Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Franck O, demeurant … ; M. O demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’article 1er du jugement du 13 juin 2008 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu’il a rejeté sa protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune de Luemschwiller (Haut-Rhin) ;
2°) d’annuler les opérations électorales de ces deux tours de scrutin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi organique sur l’industrie du 27 février 1888, modifiée par la loi du 26 juillet 1900 sur les professions pour l’Empire allemand, et la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu l’ordonnance d’empire du 16 août 1892 sur les jours fériés ;
Vu la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme du temps de travail dans l’entreprise ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 119 du code électoral : Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d’irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. (…) ; qu’aux termes de l’article 642 du code de procédure civile : Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 105 a de la loi organique sur l’industrie du 27 février 1888, modifiée par la loi d’empire du 26 juillet 1900 sur les professions, maintenue en vigueur en Alsace et dans le département de la Moselle par la loi du 1er juin 1924: Les jours fériés sont fixés par le gouvernement compte tenu des situations locales et confessionnelles. ; qu’aux termes de l’ordonnance du 16 août 1892 prise sur le fondement de cet article: (…). Sont considérés comme jours de fêtes dans le sens de la loi organique sur l’industrie : (…) le lundi de Pâques, (…) et, dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte, le Vendredi Saint ; qu’en vertu de ces dispositions, aujourd’hui reprises au 2° de l’article L. 3134-13 du code du travail, le Vendredi Saint est, dans le département du Haut-Rhin, un jour férié dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte et le lundi de Pâques est également un jour férié ; qu’il résulte de l’instruction que les résultats des opérations électorales qui ont eu lieu le dimanche 16 mars 2008, dans la commune de Luemschwiller (Haut-Rhin), ont été proclamés le jour même et qu’en conséquence le délai fixé par les dispositions précitées de l’article R. 119 du code électoral expirait le vendredi 21 mars 2008 à 18 heures ; que la protestation présentée par M. O contre les deux tours du scrutin organisé en vue de ces élections a été enregistrée à la sous-préfecture d’Altkirch le mardi 25 mars 2008 ; qu’à cette date, et par application des dispositions précitées de l’article 642 du code de procédure civile, ce délai n’était toutefois pas expiré, dès lors qu’il avait été prorogé d’abord par le Vendredi Saint, la commune d’Altkirch disposant d’un temple protestant, puis par le lundi de Pâques ; qu’il en résulte que M. O est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a, au motif que le Vendredi Saint ne constituait pas un jour férié à portée générale en Alsace et dans le département de la Moselle, rejeté comme tardive sa protestation ;
Considérant, toutefois, que le délai ouvert pour contester les opérations du premier tour du scrutin en date du 9 mars 2008 à l’issue desquelles, sur les 15 sièges à pourvoir, 13 conseillers municipaux ont été élus, expirait, par application des dispositions précitées de l’article R. 119 du code électoral, le 14 mars à 18 heures ; que, dès lors et ainsi que le préfet du Haut-Rhin le soutenait devant le tribunal administratif, la protestation formée par M. O contre les opérations électorales des 9 et 16 mars 2008, enregistrée à la sous-préfecture d’Altkirch le 25 mars 2008, était, en tant qu’elle concernait le premier tour de scrutin, tardive ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. O n’est pas fondé à se plaindre du rejet par le tribunal administratif de Strasbourg de sa protestation dirigée contre les opérations électorales du 9 mars 2008 ; qu’il est, en revanche, fondé à soutenir que c’est à tort que l’article 1er du jugement attaqué a rejeté cette protestation en tant qu’elle était dirigée contre les opérations électorales du 16 mars 2008 ; que ce jugement doit, seulement dans cette mesure, être annulé ;
Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l’article R. 120 du code électoral pour statuer, dans cette mesure, sur la protestation étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de statuer immédiatement sur cette protestation, dans la même mesure ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Haut-Rhin :
Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus, la protestation de M. O n’était pas tardive en ce qui concerne les opérations électorales organisées le 16 mars 2008 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Haut-Rhin, en ce qui concerne le second tour du scrutin, doit être rejetée ;
Sur la campagne électorale :
Considérant que deux listes se sont présentées au suffrage des électeurs en vue du renouvellement du conseil municipal de Luemschwiller ; qu’au premier tour, la liste d’entente communale, conduite par le maire sortant, a obtenu 10 sièges et la liste Luemschwiller pour nos aînés et pour nos enfants, dirigée par un conseiller municipal sortant, a obtenu 3 sièges ; qu’au second tour, M. Charles C, candidat de la liste du maire sortant, a obtenu l’un des deux sièges restant à pourvoir avec 230 voix et l’autre siège a été attribué à M. Daniel D, candidat de l’autre liste et qui a recueilli 225 suffrages ; que M. O, présent sur cette dernière liste et ayant obtenu 210 voix, n’a pas été élu ; qu’il résulte de l’instruction qu’un tract anonyme, contenant une présentation malveillante et injurieuse de quatre des candidats, dont l’identité pouvait aisément être décelée, de la liste Luemschwiller pour nos aînés et pour nos enfants, déjà diffusé juste avant le premier tour du scrutin, a été envoyé entre les deux tours du scrutin, aux électeurs de la commune par voie postale ; qu’en raison de ce tract, qui excède les limites admissibles de la polémique électorale, et eu égard au faible écart de voix séparant, au second tour du scrutin, les candidats de la liste Luemschwiller pour nos aînés et pour nos enfants de ceux de la liste adverse, la diffusion de ce tract, dont l’importance n’est pas contestée, a été de nature à altérer les résultats du scrutin ; qu’il en résulte, et sans qu’il soit besoin d’examiner le second grief articulé par M. O, que le second tour des opérations électorales organisées en vue de la désignation des conseillers municipaux de Luemschwiller restant à élire doit être annulé ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’article 1er du jugement du 13 juin 2008 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de la protestation de M. O dirigées contre le second tour du scrutin organisé le 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux restant à élire dans la commune de Luemschwiller.
Article 2 : L’élection de MM. Charles C et Daniel D en qualité de conseillers municipaux de Luemschwiller est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. O est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Franck O, à MM. Germain A, Michel B, Charles C, Daniel D, Gérard E, Edouard F, Jean-Luc G, Philippe H, Francis I, Philippe J, Denis K, Francis L, Christophe M, à Mmes Pascale B et Josiane N et à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.