31 janvier 2006 à la convention passée entre l’Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession, la construction, l’entretien et l’exploitation d’autoroutes approuvé par le décret du 7 février 1992 modifié et au cahier des charges annexé à la convention ;
2°) d’enjoindre au ministre de résilier l’avenant n° 11 à cette convention ou de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité de cet avenant ;
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Vu 3°), sous le n° 291809, la requête, enregistrée le 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jean-Pierre B, demeurant … et M. Etienne C, demeurant … ; M. B et M. C demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 31 janvier 2006 du ministre des transports, de l’équipement du tourisme et de la mer de signer l’avenant n° 11 à la convention passée entre l’Etat et la société des Autoroutes du sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes approuvée par le décret du 7 février 1992 modifié, et au cahier des charges annexé à cette convention, ainsi que l’acte d’approbation par le même ministre de cet avenant ;
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Vu 4°), sous le n° 291810, la requête, enregistrée le 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS, dont le siège est Espace Joël Chotard, 11, avenue Emile Evellier à Grézieu-la Varenne (69290), représentée par MM. Noël D et Maurice E, ses co-présidents ; l’ASSOCIATION SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 31 janvier 2006 du ministre des transports, de l’équipement du tourisme et de la mer de signer l’avenant n° 11 à la convention passée entre l’Etat et la société Autoroute du sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes approuvée par le décret du 7 février 1992 modifié, et au cahier des charges annexé à cette convention ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2009, présentée par l’ASSOCIATION ALCALY et M. A ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 89/440/CEE du 18 juillet 1989 ;
Vu la directive n° 93/38/CEE du 14 juin 1993 ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu la loi n° 2006-241 du 1er mars 2006 ;
Vu le décret n° 92-311 du 31 mars 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Alban de Nervaux, auditeur,
– les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire,
– les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public,
– la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer a conclu le 31 janvier 2006 avec la société Autoroutes du Sud de la France (ASF), sans publicité ni mise en concurrence préalable, un onzième avenant au contrat de concession en date du 10 janvier 1992 passé entre l’Etat et cette société, et au cahier des charges annexé, afin de lui confier la réalisation et l’exploitation du tronçon de l’autoroute A89 entre Balbigny et la Tour de Salvigny ;
Considérant que les associations SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS et ALCALY (Alternatives au contournement autoroutier de Lyon), ainsi que MM. A, B et C demandent l’annulation de la décision du ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer de signer l’avenant du 31 janvier 2006 ; que les conclusions de MM. B et C tendant à l’annulation de l’acte d’approbation en date du 31 janvier 2006 doivent être regardées comme tendant également à l’annulation de la décision de signer l’avenant ; que l’ASSOCIATION ALCALY et M. A demandent en outre l’annulation des clauses réglementaires de l’avenant, notamment de l’article 1er de celui-ci en tant qu’il intègre dans l’objet de la concession le tronçon de l’autoroute A89 entre Balbigny et la Tour de Salvigny, ainsi que des modifications apportées par l’avenant à l’article 1er du cahier des charges annexé à la convention, qui a le même objet, à son article 3, qui définit les caractéristiques générales des ouvrages, enfin à son article 25 qui précise les nouveaux tarifs de péage consécutifs à l’intégration du tronçon de l’autoroute A89 entre Balbigny et la Tour de Salvigny ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prononcé un désistement d’office :
Considérant que l’ASSOCIATION ALCALY et M. A ont produit le mémoire ampliatif annoncé le 9 mai 2006, soit avant l’expiration du délai de quatre mois à compter de l’enregistrement de leur requête prévu par les dispositions de l’article R. 611-22 du code de justice administrative dans leur rédaction alors applicable ; qu’ainsi les conclusions tendant à ce que soit prononcé un désistement d’office doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à ce que, compte tenu de la loi du 1er mars 2006, soit prononcé un non lieu à statuer sur les requêtes ou à ce que celles-ci soient rejetées comme irrecevables :
En ce qui concerne les moyens relatifs à l’application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Considérant que le I de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule que : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) ; que l’Etat ne peut, sans méconnaître ces stipulations, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant, au cours d’un procès, des mesures législatives à portée rétroactive qui ont pour effet de faire obstacle à ce que la décision faisant l’objet d’un procès puisse être utilement contestée, sauf lorsque l’intervention de ces mesures est justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général ;
Considérant que les présentes requêtes, dirigées contre la décision de signer un avenant et les clauses réglementaires de cet avenant, lequel a notamment pour objet de permettre le relèvement des tarifs de péage sur l’ensemble du réseau des autoroutes du sud de la France, sont relatives à une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens des stipulations précitées ;
Considérant qu’aux termes de la loi susvisée du 1er mars 2006 : Sont approuvés l’avenant du 31 janvier 2006 à la convention du 10 janvier 1992 passée entre l’Etat et la société des autoroutes du sud de la France, concernant la section de l’autoroute A89 Balbigny-La Tour-de-Salvagny, ainsi que les modifications apportées par cet avenant au cahier des charges annexé à cette convention. ; que cette loi a procédé à l’approbation de l’avenant litigieux, alors que l’article L. 122-4 du code de la voirie routière prévoit que la convention de concession et le cahier des charges d’une autoroute sont approuvés par décret en Conseil d’Etat ; qu’eu égard à l’objectif recherché par le législateur, visant, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires, à prémunir la réalisation du projet autoroutier en cause contre d’éventuels recours en annulation, la loi du 1er mars 2006 doit être regardée comme ayant modifié rétroactivement l’ensemble des règles applicables à la passation de l’avenant, faisant ainsi obstacle à ce que la légalité de la décision de signer l’avenant et de ses clauses réglementaires puisse être utilement contestée devant le juge administratif ;
Considérant que, compte tenu de la date d’introduction de leurs requêtes, l’ASSOCIATION ALCALY et M. A peuvent utilement se prévaloir de l’incompatibilité de la loi du 1er mars 2006 avec les stipulations du paragraphe I de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’en revanche, les autres requérants, dont les requêtes ont été introduites après la publication de la loi du 1er mars 2006, ne peuvent utilement invoquer cette incompatibilité ;
Considérant qu’il résulte ce qui a été dit ci-dessus que la loi du 1er mars 2006, intervenue postérieurement à l’introduction des requêtes de l’ASSOCIATION ALCALY et de M. A, a une portée rétroactive qui a pour effet de faire obstacle à ce que la légalité des actes attaqués par ces requêtes puisse être utilement contestée devant le juge administratif ; qu’elle porte ainsi atteinte au droit de ces requérants à un procès équitable ; que la circonstance que la loi soit issue d’une proposition de loi déposée le 24 janvier 2006 sur le bureau du Sénat, et donc antérieure tant à la signature de l’avenant qu’à l’introduction de ces requêtes, et que la loi ait été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 23 février 2006, soit le jour même de l’introduction de ces requêtes, est sans incidence à cet égard ; que les motifs invoqués en l’espèce, tenant en particulier à la nécessité d’assurer la réalisation du projet autoroutier dans les meilleurs délais, ne revêtent pas un caractère impérieux d’intérêt général susceptible de justifier les atteintes ainsi portées au droit à un procès équitable ; qu’ainsi, les dispositions de la loi du 1er mars 2006 ne sont pas compatibles avec les stipulations du paragraphe I de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que l’ASSOCIATION ALCALY et M. A sont dès lors fondés à demander que son application soit écartée pour apprécier la légalité des actes contestés par leurs requêtes ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à l’application du droit communautaire :
Considérant que des dispositions législatives qui auraient pour objet ou pour effet de soustraire au contrôle du juge des actes administratifs contraires au droit communautaire seraient elles-mêmes incompatibles avec les exigences qui découlent de l’application du droit communautaire ;
Considérant que les requérants soutiennent que les actes administratifs attaqués seraient incompatibles avec les dispositions des directives du 18 juillet 1989 et du 14 juin 1993 ; qu’ils en déduisent que la loi du 1er mars 2006, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, a modifié les règles relatives à la passation de l’avenant afin de placer les actes administratifs qui en sont le support à l’abri du contrôle du juge, devrait elle-même être écartée comme contraire au droit communautaire ;
Mais considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, dès 1987, l’Etat s’est engagé à confier à la société ASF la réalisation de la section d’autoroute en cause ; qu’en contrepartie de cette promesse, la société ASF a réalisé d’importants travaux et études préparatoires ; que la convention du 10 janvier 1992 a par la suite accordé à cette société la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’un grand nombre d’autoroutes, au nombre desquelles la section de l’autoroute entre Balbigny et la bifurcation A6-A46 au Nord de Lyon, les caractéristiques de l’ouvrage, ses conditions d’exploitation et de financement devant être ultérieurement précisées par avenant ; qu’une enquête publique en vue de la réalisation de cette section a été conduite en 1997 ; que si l’Etat a, fin 1997, informé la société ASF de son intention de suspendre l’exécution du projet, la section d’autoroute étant même retirée du champ de la concession par le quatrième avenant approuvé par décret du 29 décembre 1997, sa réalisation a été relancée dès 1999 ; qu’une nouvelle enquête publique a été conduite en 2001, sur un tracé reliant Balbigny à La Tour-de-Salvigny avant que la société ASF ne soit chargée en 2003 par l’Etat d’étudier la réintégration de la section autoroutière dans la concession ; qu’en dépit des évolutions intervenues depuis 1992, du fait notamment des difficultés techniques et environnementales rencontrées, dans la longueur et le tracé de l’ouvrage envisagé, le projet ne diffère pas substantiellement de celui pour lequel la société ASF avait été retenue ; que dès lors, et malgré la lenteur avec laquelle cette décision a été mise en oeuvre, il ressort des pièces du dossier, ainsi que d’un courrier de la Commission européenne en date du 12 avril 2005 versé au dossier le 27 novembre 2008, que la société ASF doit être regardée comme ayant été pressentie pour réaliser le tronçon litigieux avant l’expiration du délai de transposition de la directive du 18 juillet 1989 ; qu’il en résulte que les obligations de publicité prévues par cette directive, et reprises par la directive du 14 juin 1993, n’ont pas été méconnues, alors même que l’attribution formelle de la concession est intervenue postérieurement à la date d’expiration de ce délai ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à demander que l’application de la loi du 1er mars 2006 soit écartée en raison de son incompatibilité alléguée avec les directives des 18 juillet 1989 et 14 juin 1993 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requêtes introduites par l’ASSOCIATION SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS , ainsi que par MM. B et C doivent être rejetées ; qu’en revanche, les conclusions tendant à ce que, compte tenu de l’intervention de la loi du 1er mars 2006, soit prononcé un non lieu à statuer sur les requêtes de l’ASSOCIATION ALCALY et de M. A ou à ce que celles-ci soient rejetées comme irrecevables ne peuvent être accueillies ;
Sur les exceptions d’irrecevabilité tirées, d’une part, de ce que la décision du 31 janvier 2006 ne ferait pas grief, d’autre part, de ce que les clauses réglementaires seraient indivisibles du reste du contrat ;
Considérant, d’une part, que la décision du ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer de signer l’avenant du 31 janvier 2006 constitue un acte détachable du contrat qui fait grief aux requérants nonobstant la circonstance que l’avenant précise qu’il n’entrera en vigueur que lors de la promulgation d’une loi d’approbation ;
Considérant, d’autre part, que les clauses réglementaires d’un contrat sont par nature divisibles de l’ensemble du contrat ; que doit ainsi être écartée l’exception tirée de ce que M. A et l’ASSOCIATION ALCALY seraient insusceptibles de contester devant le juge de l’excès de pouvoir les clauses réglementaires de l’avenant au motif que celles-ci seraient indivisibles du reste du contrat ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Considérant que si, en vertu des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière, des ouvrages ou aménagements non prévus au cahier des charges de la délégation peuvent être intégrés à l’assiette de celle-ci sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité, ainsi que de leur caractère accessoire par rapport à l’ouvrage principal, eu égard notamment à son coût et à ses dimensions, le prolongement de l’A89 prévu par l’avenant ne peut être regardé comme accessoire à l’ouvrage principal déjà exploité dans le cadre de la concession du service public autoroutier ;
Considérant, toutefois, qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la société ASF a été expressément pressentie dès 1987 pour réaliser la section d’autoroute en cause et a, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires, de sorte que l’avenant litigieux n’a pas été passé irrégulièrement, en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence résultant de la directive du 18 juillet 1989 et du décret du 31 mars 1992, qui en a assuré la transposition pour les marchés de travaux de l’Etat, et reprises par la directive du 14 juin 1993 ; que, dans ces circonstances, les requérants ne peuvent davantage se prévaloir d’une méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence définies par la loi du 29 janvier 1993, l’article 47 de cette loi prévoyant en effet que ces obligations ne sont pas applicables lorsque, avant la date de publication de la loi, l’autorité habilitée a expressément pressenti un délégataire et que celui-ci a, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir tirées du défaut d’intérêt donnant qualité pour agir, que les requêtes présentées par l’ASSOCIATION ALCALY et M. A doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes présentées par l’ASSOCIATION SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS, l’ASSOCIATION ALCALY, MM. A, C et B sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION SAUVEGARDE DES COTEAUX DU LYONNAIS, l’ASSOCIATION ALCALY, MM. Alain A, Etienne C et Jean-Pierre B, à la société Autoroutes du Sud de la France et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.